l'écologie et développement durable en campagne :...

97
UNIVERSITE LUMIERE LYON II – Année universitaire 2006-2007 Institut d'Etudes Politiques de Lyon Mémoire de fin d'etudes : section internationale L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discours de la presse écrite française en période électorale sous la direction de Isabelle GARCIN-MARROU Hélène MORI Soutenu le 31 aout 2007 Jury : Isabelle GARCIN-MARROU et Isabelle HARE

Upload: others

Post on 19-Jun-2020

2 views

Category:

Documents


1 download

TRANSCRIPT

Page 1: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

UNIVERSITE LUMIERE LYON II – Année universitaire 2006-2007Institut d'Etudes Politiques de Lyon

Mémoire de fin d'etudes : section internationale

L'écologie et développement durable encampagne : des catégories fluctuantesdans le discours de la presse écritefrançaise en période électorale

sous la direction de Isabelle GARCIN-MARROUHélène MORI

Soutenu le 31 aout 2007

Jury : Isabelle GARCIN-MARROU et Isabelle HARE

Page 2: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories
Page 3: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Table des matièresREMERCIEMENTS . . 5Introduction . . 6

Problématique . . 8Choix du corpus et méthode d’analyse . . 8Chronologie . . 9Définition préalable des termes du sujet . . 10

Partie 1 Ecologie et développement durable : des traitements politiques et médiatiquesmouvants . . 12

A) Ecologie et développement durable : un traitement politique particulier . . 121. Les postures contradictoires de l’appareil d’Etat à l’égard de l’écologie et dudéveloppement durable : des repères spatio-temporels . . 132. Positionnement des organes politiques : des thèmes politisés ou au-delà desclivages politiques traditionnels ? . . 153. Analyse préalable de quelques programmes politiques en matière d’écologie etde développement durable à l’aune de l’élection présidentielle de 2007 . . 19

B) Ecologie, développement durable hors période électorale : un traitement médiatiquenon prioritaire et segmenté . . 22

1. Rubriquage, catégorisation et stratégies éditoriales des quotidiens nationauxsélectionnés . . 222) Les caractéristiques majeures des discours médiatiques en lien avec l’écologieet le développement durable hors campagne électorale . . 26

Partie 2 : La médiatisation croissante de faits liés à l’écologie et au développementdurable : des catégories fluctuantes dans le contexte précis de la campagne présidentielle2006-2007 . . 29

A) Les logiques croisées d’acteurs en quête de visibilité médiatique . . 301. Le positionnement médiatique des acteurs politiques en matière dedéveloppement durable et d’écologie : l’exemple de Ségolène Royal . . 312. Nicolas Hulot : la présence surdimensionnée d’une figure non politique . . 363. La moindre visibilité d’autres acteurs de la société civile pour peser dans ledébat et être au cœur de la campagne médiatique . . 41

B) Le traitement médiatique des actions “hors campagne” . . 471. Le “testament” écologique de Jacques Chirac : un acte isolé ? . . 482. Les réactions au projet EPR : quelle catégorisation politique ? . . 54

Conclusion . . 61Bibliographie . . 65

Ouvrages . . 65Articles de revues . . 65Articles de presse . . 66Sites internet . . 66Emissions télévisées et radiodiffusées . . 66

Annexes . . 68ANNEXE 1 . . 68ANNEXE 2 . . 70ANNEXE 3 . . 71

Page 4: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

ANNEXE 4 . . 72ANNEXE 5 . . 73ANNEXE 6 . . 74ANNEXE 7 . . 76ANNEXE 8 . . 77ANNEXE 9 . . 78ANNEXE 10 . . 80ANNEXE 11 . . 82ANNEXE 12 . . 83ANNEXE 13 . . 84ANNEXE 14 . . 86ANNEXE 15 . . 87ANNEXE 16 . . 88ANNEXE 17 . . 90ANNEXE 18 . . 91ANNEXE 19 . . 93ANNEXE 20 . . 95ANNEXE 21 . . 96

Page 5: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

REMERCIEMENTS

MORI Hélène_2007 5

REMERCIEMENTSMerci à :

Isabelle Garcin-Marrou pour le suivi attentif de ce mémoire et Isabelle Hare pour ses précieuxapports théoriques

Francis et Michèle Mori pour leur relecture avertie

Soufiane Kodssy et Anaïs Marcolin pour leur aide technique imparable

Etienne Tissandier et Anna Tible pour leurs conseils avisés

Page 6: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

6 MORI Hélène_2007

Introduction

L’année 2006 s’est avérée particulièrement riche en événements liés à l’écologie et audéveloppement durable sur les scènes politiques et médiatiques. Caractérisée par deslogiques croisées entre différents types d’acteurs, cette abondance de faits a été portée àplusieurs niveaux.

Nous pouvons notamment distinguer des personnalités charismatiques telles quel’ancien vice-président des Etats-Unis Al Gore, avec le succès du film prophétique Unevérité qui dérange, ou l’animateur cathodique1 Nicolas Hulot et son Pacte écologique, quitémoignent d’une prise de conscience généralisée pour les questions relatives à l’écologieet au développement durable.

Par ailleurs, les effets plus inquiétants du réchauffement climatique ont été rendusdavantage visibles par les discours et les constructions médiatiques. L’agenda internationala ainsi été particulièrement chargé avec une série de conférences sur l’après-Kyoto etla parution du rapport Stern2 sur les conséquences du réchauffement climatique et lesmodalités d’action possibles qui ont été relatées par les discours de la presse écritefrançaise.

S’il a fallu attendre l’année 1977 pour voir un sondage mentionner « l’écologie »3,un nombre croissant de sondages, relatifs à l’écologie et au développement durable, ontété publié depuis. Le fait de sonder la population française sur les questions relativesà l’écologie et au développement durable n’est donc pas nouveau. En 1993, dans sonintroduction à l’ouvrage intitulé Le Défi écologiste, l’anthropologue Marc Abélès4 avaitdéjà noté la reconnaissance ascendante de l’environnement : « Tous les sondages lemontrent, l’environnement apparaît dès les années soixante-dix comme une préoccupationessentielle des Français. Mais la nature était alors associée à l’idée d’un ensemble detransformations positives. (...) Depuis lors notre appréhension de ces questions a évolué.Comme le montrent les enquêtes d’opinion, l’environnement est devenu de plus en plussynonyme d’insécurité. Alors que la nature a été longtemps promesse de mieux-être, ellecristallise aujourd’hui tout un ensemble d’angoisses ». La parution de nombreux sondagesatteste ainsi d’une opinion publique de plus en plus sensible aux questions en lien avecl’écologie servant ainsi de catalyseur pour la reconnaissance de ces enjeux par les acteurspolitiques et journalistiques. Effectivement, le simple fait de recourir à des sondages relatifsà l’écologie, la protection de l’environnement ou au développement durable est significatifd’une prise de conscience des principaux commanditaires à l’égard de ces enjeux. SelonPierre Lascoumes, les sondages sont avant tout des « instruments destinés aux politiqueset aux décideurs » dans la mesure où « prétendre démontrer l’existence d’une opinion

1 Nicolas Hulot est notamment animateur, reporter et producteur pour l’émission télévisée Ushuaïa Nature, diffusée sur TF1depuis 1987

2 Voir en annexe n°1 la chronologie indicative des faits en lien avec l’écologie et le développement durable allant du 11 octobre2006 au 16 juillet 2007

3 SAINTENY Guillaume, « Les médias français face à l’écologisme », Réseaux, n°65, 1996, p.974 ABELESMarc (sous la direction de), Le Défi écologiste, Paris, L’Harmattan, février 1993, p.11

Page 7: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Introduction

MORI Hélène_2007 7

unanimement favorable est le meilleur moyen d’assurer une politique »5. De même, lapresse écrite française est parfois à l’origine de sondages spécifiques tout en constituantun support de publication.

Face aux nombreux sondages publiés sur les questions relatives à l’écologie et audéveloppement durable, différentes tendances se dessinent et démontrent la complexitédes représentations sociales de ces thématiques.

Un article de La Revue Durable 6 pointait ainsi les connaissances très lacunaires et une

moindre préoccupation des Français en matière de protection de l’environnement : « Pourqu’une personne au courant d’un problème ait envie d’agir, elle doit se sentir concernée.Or, d’une manière générale, l’être humain ne se sent pas concerné par les problèmes quine le menacent pas directement. Selon l’institut de sondage Sofres, le chômage, le pouvoird’achat, la santé et les retraites sont les principaux sujets d’inquiétude des Français. » Cetteassertion est confirmée par un sondage IPSOS sur « Les Français et le développementdurable »7 réalisé en 2005 selon lequel seuls 11% des personnes intéressées disaient avoirune idée « très précise » de ce que signifie l’expression « développement durable » tandisque 56% affirmaient ne pas en avoir une idée « précise ».

Dans une toute autre perspective, un sondage IFOP commandité par Acteurs publicset publié le 26 octobre 2006, déclarait que plus de neuf personnes interrogées sur dix (soit91%) se déclarent préoccupées par la protection de l’environnement : « La polarisationdes débats de la pré-campagne présidentielle sur le triptyque " emploi, pouvoir d’achat etsécurité " ne résume pas pour autant l’exhaustivité des enjeux que les Français souhaitentvoir abordés dans la perspective des échéances électorales du printemps 2007 ».

Dès lors, la campagne présidentielle 2006-2007 s’inscrit dans un contexte spécifiqueengendré par une série de paramètres institutionnels et événementiels qui ont, en quelquesorte, constitué des « effets d’amorçage » facilitant l’émergence des thématiques en lienavec l’écologie et le développement durable. Selon Guillaume Sainteny8, « les médias et lessondages rendus publics engendrent des effets d’amorçage (priming effect) qui, en attirantl’attention sur un problème plutôt qu’un autre contribue à faire de ce problème, de cet enjeuou de la manière dont il est traité, un critère d’évaluation des gouvernements, des candidatset des politiques publiques ».

Si les thématiques en lien avec l’écologie et le développement durable ont longtempsété reléguées au second plan dans la plupart des programmes politiques, à l’instar despréoccupations des Français, elles ont été plus que jamais à l’ordre du jour durant lacampagne présidentielle de 2007, à la différence de la campagne présidentielle de 2002axée sur l’insécurité.

D’où l’intérêt d’analyser l’évolution du traitement politique et médiatique qui a étéréservé à l’écologie et/ou au développement durable avant et pendant la campagneprésidentielle française de 2007. A cela s’ajoute l’importance d’étudier comment lesacteurs politiques aménagent leurs programmes et les quotidiens généralistes leursdiscours, en matière d’écologie et de développement durable, pour être en phase avec

5 LASCOUMES P., L’éco-pouvoir, environnements et politiques, éditions La Découverte, Paris, 1994, p.466 La Revue Durable, « De la psychologie du comportement écologique », n°23, p.16-187 Sondage commandité par Dexia Crédit Local et la Gazette des Communes à l’occasion des 16e Rencontres financières des

décideurs locaux qui se sont tenus en novembre 20058 SAINTENY G., « Les médias français face à l’écologisme », Réseaux, n°65, 1996

Page 8: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

8 MORI Hélène_2007

les préoccupations de l’opinion publique française - et des électeurs - selon leursreprésentations respectives des notions et des enjeux.

Problématique Notre analyse vise donc à comprendre dans quelle mesure l’apparition - ou la non apparition- et l’appropriation des thématiques en lien avec l’écologie et le développement durable parles acteurs politiques et associatifs durant la campagne présidentielle 2006-2007 ont eu uneimplication sur les discours de la presse écrite française et des acteurs politiques. Autrementdit : dans quelle mesure la catégorisation de l’écologie et du développement durable commeenjeux électoraux par les médias s’articule-t-elle avec les acteurs politiques, institutionnels,associatifs et l’opinion publique ? En quoi ces tendances sont-elles révélatrices del’élaboration et de la médiatisation de faits relatifs à l’écologie et au développement durable ?

Choix du corpus et méthode d’analyse Pour mieux appréhender l’apparition - ou la non apparition - et l’appropriation desthématiques en lien avec l’écologie et le développement durable par les acteurs politiqueset non politiques durant la campagne présidentielle 2006-2007, notre présente analyseporte sur un corpus d’un seize articles issus de trois quotidiens nationaux et généralistes,à savoir Libération, Le Monde, Le Figaro et d’un article de l’Humanité en complément.Ce choix d’articles a été fait face à un corpus particulièrement dense avec une quantitéd’articles conséquents. Pour autant, le matériau discursif est suffisamment large - bienque non exhaustif - pour appréhender les représentations médiatiques de l’écologie et dudéveloppement durable à travers les discours d’une partie non négligeable de la presseécrite française. La sélection des articles s’est effectuée de manière non arbitraire entenant compte de mots-clefs génériques tels que « écologie », « développement durable »,« environnement », « campagne », « candidats », « enjeux », « présidentielle », etc. dansle titre ou le corps de l’article.

Ce choix de corpus prend également en compte des journaux, avec des tirages9

et un lectorat dissemblables, qui recouvrent des sensibilités politiques différentes et desapproches a priori distinctes en matière d’écologie et de développement durable. Lequotidien Libération a notamment adopté un positionnement plutôt avant-gardiste enconsacrant nombre de couvertures et de dossiers aux thématiques en lien avec l’écologie etle développement durable pendant la pré-campagne présidentielle en 2006. Le journal LeMonde est quant à lui davantage considéré comme un quotidien de référence plus à mêmede délivrer une information institutionnelle. Pour compléter le corpus, Le Figaro permetd’étudier le traitement médiatique réservé à l’écologie et au développement durable par unquotidien national dont la ligne éditoriale est dite de droite ou de centre-droit.

Il ne s’agit donc pas du traitement de la presse en général mais d’un choix sélectif et nonexhaustif pour dégager des comparaisons significatives et des tendances discursives en

9 Selon l’OJD (Office de justification de la diffusion), en 2005-2006, les tirages de Libération, Le Monde, Le Figaro et l’Humanitéétaient respectivement de 197 973, 467 574 et 427 954 et 78 012

Page 9: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Introduction

MORI Hélène_2007 9

insérant les éléments textuels les plus marquants et singuliers. Au préalable, nous postulonsque les thématiques en lien avec l’écologie et le développement durable ont davantage ététraitées comme des sujets d’actualité que des sujets de fond dans le contexte spécifique dela campagne présidentielle 2006-2007. D’où un travail basé sur :

les stratégies organisationnelles des différents journaux comprenant les ligneséditoriales, le rubricage opéré par les quotidiens nationaux étudiés, le déplacementprovisoire des termes du sujet dans des rubriques ponctuelles et l’évolution du cadrage dusujet ;

une analyse en terme de contenu avec le choix des sources, une étude lexicaledes termes utilisés – et de leur connotation - par les quotidiens généralistes françaispour comprendre les représentations que ceux-ci véhiculent en matière d’écologie et dedéveloppement durable ;

les rôles, le positionnement et la visibilité qu’attribuent les discours de la presse écritefrançaise aux différents acteurs politiques, institutionnels, associatifs ;

les liens entre les catégorisations politiques et les catégories médiatiques effectuéespar les acteurs et les enjeux que ces catégorisations recouvrent.

ChronologiePar ailleurs cinq événements ont été retenus pour mieux appréhender le traitementmédiatique qui est réservé à l’écologie et au développement durable en période électorale.Il s’agit ainsi d’analyser le traitement médiatique sur un temps suffisamment long pourmieux appréhender le positionnement des candidats, d’acteurs politiques et d’acteursassocitatifs pendant la campagne présidentielle. L’objectif initial était de relever quelquespics événementiels qui ont marqué la chronologie de la campagne présidentielle ou, àl’inverse, manqué de visibilité politique et médiatique. Des événements largement couvertspar l’ensemble des quotidiens généralistes étudiés permettent d’aboutir à des comparaisonsprécises journal par journal et d’établir des liens de causalité.

Les pics événementiels ont notamment été provoqués par des prises de positionpubliques, des discours politiques, la parution de notations, des manifestations, etc. Lechoix de pics événementiels permet ainsi d’analyser les interactions entre les « promoteursd’informations » et les « assembleurs d’informations »10 au vu des stratégies des différentsacteurs, politiques, institutionnels ou associatifs, pour impulser et relancer les discoursmédiatiques en lien avec l’écologie et le développement durable.

L’analyse du traitement politique et médiatique réservé à l’écologie et/ou audéveloppement durable pendant la campagne présidentielle de 2006-2007 s’appuie doncsur cinq pics événementiels comprenant entre autres :

le positionnement des candidats à l’élection présidentielle concernant les enjeux en lienavec l’écologie et le développement durable,

le retrait de Nicolas Hulot et ses conséquences politiques et médiatiques,

10 MOLOTCH Harvey et LESTER Marilyn, « Informer : une conduite délibérée de l’usage stratégique des événements », Etudesde Communication, n°22, décembre 1999

Page 10: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

10 MORI Hélène_2007

la retranscription des notations effectuées par la coalition d’ONG l’Alliance pour la

Planète 11 pour peser dans la campagne présidentielle et médiatique,

le discours, dit « l’Appel de Paris », prononcé par le Président sortant Jacques Chirac,lors de la « Conférence pour une gouvernance écologique mondiale », et en corollaire lebilan écologique de ses mandats successifs,

les réactions consécutives à la publication du décret autorisant la construction du

réacteur EPR de 3e générationLes événements énoncés ci-dessus relèvent, certes, de registres distincts mais ont été

sélectionnés pour envisager la manière différenciée dont sont catégorisés et structurés lesenjeux relatifs à l’écologie et au développement durable au cours d’une période électorale.

Cette sélection permet non seulement d’envisager les angles et la différenciation detraitement d’un sujet à l’autre, d’un événement à l’autre mais également les différences detraitement d’un quotidien national à l’autre sur un même sujet en fonction de choix éditoriaux.

D’autre part, les cinq pics événementiels retenus permettent une étude comparativeentre :

des articles pré-campagne présidentielle 2007 qui visent notamment à positionner lesprincipaux candidats et hiérarchiser les différents enjeux sur l’échiquier électoral ;

des articles au cœur de la campagne présidentielle relatant ou non des actions quiont marqué la configuration et la structuration des enjeux en lien avec l’écologie et ledéveloppement durable ;

des articles dits hors-campagne dans le sens où les événements relatés par lesdiscours de la presse écrite dans ces articles ne faisaient pas systématiquement échoaux enjeux et acteurs de la campagne présidentielle ou n’étaient pas reliés à celle-ci maiss’inscrivaient dans une temporalité distincte ;

Cette analyse comparative de cinq pics événementiels sera également complété pard’autres articles hors période électorale issus des trois quotidiens nationaux et généralistes,à savoir Libération, Le Monde, Le Figaro afin de recontextualiser la campagne présidentielle2006-2007.

Définition préalable des termes du sujetLa définition canonique du développement durable retenue est celle avancée dans le rapportBrundtland12 intitulé Notre avenir à tous : « Le développement durable, c’est s’efforcer derépondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futuresde satisfaire les leurs ». A cette définition établie, se juxtapose également le triptyque dudéveloppement durable reposant sur plusieurs piliers initiaux et interdépendants, à savoirl’économie, l’environnement et le social.

11 Voir la liste des membres d’Alliance pour la Planète en annexe n°212 Nom du Premier ministre norvégien, rapporteur du projet de la Commission mondiale pour l’environnement et le développement.Le rapport Brundtland a été traduit en français au Québec : Notre avenir à tous, Montréal, Editions du Fleuve, 1988

Page 11: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Introduction

MORI Hélène_2007 11

Le terme écologie peut quant à lui être défini comme la « science qui étudie lesrelations des êtres vivants entre eux et avec leur milieu » si l’on reprend la définition d’undictionnaire d’usage courant13. Initialement, le spécialiste de l’écologie est un écologue maisle terme « écologie » est souvent confondu avec la dénomination partisane « écologiste »qui concerne le partisan de l’écologisme et s’inscrit donc dans un « courant de pensée,mouvement tendant au respect des équilibres naturels, à la protection de l’environnementcontre les nuisances de la société industrielle »14.

Les définitions des termes du sujet « développement durable » et « écologie »impliquent déjà un ensemble de liens à la fois intergénérationnels, intersectoriels etinterrelationnels propices à des logiques croisés entre différents acteurs. Par ailleurs,l’hétérogénéité des acteurs, ayant désormais recours à des thématiques en lien avecle développement durable et l’écologie dans leurs discours, montre combien ces deuxnotions engendrent des représentations floues, ambiguës, inachevées, mouvantes et despositionnements différenciés.

Notre analyse vise donc à voir comment ces thématiques se sont progressivementinsérées dans le contexte spécifique de la campagne présidentielle de 2006-2007 après uneappropriation progressive par les différents acteurs politiques, institutionnels et associatifsainsi qu’une structuration graduelle dans le discours de la presse écrite française.

Notre perspective de travail s’appuie donc sur deux parties reprenant nos hypothèsesde départ, à savoir :

des traitements politiques et médiatiques évolutifs et mouvants des thématiques en lienavec l’écologie et le développement durable avant la campagne présidentielle de 2006-2007

la médiatisation croissante de l’écologie et du développement durable, qui ontdavantage été traités dans les discours des acteurs politiques et de la presse écrite françaisecomme des sujets d’actualité et n’ont pas répondu à des rubriquages constants et desenjeux fixes dans le contexte spécifique de la campagne présidentielle 2006-2007.

Le point de départ de cette étude s’est donc appuyé sur les constructions et lesreprésentations politiques, sociales et médiatiques de l’écologie et du développementdurable permettant ainsi de mieux appréhender le traitement non prioritaire et segmentéaccordé à ces enjeux hors période électorale.

Ce travail préalable est complété par une analyse d’articles issus des trois quotidiensnationaux généralistes. Dans cette perspective, nous pourrons voir les représentations et lesenjeux qui ont prévalu face à la médiatisation croissance de l’écologie et du développementdurable dans le contexte spécifique de la campagne présidentielle 2006-2007.

13 Le Petit Larousse, Grand Format, 199614 Ibid

Page 12: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

12 MORI Hélène_2007

Partie 1 Ecologie et développementdurable : des traitements politiques etmédiatiques mouvants

Les sujets en lien avec l’écologie et le développement durable ne constituent pas desévénements ponctuels dans la mesure où un ensemble de paramètres et d’antécédents ontpesé dans la campagne présidentielle 2006-2007. Il ne s’agit donc pas de thèmes clos dansdes limites temporelles comme l’on pourrait le croire au vu de leur irruption soudaine dansles discours des acteurs politiques et de la presse écrite française lors de cette campagne.

D’où l’intérêt de revenir sur les traitements politiques et médiatiques, habituellementréservés à l’écologie et au développement durable, pour mieux appréhender le traitementspécifique qui a prévalu durant la campagne présidentielle 2006-2007. Initialement, cesthématiques n’ont pas les mêmes traitements politiques et médiatiques que d’autres sujetsdavantage catégorisés tels que les questions relatives au chômage, au pouvoir d’achat, etc.qui s’inscrivent dans une perspective temporelle différente.

Un premier angle d’analyse permet donc d’émettre un ensemble d’hypothèses etde remarques préliminaires quant aux enjeux et représentations politiques de l’écologieet du développement durable. Cette approche repose sur le positionnement évolutif etcontradictoire de l’appareil d’Etat et des organes politiques traditionnels à l’égard des enjeuxrecouvrant les thématiques en lien avec l’écologie et le développement durable. Pourprolonger notre réflexion, il est également intéressant de s’attarder sur différentes analysesdes principaux programmes et discours présidentiels parues dans des revues spécialisées,des ouvrages et sur nombre de sites Internet au fil de la campagne présidentielle 2006-2007.

Par ailleurs, un aperçu des stratégies éditoriales des quotidiens nationaux généralistessélectionnés est indispensable pour appréhender le traitement et l’espace qui est réservéà l’écologie et au développement durable au vu des rubriques créées et des événementsretenus. Il s’agit d’un avant-propos, en partie basé sur des ouvrages théoriques et desanalyses d’articles, afin de dresser les caractéristiques majeures des discours de la presseécrite française hors campagne électorale.

A) Ecologie et développement durable : un traitementpolitique particulier

Un premier angle d’analyse permet d’émettre un ensemble d’hypothèses et deremarques préliminaires quant aux représentations politiques évolutives de l’écologie etdu développement durable. Cette approche repose sur le positionnement contradictoirede l’appareil d’Etat et des organes politiques traditionnels à l’égard des enjeux recouvrantles thématiques en lien avec l’écologie et le développement durable. Pour prolonger notre

Page 13: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Partie 1 Ecologie et développement durable : des traitements politiques et médiatiques mouvants

MORI Hélène_2007 13

réflexion, nous nous sommes également attarder sur différentes analyses des principauxprogrammes et discours présidentiels parues dans des revues spécialisées, des ouvrageset sur nombre de sites Internet au fil de la campagne présidentielle 2006-2007.

1. Les postures contradictoires de l’appareil d’Etat à l’égard del’écologie et du développement durable : des repères spatio-temporels

Pour mieux appréhender la prise en compte progressive des termes du sujet, il estintéressant de revenir brièvement sur leur institutionnalisation graduelle et leur structurationétatique en portant un regard spécifique sur les dernières évolutions.

a) L’institutionnalisation progressive des conceptsL’Etat français s’est doté d’organismes peu visibles pour formaliser un ensemble d’actionsen matière d’écologie et de développement durable. L’élaboration discontinue d’unestratégie nationale en matière de développement durable a notamment été récapituléepar Christian Brodhag, Délégué interministériel au développement durable depuis janvier200415. Selon lui, les principales difficultés rencontrées par la France, pour parvenir à unestratégie nationale intelligible, résident dans les revirements politiques dûs aux différentespériodes de cohabitation et dans un manque de portage politique. A ce titre, il évoquenotamment la création quasi simultanée de la Commission des générations futures, parle président de la République François Miterrand, et de la Commission Française duDéveloppement Durable, placée auprès du Commissariat au plan, par son Premier ministrede l’époque Edouard Balladur. Par la suite, il a fallu attendre la constitution du gouvernementJuppé I pour que la Commission française du développement durable soit rattachée auprèsdu Ministère de l’Environnement, attribué à Corinne Lepage. Une stratégie nationale dudéveloppement durable est alors validée en décembre 1996. Cette stratégie est en partiebasée sur les travaux de la Commission, organe consultatif existant au sein d’un ministèretechnique. Cela étant, le nouveau changement de majorité, avec l’arrivée de la Gaucheplurielle en 1997, aboutit à une nouvelle discontinuité dans la mesure où la Commissionfrançaise du développement durable n’a pas de contact avec la nouvelle ministre del’Environnement, Dominiqe Voynet, qui l’estime suspecte car créée par le gouvernementprécédent. Au vu de ce rapide tour d’horizon institutionnel, nous pouvons constater lamoindre stabilité d’une stratégie nationale française en matière de développement durablequi reste largement tributaire des changements de majorité politique, une caractéristiqueque l’on retrouve également au niveau du Ministère de l’Environnement.

Depuis sa création en 1971 sous le gouvernement Messmer, le Ministère del’Environnement s’est caractérisé par des évolutions sémantiques et symboliques. Lesappellations successives de ce poste ministériel n’augurent pas pour autant de modificationssubstantielles concernant son importance, sa visibilité et de nouvelles échelles de décisionpolitique. En réalité, ces modifications d’appellation correspondent surtout à des alternancespolitiques et des échéances électorales. En 1997, la création du gouvernement Jospindébouche sur le Ministère de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement octroyéà Dominique Voynet. A l’issue de l’élection présidentielle de 2002, Roselyne Bachelot-

15 BRODHAG Christian, « De l’émergence du développement durable à l’adoption d’une stratégie nationale : une histoire bienfrançaise », in Le développement durable, les termes du débat, sous la direction de Marie-Claude Smouts, édition Armand Colin,1995, p.75-83

Page 14: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

14 MORI Hélène_2007

Narquin (RPR) est nommée Ministre de l’Ecologie et du Développement durable. Le premiergouvernement Raffarin voit également la création du Secrétaire d’Etat au développementdurable représenté à cette époque par Tokia Saïfi. D’ailleurs, ce renouveau gouvernementalétait une des promesses électorales de Jacques Chirac lors de la campagne présidentielle16.

A l’issue de l’élection présidentielle de 2007, le gouvernement Fillon comprendun Ministère de l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement durables (Medad)temporairement octroyé à Alain Juppé avant le remaniement ministériel consécutif auxélections législatives. Le 19 juin 2007, Jean-Louis Borloo est donc nommé ministrede l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement durables. Il est entouré deNathalieKosciusko-Morizet, nommée secrétaire d’Etat à l’Ecologie, et de DominiqueBussereau, nommé secrétaire d’Etat aux Transports. Ce Ministère d’Etat comporte donc unsecrétaire d’Etat aux Transports et aux Déplacements ainsi que plusieurs pôles : « habitat »,« aménagement urbain et aménagement du territoire » ; « politiques énergétiques » ; « pôleécologique et ressources naturelles ». Même si le poste de vice-Premier Ministre en chargedu développement durable, préconisé par Nicolas Hulot dans son Pacte écologique, n’apas vu le jour ; la réorganisation et nouvelle dénomination du Ministère de l’Ecologie et duDéveloppement durable traduit la volonté de rupture affichée par le nouveau Président dela République Nicolas Sarkozy au cours de la campagne présidentielle.

Par ailleurs, dans l’ouvrage collectif intitulé Le développement durable, les termes du

débat 17 , Marie-Claude Smouts rappelle les limites d’une institutionnalisation politique des

thématiques en lien avec le développement durable : « Les relais qui pourraient faire passerle développement durable de statut de concept novateur à celui de référentiel pour l’actionpolitique sont peu nombreux et peu influents. La création des ministères de l’Environnementou du Développement durable ne doit pas faire illusion. Français et Québécois soulignentla faiblesse de ces administrations et leur domination par les ministères sectoriels. Quantaux citoyens, tout indique qu’ils sont peu informés et peu préparés aux exigences dudéveloppement durable. »

b) Des décalages persistants au niveau des arbitrages politiquesL’idée persistante d’un décalage entre les préoccupations environnementales des Françaiset celles de la classe politique française est souvent avancée dans les discours de la presseécrite française. La classe politique serait encore « prisonnière du triptyque emploi-social-sécurité » tandis que l’environnement est considéré comme un « supplément d’âme »18.En effet, quel acteur politique est prêt à prendre des mesures contre-productives etimpopulaires malgré les préoccupations environnementales croissantes des Français ?

Sans oublier que plusieurs paramètres témoignent d’une place marginale accordéeà l’écologie et au développement durable au sein de l’appareil d’Etat alors qu’il s’agitaujourd’hui d’un thème incontournable. D’où des contradictions apparentes entre la placeaccordée à l’écologie et au développement durable dans les discours politiques et lesactions effectives mises en œuvre.

16 Le Figaro, « En déplacement au Mont-Saint-Michel, le président-candidat a présenté son projet en matière d’environnement »,rubrique « France-Politique »

17 Introduction « Le développement durable : valeurs et pratiques » in Opus cité, p.1218 Hypothèse avancée par le présentateur Richard Miniel dans l’émission L’opinion en question « Les Français et l’environnement » surLCP-Public Sénat le lundi 20/11/06

Page 15: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Partie 1 Ecologie et développement durable : des traitements politiques et médiatiques mouvants

MORI Hélène_2007 15

L’exemple le plus significatif - et le plus souvent avancé - est la part minime du budgetde l’Etat alloué aux Ministères successifs en charge de l’environnement, de l’écologie ou dudéveloppement durable. En 2007, la part du budget octroyé au Ministère de l’Ecologie etdu Développement durable représente 0,4% du budget total. A ce titre, Pierre Lescoumes19

dressait déjà un constat sans appel en décrivant le Ministère de l’Environnement comme« une instance fragile, faiblement dotée budgétairement, sans corps de spécialistes et àl’autorité incertaine face aux partenaires ministériels ». Selon lui, ce Ministère a sans cesseété concurrencé par ses homologues de l’Agriculture, de l’Equipement ou de l’Industrie enmatière de gestion du patrimoine naturel, de risques industriels et de protection énergétiquedans la mesure où ceux-ci étaient désireux d’établir leur propre approche concernant ladéfense de l’environnement.

En outre, le budget dérisoire alloué aux Ministères successifs de l’environnement, del’écologie ou du développement durable contraste avec les sommes considérables quel’Etat français doit régulièrement payer à l’Union européenne en raison de la non-applicationdes directives européennes environnementales. Les manquements répétés aux objectifsfixés par les directives communautaires dédiés à la protection de l’environnement traduisentsemble-t-il un manque de volonté politique.

Selon le dernier rapport de Fabienne Keller20, sénateur-maire de Strasbourg, la Franceest menacée de sanctions d’un montant total de près de 500 millions d’euros de la part del’UE pour son application insuffisante des directives européennes environnementales. Lessanctions financières sont dues à trois contentieux :

dissémination volontaire des OGM (42 millions d’euros)pollution des eaux par les nitrates en Bretagne (40 millions d’euros)traitement des eaux résiduelles urbaines (300 à 400 millions d’euros)Nous pouvons donc constater que l’institutionnalisation et la structuration des enjeux

en lien avec l’écologie et le développement durable n’est pas dénuée de contradictions etaboutit à peu de réalisations concrètes. D’autre part, le positionnement évolutif des organespolitiques traditionnels à l’égard des enjeux ayant trait à l’écologie et au développementdurable atteste également de leur complexité.

2. Positionnement des organes politiques : des thèmes politisés ouau-delà des clivages politiques traditionnels ?

Les débats sur l’écologie, présentée tour à tour comme un thème politisé, cloisonné ouau-delà de tous clivages politiques, reviennent régulièrement. Des partis écologistes –notamment Les Verts - revendiquent un fort ancrage écologiste et se sont largement(et politiquement) appropriés les thématiques en lien avec l’écologie et la protectionde l’environnement. Concernant le développement durable, les désaccords sont moinsprononcés dans la mesure où les piliers qui fondent ce concept font l’objet d’uneappropriation par un vaste ensemble d’acteurs au-delà du champ politique.

19 LASCOUMES P., L’éco-pouvoir, environnements et politiques, éditions La Découverte, Paris, 1994, p.1620 KELLER F., « Changer de méthode ou payer : un an après la France face au droit communautaire de l’environnement »,

rapport d’information n°332 (2006-2007), fait au nom de la Commission des finances, déposé le 13 juin 2007

Page 16: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

16 MORI Hélène_2007

Il est donc intéressant de revenir sur les éléments constitutifs d’une prise en compteinitiale des thématiques en lien avec l’écologie et le développement durable par les partisécologistes avant une appropriation progressive par d’autres organes politiques.

a) Une prise en compte initiale par les partis écologistesHistoriquement, les écologistes ont été les premiers à s’occuper et se préoccuper dela protection de l’environnement. Cette prise en compte s’est notamment concrétiséepar la structuration progressive du mouvement écologiste français autour des premièresmanifestations anti-nucléaires, de la contestation des limites de la croissance industrielle etéconomique après la publication de diagnostics alarmants sur l’état de la planète tels quele rapport du Club de Rome en 197221. D’où plusieurs lignes de clivage entre des partisdits productivistes et des partis écologistes qui se sont rapidement positionnés en faveurde la réduction de la consommation et la production de biens et se sont distingués par despriorités différentes.

Par ailleurs l’institutionnalisation des partis écologistes avec la formation en 1983 d’unvéritable parti, les Verts, a semble-t-il participé de la visibilité des thématiques relatives à laprotection de l’environnement. A cela s’ajoute un ensemble d’élus qui ont créé leur propreparti ou mouvement écologiste et aspirent également à davantage de reconnaissance. C’estnotamment le cas de personnalités plus ou moins connues telles que José Bové pourla Confédération Paysanne et le mouvement des anti-OGM (Organismes génétiquementmodifiés), Corinne Lepage, fondatrice de Cap 21, Brice Lalonde et France Gemerrepour Génération Ecologie ou encore Antoine Waechter pour le Mouvement EcologisteIndépendant.

Au premier abord, cette croissance exponentielle de formations écologistes, pourtantréunies autour d’une cause a priori commune, interpelle. D’ailleurs, ces questionnementssont perceptibles, voire récurrents, dans le traitement médiatique réservé aux Verts et auxautres partis écologistes. Les discours de la presse écrite française relatent régulièrementles querelles de chapelles liées à l’organisation interne des Verts et ont du mal à comprendrel’appropriation de cette thématique par un parti. Un exemple relativement récent, parmid’autres, atteste ainsi d’un traitement médiatique spécifique réservé aux partis écologistesavec l’émission « Mots croisés », présentée par Yves Calvi sur France 2 le 22 janvier2007, férocement intitulée « Présidentielle : A quoi servent les écolos ? ». Sur le plateau,le présentateur défiait Noël Mamère et Corinne Lepage de prouver leur utilité et leursdifférences.

En guise de complément, le regard belge de Christophe Derenne22 - directeur d’Etopia,institution du Parti Ecolo belge -, sur le positionnement des partis face à l’écologie, estparticulièrement révélateur des lignes de clivages qui se dessinent entre les organespolitiques : « Ma conviction profonde est que chaque parti a ses fondamentaux ou plutôt son" critère fondamental " (...) Soyons clairs : l’écologie ne fait pas partie des fondamentauxdes partis non écologistes ». Selon lui, ce premier constat est renforcé par l’incapacité despartis non écologistes à joindre les actes à la parole : « Lorsqu’ils veulent poser des actesécologistes, ils doivent faire face à leurs électeurs, les lobbies dont ils sont proches, leursrelais classiques ou les médias de masse. Et immanquablement, ils plient. Il faut tellement

21 Le rapport Meadows (1972), commandé par le Club de Rome et intitulé Halte à la croissance ! annonçait un scénario catastrophiquesi l’humanité ne se préoccupait pas des conséquences de ses activités sur l’environnement

22 La Revue durable, « Le pacte écologique de Nicolas Hulot révèle les failles des Verts français », n°24, avril-mai 2007, p.58-61

Page 17: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Partie 1 Ecologie et développement durable : des traitements politiques et médiatiques mouvants

MORI Hélène_2007 17

de volonté pour résister aux lobbies que seuls des partis qui font de l’écologie le cœur deleur positionnement sont capables d’y parvenir et de poser des actes ambitieux. »

Pour autant, l’analyse dressée ci-dessus peut être complétée par d’autres paramètresconcernant les partis non écologistes qui ont peu à peu mis les questions relatives àl’écologie et au développement durable au centre de leurs discours et programmes, quitteà dramatiser, pour ne plus les traiter comme des questions annexes.

b) Une appropriation progressive par l’ensemble des organes politiques« Désormais, de la gauche à la droite, tous les états-majors politiques doivent prendreen compte la question de l’environnement. Alors que le débat sur l’environnement étaitquasiment exclu des plates-formes politiques il devient dorénavant central. Tous lesdirigeants politiques font assaut de bonnes intentions écologiques, et le mot environnement,naguère relégué en fin de programme figure parmi les actions prioritaires »23. Contrairementà ce que l’on pourrait croire, ce constat de l’anthropologue Marc Abélès n’a pas été dressédurant la campagne présidentielle 2006-2007 mais au début des années 1990.

Dans cette optique, les enjeux en lien avec l’écologie et le développement durablene sont plus seulement cantonnés aux partis écologistes dans la mesure où ils sontde plus en plus présentés comme étant l’affaire de tous. De plus, la popularisationdu concept de développement durable a, en partie, généré un élargissement spatio-temporel puisque les enjeux ont acquis une dimension globale et intergénérationnelle.D’où différentes démarches des partis traditionnels, en quête de crédibilité pour que lesthématiques relatives à l’écologie et au développement durable ne soient plus le seulapanage des partis écologistes. A ce titre, l’assertion d’Alain Girod est particulièrementlimpide et vient compléter, voire relativiser, les propos tenus par Christophe Derenne surles fondamentaux des partis politiques : « (...) les médias, comme les acteurs politiques,quelle que soit leur appartenance partisane, affichent d’une façon générale une fortesensibilité environnementale, en raison de l’articulation politique très nette entre la question

de l’environnement et l’opinion publique » 24 . D’ailleurs, nous verrons au fil de notre

réflexion que ce postulat a été à la fois au cœur de la stratégie de Nicolas Hulot et au cœur dela campagne présidentielle 2006-2007. Avant le deuxième tour de l’élection présidentielle,le défenseur du Pacte écologique avait notamment déclaré dans un article du Figaro quel’enjeu écologique « se situe politiquement au-delà du champ traditionnel de l’affrontementdroite-gauche »25.

En réalité, cette quête de crédibilité écologique n’est pas exempte de tensions entre lespartis politiques non écologistes. Des critiques à l’encontre du PS et des partis écologistessont notamment formulées par l’UMP et vice-versa. Les Verts sont souvent visés depuis1997, année de leur coalition avec le PS au sein de la Gauche Plurielle. Dans uneinterview accordée au quotidien Libération 26, Nathalie Kosciusko-Morizet, conseillère surles questions environnementales de l’UMP, contestait la prise en compte des thématiquesécologiques par les partis de gauche. A la question « Quelles différences entre droite etgauche sur l’environnement ? », la députée UMP de l’Essonne répondait entre autres « Pour

23 Opus cité, p.1324 GIROT Alain, « La faute à Voynet », Mots, n°75, juillet 2004, p. 11325 Le Figaro, « Hulot refuse de prendre parti », rubrique « Présidentielle 2007 », 4 mai 200726 Libération, « L’écologie n’est pas un combat de gauche », rubrique « Présidentielle », 6 octobre 2006

Page 18: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

18 MORI Hélène_2007

résumer : nous [l’UMP], on fait ; eux [les partis de gauche], ils en parlent ». Toujours dans

Libération 27 , les mêmes questions ont été posées à Pierre Radanne, ancien directeur

adjoint du cabinet ministériel de Dominique Voynet en 1997. Selon l’ancien directeur del’Agence de la maîtrise de l’énergie (Ademe) les principales différences entre droite etgauche sont donc les suivantes : « Dans la pratique gouvernementale effective, lorsquela droite est au pouvoir il y a une suprématie de Bercy et une érosion des moyens sur lamaîtrise de l’énergie et le budget de l’environnement. Quand c’est la gauche, l’intérêt généralen matière d’environnement pèse un peu plus ». Les discours de la presse écrite françaiseont donc parfois tendance à exacerber ces antagonismes en s’attardant davantage sur leslignes de clivage entre les partis politiques que sur les enjeux cruciaux liés à l’écologie etau développement durable.

Par ailleurs, il est intéressant de voir que l’appropriation progressive des thématiquesen lien avec l’écologie et le développement durable par les différents organes politique n’estpas linéaire. Si les Verts regorgeaient déjà de dossiers et de commissions thématiquesavant la campagne présidentielle 2006-2007 ; il s’agissait de thèmes encore marginaliséspour d’autres partis. A ce titre, Daniel Boy, directeur de recherche au Centre d’étude de lavie politique française (Cevipof) rappelait, en décembre 2006, la moindre attention accordéeaux enjeux environnementaux par les partis politiques majoritaires : « Il ne faut pas oublierque, lors des six débats pour la primaire interne du PS, l’environnement a été à peine abordé.Et dans le programme de l’UMP, c’est une question annexe »28 . Durant la campagne internedu PS en vue de l’élection présidentielle29, les débats ont en effet surtout porté sur lesquestions économiques et sociales, institutionnelles, internationales et européennes.

D’autre part, une rapide consultation des sites Internet conçus par les deux principauxpartis politiques révèle la prise en compte tardive des thématiques en lien avec l’écologieet le développement durable. Le site officiel du parti socialiste30 n’affiche pas de contenuen lien avec l’écologie, l’environnement ou le développement durable mais renvoie vers un« nuage de liens » comprenant le « blog du secteur développement durable » créé en juillet200531. De même, le site officiel de l’Union pour une majorité populaire (UMP)32 n’offre pasnon plus une grande variété de propositions en matière d’écologie et de développementdurable. Parmi les 18 conventions de l’UMP figurent une convention consacrée à l’écologie33

qui date d’octobre 2005. Pour se positionner davantage sur ces thématiques, l’UMP a crééun Conseil du développement durable34 qui s’est réuni pour la première fois en mai dernier...Force est de constater que les sujets relatifs à l’écologie et au développement durableémergent dans les commissions et groupes de travail des partis politiques majoritaires maisne constituent pas encore une composante majeure de leur stratégie.

27 Libération, « Le bilan de la droite est très faible », rubrique « Evénement », 6 octobre 200628 Le Monde, « La galaxie écologiste : interrogations et tractations », rubrique « Focus », 2 décembre 2006, p.2229 Les débats ont opposé les trois candidats à l’investiture socialiste Dominique Strauss-Kahn, Ségolène Royal et Laurent

Fabius30 http://www.parti-socialiste.fr/31 http://environnement.parti-socialiste.fr/32 http://www.u-m-p.org/site/index.php/ump33 http://www.conventions-ump.org/site/Ecologie.htm34 http://u-m-p.org/cdd/

Page 19: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Partie 1 Ecologie et développement durable : des traitements politiques et médiatiques mouvants

MORI Hélène_2007 19

Après avoir posé ces premiers jalons, il est intéressant de réunir différentes analysesdes principaux programmes parues dans des revues spécialisés, dans des ouvrages et surnombre de sites Internet au fil de la campagne présidentielle 2006-2007.

3. Analyse préalable de quelques programmes politiques en matièred’écologie et de développement durable à l’aune de l’électionprésidentielle de 2007

Si la majorité des candidats à l’élection présidentielle s’est fendue d’un discours surl’écologie ou le développement durable avant et pendant la campagne présidentielle35, ilest intéressant de voir dans quelle mesure les principaux axes de leurs discours ont faitl’objet de nombreux commentaires par d’autres acteurs non politiques. Les évaluations desprogrammes et des discours politiques à l’aune des critères du développement durableont, en effet, été particulièrement abondantes. Notre analyse ne prétend pas ici recenserla myriade d’ouvrages et de sites Internet qui ont commenté les programmes et discourspolitiques des principaux candidats à l’élection présidentielle mais revenir sur les différentesapproches journalistiques et associatives à l’égard de l’un des enjeux électoraux de 2007.

a) L’évaluation et la comparaison des propositions : une constante de lacampagneEn premier lieu, les quotidiens nationaux généralistes n’ont pas hésité à récapituler lesprincipaux axes des programmes présidentiels en matière d’écologie et de développementdurable. Le quotidien généraliste Le Monde proposait ainsi de comparer les programmesdes douze candidats à la présidentielle 2007 sur onze thématiques dont l’environnement.Le quotidien Libération a participé à la conception d’un blog participatif où les programmesdes candidats étaient comparés sur douze thématiques dont l’environnement36. Si le fait deprocéder à des comparaisons entre programmes est intéressant, les sites pré-cités mettentsouvent quelques parties des programmes des candidats côte à côte sans forcément lesanalyser.

Par ailleurs, d’autres sites généralistes, davantage positionnés, ont apporté leurcontribution aux débats interactifs portant sur l’intégration des problématiques en lien avecl’écologie et au développement durable par les candidats à l’élection présidentielle. A

titre d’exemple, l’ouvrage collectif intitulé L’Autre Campagne 37 , regroupant les réflexions

d’acteurs issus de la société civile, proposait des analyses complémentaires des différentsprogrammes présidentiels. Parmi les propositions avancées figurait notamment la mise enplace d’un « monde solidaire et durable » prenant en compte des enjeux tels que la politiqueagricole ou le changement climatique.

35 A titre d’exemple, Nicolas Sarkozy, alors Ministre de l’intérieur et de l’Aménagement du Territoire, a prononcé un discours lors du

4 e Forum Mondial du développement durable organisé en décembre 2006. François Bayrou a, quant à lui, déclaré un discours enclôture du colloque « Développement durable : passer aux actes » organisé par l’UDF en octobre 200636 http://www.politiquecafe.com/liberation/

37 L’Autre campagne, 80 propositions à débattre d’urgence, ouvrage coordonné par Georges Debrégeas et Thomas Lacoste,Editions La Découverte, Paris, janvier 2007. http://www.lautrecampagne.org/index.php

Page 20: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

20 MORI Hélène_2007

Isabelle Delannoy, auteur de l’ouvrage Environnement, les candidats au banc d’essai,a également comparé et analysé les propositions des candidats38. Son évaluation s’estappuyée sur 23 critères environnementaux et les notes des candidats allaient de 1 à 4.Les résultats étaient similaires à la notation effectuée par le réseau d’ONG Alliance pourla Planète39 avec en tête Dominique Voynet et Ségolène Royal puis dans l’ordre OlivierBesancenot, Philippe de Villers, François Bayrou, Jean-Marie Le Pen et enfin NicolasSarkozy. Par ailleurs, d’autres candidats tels que José Bové, Marie-Georges Buffet, ArletteLaguiller, Frédéric Nihous et Gérard Schivardi n’ont pas répondu au questionnaire oun’étaient pas encore candidats au moment de l’étude. La parution de ce type d’ouvrage ale mérite d’éclaircir le positionnement des candidats sur des questions moins génériqueset moins médiatisées au cours de la campagne présidentielle 2006-2007. Les acteurspolitiques ont en effet été peu prolixes sur des sujets concernant par exemple les pesticides,la protection du patrimoine naturel dans les DOM-TOM ou l’adaptation aux catastrophesnaturelles.

b) Une mise en abîme opportune : les campagnes dans la campagne

Le lancement du Pacte écologique par Nicolas Hulot40 et la création d’un site annexe ontlargement participé à l’émergence d’une veille circonspecte des acteurs associatifs sur lespropositions des candidats. Les réponses de cinq candidats41, qui se sont prononcés lespremiers sur les objectifs et propositions du Pacte écologique, ont ainsi été passées aucrible des experts du Comité de Veille Ecologique.

En outre, l’interpellation médiatique des candidats s’est doublée d’une sensibilisationaguerrie du grand public. En témoigne la signature du Pacte écologique par quelques700 000 sympathisants. L’un des événements majeurs de cette démarche inédite a

également été le rassemblement de milliers de Français, au Zénith puis au Trocadéro le 1er

avril 2007, autour du même appel injonctif lancé par Nicolas Hulot et ses confrères « Votonspour la planète ! ». Nous développerons la médiatisation des initiatives menées par NicolasHulot dans la deuxième partie de notre travail.

De même, de nombreuses ONG environnementales ont été force d’évaluation etde proposition au cours de la campagne présidentielle 2007. Certaines ONG visaient àinfluencer les candidats de manière directe par le biais de notations, à l’instar du collectifAlliance pour la Planète, qui a lancé sa campagne avec le mot d’ordre incantatoire « Et sila planète votait en...2007 ! ». Les actions conduites par le réseau d’ONG feront égalementl’objet d’une analyse plus approfondie au regard de sa visibilité médiatique dans la deuxièmepartie de notre étude.

Nous poursuivrons ici sur les approches propres à différentes organisations. L’ONGEcologie sans frontière, jusque là inconnue du grand public, proposait dès janvier 2007 les« outils d’une écologie moderne », comprenant entre autres l’organisation d’un « Grenelle

38 Isabelle Delannoy, Environnement, les candidats au banc d’essai, Editions La Martinière, mars 2007. Voir en annexe n°4le récapitulatif de son analyse des propositions de dix candidats. Les réponses des candidats interrogés sont également disponiblesen intégralité sur le site Internet : http://www.eco-echos.com/politiques/

39 Voir les critères de notation et les notes des partis politiques en annexe n°540 Voir la chronologie indicative avec les propositions et les objectifs du Pacte écologique en annexe n°141 François Bayou, Marie-George Buffet, Dominique Voynet, Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal.

Page 21: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Partie 1 Ecologie et développement durable : des traitements politiques et médiatiques mouvants

MORI Hélène_2007 21

de l’écologie », à destination des candidats à l’élection présidentielle42. D’autre part, chaqueONG posait un regard critique sur les propositions des candidats au regard du cœur de sesmissions. La campagne « Etat d’urgence planétaire : votons pour une France solidaire ! »43 a par exemple été lancée, à l’initiative du CRID (Centre de recherche et d’informationspour le développement), et menée en coopération avec Coordination Sud et l’Alliance pourla Planète. Les ONG rassemblées visaient à interpeller les partis (à l’exception du Frontnational) et les candidats sur neuf thèmes liés à la solidarité internationale pour que ceux-cisoient repris dans leurs programmes. Le collectif « 2007 : Urgence planétaire ! » proposaitainsi des thèmes très peu abordés au cours de la campagne tels que les droits des migrants,l’aide public au développement, la responsabilité des entreprises ou le commerce équitable.De même, les ONG se sont fendues d’une analyse des programmes politiques par rapportaux thèmes abordés dans leur campagne « Etat d’urgence planétaire » pointant ainsi leurmoindre visibilité politique et médiatique.

A l’occasion du congrès annuel de l’UICN (Union Internationale pour la Conservationde la Nature) le 13 décembre 2006, Allain Bourgain Dubourg, président de la LPO (Liguepour la Protection des Oiseaux), a présenté le manifeste de l’association destiné auxdifférents candidats à l’élection présidentielle de 2007. Les présidentiables étaient doncinvités à se prononcer concrètement sur huit secteurs44 jugés prioritaires par la LPO. Le siteInternet Biodiversite2007.org45 visait par exemple à mettre « la question de l’érosion de labiodiversité au cœur du débat électoral » en proposant une analyse des discours politiquessur ces thématiques. Dans le cadre de la campagne présidentielle 2006-2007, GreenpeaceFrance a spécialement conçu un site Internet46 pour faire connaître les engagements descandidats sur les OGM (organismes génétiquement modifiés). La dimension ludique etinteractive était pleinement intégrée sur ce site Internet. Il suffisait en effet de cliquer surchaque candidat pour savoir s’il est pro-OGM ou pour une interdiction des OGM47. Et la listedes propositions d’ONG est loin d’être exhaustive !

L’une des spécificités de la campagne présidentielle 2006-2007 a donc été l’éclosion etle positionnement (politique) de sites très spécialisées pour contribuer aux débats sur toutesles thématiques relatives à la protection de l’environnement et au développement durable.D’autre part, Les ONG remplissaient certes leur rôle de veille dans la campagne politiquemais elles cherchaient également à se positionner au cœur de la campagne médiatique,ce qui équivalait à une sorte de mise en abîme avec l’apparition de campagnes dans lacampagne présidentielle de 2006-2007

Cette analyse préalable permet donc d’anticiper sur le rôle d’acteurs non politiqueset non institutionnels dans la campagne présidentielle 2006-2007. De même, la quantitéde commentaires produite sur des sites Internet et des blogs est révélatrice de l’une descomposantes essentielles de la campagne présidentielle 2007, à savoir le rôle majeur jouépar ce support d’information interactif. Une autre trait saillant concerne la moindre fixitédes notions et des enjeux puisque les différents acteurs, qui ont analysé les déclarations

42 Novethic, « Mobilisation écologiste à l’approche des élections », rubrique « Campagnes », mis en ligne le 02/04/200743 Voir la liste des membres de la campagne en annexe n° 3 ( http://www.etatdurgenceplanetaire.fr/ )44 Ces huit secteurs prioritaires comprenaient l’agriculture, la biodiversité, la chasse, le climat, l’éducation à l’environnement,

les énergies renouvelables, la fiscalité et la vie associative45 http://www.biodiversite2007.org/ : Biodiversité 2007 est un site collaboratif proposé par Hubert Reeves et la Ligue ROC46 http://www.tes-sourd-ou-quoi.org/47 Selon Greenpeace, parmi les candidats à l’élection présidentielle seul Nicolas Sarkozy est pro-OGM

Page 22: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

22 MORI Hélène_2007

et propositions des candidats, les ont abordé indistinctement sous l’angle de l’écologie, del’environnement ou du développement durable.

Cela étant, il est important d’appréhender la façon dont les discours de la presse écritefrançaise traitent habituellement des thématiques relatives à l’écologie et au développementdurable dans la mesure où les quotidiens nationaux généralistes ont initialement permis lavisibilité et l’essor de ces questions en fonction de leurs stratégies éditoriales et discursives.En créant des cadres cognitifs, les médias ont également un rôle de médiateur ou de« transcodeurs de politique publique (...) au sens où ils agissent en tant que tiers, dotés d’unpouvoir autonome d’intervention en forme de pouvoir de requalification, de mise en relationd’éléments épars et de jugement. Leur autorité sociale et leur capacité de mobilisationautonome assurent la cristallisation et la mise en visibilité politique des problèmes » 48.

B) Ecologie, développement durable hors périodeélectorale : un traitement médiatique non prioritaire etsegmenté

L’un de nos postulats de départ s’appuie sur les traitements politiques et médiatiquesévolutifs et variables dévolus aux thématiques en lien avec l’écologie et le développementdurable avant la campagne présidentielle de 2006-2007. Dans cette optique, nousmontrerons dans quelle mesure les quotidiens nationaux généralistes étudiés réserventhabituellement un traitement non prioritaire et segmenté aux thématiques relatives àl’écologie et au développement durable. Leur couverture médiatique et rédactionnelles’avère, en effet, fluctuante à plusieurs niveaux, qu’ils s’agissent d’un rubricage peuconsistant ou de discours oscillant entre dramatisation et institutionnalisation.

1. Rubriquage, catégorisation et stratégies éditoriales des quotidiensnationaux sélectionnés

La hiérarchisation des rubriques permet aux quotidiens nationaux généralistes de refléterleur ligne éditoriale et les principales préoccupations du public. A priori, sachant qu’unemajorité de Français se déclare préoccupée par l’environnement, les quotidiens nationauxtendent à décloisonner leurs rubriques en incluant davantage de thématiques en lien avecl’écologie et le développement durable dans d’autres rubriques telles que « Politique »ou « Société ». Pour autant, cet élargissement n’a pas toujours été de mise et resteencore difficile à concrétiser face à la complexité des enjeux en lien avec l’écologie et ledéveloppement durable.

a) Eléments constitutifs et distinctifs de rubriques secondairesEn premier lieu, il est intéressant de revenir sur la constitution progressive de rubriquesdévolues aux thématiques en lien avec l’écologie et le développement durable selon lescatégorisations et les stratégies éditoriales propres à chaque quotidien.

48 LASCOUMES P., Opus cité, p.25

Page 23: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Partie 1 Ecologie et développement durable : des traitements politiques et médiatiques mouvants

MORI Hélène_2007 23

Selon Guillaume Sainteny49, l’accroissement du nombre d’articles consacrés à cequ’il appelle la « qualité de la vie », dans les quotidiens généralistes, date du début desannées 1970. A cette époque, les premières rubriques dévolues à l’environnement sontcréées et témoignent d’un changement dans l’attitude de la presse écrite à l’égard de cesquestions. A titre d’exemple, un journal quotidien comme La Croix élabore une rubrique« Sauvegarde de la nature et de la vie » en 1968. Lorsque Le Monde ouvre une rubrique« Environnement » en janvier 1972, celle-ci fait partie du service « Equipement-régions »créé au même moment et qui « n’est pas l’une des rubriques dominantes du quotidien »50.Par ailleurs, les quotidiens nationaux ont également eu tendance à se positionner face auxenjeux environnementaux des années 60-70. En 1968, Le Figaro a notamment lancé unecampagne contre l’amputation du parc de la Vanoise tandis que Libération adoptait uneposture nettement favorable à la lutte antinucléaire, notamment perceptible à l’occasionde la manifestation de Creys-Malville en juillet 197751. Par ailleurs, l’histoire des rubriquesen lien avec l’écologie ou l’environnement s’avère quelque peu mouvementée. Certainesd’entre elles ont en effet été amenées à disparaître au début des années 1980, notammentau sein du Figaro, avant d’être rétablies à la fin des années 1980.

Les sujets relatifs à l’écologie, l’environnement ou le développement durable demeurentpeu valorisés dans la mesure où ils sont traités dans des rubriques qui tiennent peu deplace dans la hiérarchie des rubriques journalistiques. A titre comparatif, les rubriquesdédiées à la politique intérieure et internationale, à l’économie, à la culture ou au sport sontdavantage établies dans les quotidiens nationaux généralistes. D’ailleurs, il est intéressantde noter que la concurrence entre les rubriques en lien avec l’écologie, l’environnementou le développement durable et d’autres rubriques plus ancrées dans les dispositifsjournalistiques est en quelque sorte comparable au positionnement difficile du Ministère del’Environnement vis-à-vis de ses homologues ministériels.

A cela s’ajoutent d’autres contraintes évoquées par Pierre Lascoumes telles qu’unmoindre accès à l’« espace rédactionnel publié 52 » avec une surface plus limitée, unaccès difficile aux pages titres. Par ailleurs, le même auteur pointe le très faible nombre dejournalistes spécialisés en matière d’environnement.

b) Difficultés inhérentes au rubriquage et au traitement du développementdurableActuellement, aucun des quotidiens nationaux évoqués ne possède de rubrique spécifiquesur le thème du développement durable au même titre qu’une rubrique sur l’économie,le sport ou la culture. Cela ne signifie pas pour autant que cette notion est totalementabsente des sujets traités par les quotidiens nationaux généralistes. En témoignent lesarticles sélectionnés si l’on tape le mot clef « développement durable » dans les moteurs derecherche des archives électroniques de ces quotidiens. Suzanne de Cheveigné constateainsi que le terme développement durable a été davantage traité à partir du Sommet Mondialsur le développement durable de Johannesbourg en 200253. D’autre part, les trois piliers

49 SAINTENY G., « Les médias français face à l’écologisme », Réseaux, n°65, 199650 Ibid51 Les manifestants étaient contre le projet de centrale de Superphénix sur le site de Creys-Malville dans l’Isère52 LASCOUMES P., Opus cité, p.60

53 DE CHEVEIGNE S., « L’information et l’opinion », in Le développement durable, les termes du débat, sous la direction de Marie-Claude Smouts, édition Armand Colin, 1995, p.130

Page 24: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

24 MORI Hélène_2007

initiaux (économie, social, environnement) qui forment la notion de développement durablesont largement évoqués dans les discours de la presse écrite française mais sans véritabletransversalité et décloisonnement.

Plusieurs paramètres peuvent expliquer les difficultés de créer des rubriques dédiéesau développement durable et la relative désaffection de la presse quotidienne nationale vis-à-vis du thème. Le développement durable ne dispose pas vraiment d’un cadre de référenceétabli permettant aux médias de catégoriser cette notion. Il s’agit encore largement d’unconcept théorique et d’un projet de société difficiles à matérialiser par rapport à d’autresdonnées plus concrètes telles que des échéances électorales ou des scores électorauxinclus dans une rubrique « Politique ». En outre, le développement durable fait plutôtréférence à des événements souvent éloignés dans le temps et dans l’espace tels que letrou dans la couche d’ozone ou les conséquences du réchauffement climatique.

Au final, l’écologie et le développement durable restent encore des thèmes qui sontlargement traités par la presse spécialisée. Selon Guillaume Sainteny54, la « fonctiond’agenda semble pouvoir se décomposer en deux temps : les magazines spécialiséscontribuent à l’inscription des questions d’environnement sur l’agenda de la pressegénéraliste, laquelle contribue à leur inscription sur l’agenda de l’opinion publique »

c) Etat des lieux des rubriques et stratégies éditoriales à l’aune de l’électionprésidentielle 2007Dans le quotidien Libération, les thématiques en lien avec l’écologie étaient abordées dansla rubrique « Terre » jusqu’à la création de la rubrique « Eco-terre » en mai 2007. L’intituléde ces deux rubriques successives ouvre donc sur une perspective de traitement élargi etglobal. Cependant les thématiques, qui correspondent au sujet du mémoire, ont surtout ététraitées dans les rubriques « Elysée 2007 » et « Politiques ». Par ailleurs, le quotidien affichesouvent son rôle avant-gardiste concernant la visibilité de l’écologie et du développementdurable. L’intérêt du quotidien pour les thématiques "vertes" s’est notamment manifesté lorsde la parution de deux pages consacrées à l’environnement comme thème de campagneélectorale dès le 6 octobre 200655. Libération a également consacré plusieurs dossiers,placés dans la rubrique « Evénement », sur le réchauffement climatique à l’occasion de lasortie du documentaire de David Guggenheim, Une Vérité qui dérange ou de la parutiondu rapport Stern56. Il est important de noter la nouvelle dénomination et le déplacementde la rubrique « Terre » devenue « Eco-terre » le 16 mai 2007. Avant cette édition, larubrique « Terre » était située entre les rubriques « Monde » et « Politiques ». Désormais,la rubrique « Eco-terre », fusionnant les rubriques « Economie » et « Terre », se trouveentre les rubriques « Vous » et « Sport ». Cette démarche novatrice de la part d’un quotidennational généraliste suscite néanmoins quelques interrogations sur l’intitulé de la rubriqueet sur son positionnement dans la hiérarchie des rubriques journalistiques.

Concernant le quotidien Le Monde, les rubriques « Environnement » et « Sciences »sont habituellement dévolues aux thématiques en lien avec les termes de notre sujet.Contrairement à Libération, l’intitulé de cette rubrique implique un traitement plus restrictif.Le terme environnement peut, en effet, être défini comme « un système d’interrelationsentre d’une part les hommes et leurs activités, et d’autre part le milieu qu’il soit à dominante

54 SAINTENY G., « Les médias français face à l’écologisme », Réseaux, n°65, 199655 Libération, « Et si la campagne carburait à l’écologie », rubrique « Présidentielle », publié le 6 octobre 200656 Voir chronologie en annexe n° 1

Page 25: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Partie 1 Ecologie et développement durable : des traitements politiques et médiatiques mouvants

MORI Hélène_2007 25

naturelle ou technique »57. Cela étant, la majorité des articles, qui seront étudiés par la suite,se trouvait majoritairement dans les rubriques « Politique » et « France »

La rubrique du Figaro dédiée à l’environnement s’intitule « Sciences & Médecine »et s’avère encore plus restrictive que celle du Monde.Les faits relatifs à l’écologie etau développement durable sont ainsi davantage abordés sous un angle scientifique ettechnique.Pour autant, à l’instar de ses confrères, les articles publiés par Le Figaro, durantla campagne, se situaient principalement dans les rubriques « Présidentielle 2007 » « Débat& Opinion » et « France ». L’idée serait ici d’étudier le traitement médiatique réservé àl’environnement par un quotidien national dont la ligne éditoriale est dite de droite ou decentre-droit.

Même si nous n’avons pas effectué de comparaisons systématiquesentre les articlesdes trois quotidiens énoncés ci-dessus et l’Humanité il est intéressant de pointer lesspécificités de ce journal. A la différence de ses trois homologues, le quotidien communistefrançais ne dispose pas de rubriques « Environnement » « Terre » ou « Sciences ». A priori,le quotidien l’Humanité n’est pas particulièrement porté sur l’écologie et le développementdurable mais plutôt sur des questions sociales relatives aux conditions de vie et de travail,au logement, à la précarité, etc. Pour autant, les thématiques liées à l’écologie et audéveloppement durable ont également été abordées dans les rubriques « Les enjeux de2007 », « Politique » et « Société » pendant la campagne présidentielle. L’écologie etle développement durable sont ainsi traités avec le prisme d’autres thèmes et dans uneperspective différenciée.

Comme nous l’avons indiqué, la campagne présidentielle a favorisé l’émergence denouvelles rubriques, telles que « Présidentielle 2007 », « Elysée 2007 » ou encore « Lesenjeux de 2007 », dans les quotidiens nationaux généralistes décrits ci-dessus. De même,le contexte électoral a temporairement effacé les spécificités des rubriques, créées parles quotidiens généralistes, pour aborder les thématiques relatives à l’écologie et audéveloppement durable. Les rubriques d’un journal ne sont donc pas indéfiniment établiesmais varient selon la construction médiatique des événements et au gré des enjeux. Etcomme l’indique Guillaume Sainteny, la politisation des enjeux peut également permettreleur visibilité médiatique : « les détenteurs des rubriques d’environnement peuvent s’efforcerde gagner l’estime du grand public à ces thèmes, tant par croyance personnelle que parcequ’ils sont proches, socialement de ceux qui les défendent, ou par intérêt à renforcer leurposition professionnelle au sein de leur publication. De ce point de vue, la politisation desquestions d’environnement peut leur être, ne serait-ce que momentanément, favorable ».A partir du milieu des années 1970, les journalistes chargés des questions relatives àl’environnement rendent davantage compte de l’actualité politique : « Cela les conduit donc– un temps – à traiter de sujets politiques, normalement réservés aux services politiques,mieux placés dans la hiérarchie des rubriques » 58.

D’autre part, la couverture médiatique et rédactionnelle réservée au faits relatifs àl’écologie et au développement durable s’avère fluctuante avec des discours oscillant entredramatisation et institutionnalisation.

57 GOFFIN L., « Comprendre et pratiquer l’éducation relative à l’environnement », in Education à l’environnement, catalogue-guide de la Médiathèque de la Communauté française, Bruxelles, 1993

58 SAINTENY G., « Les médias français face à l’écologisme », Réseaux, n°65, 1996

Page 26: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

26 MORI Hélène_2007

2) Les caractéristiques majeures des discours médiatiques enlien avec l’écologie et le développement durable hors campagneélectorale

Plusieurs auteurs ont analysé les spécificités du traitement médiatique vis-à-vis desthématiques en lien avec l’environnement, l’écologie et le développement durable. Lesétudes qui ont déjà été réalisées concernent différents supports d’information allant desjournaux télévisés59 à la presse écrite60. Avant de proposer une analyse du traitementmédiatique de l’écologie et du développement durable en période électorale, il nous sembledonc important de rappeler les différentes typologies de registres et d’acteurs qui sontretenus lorsque les discours de la presse écrite française traitent de faits en lien avecl’écologie et le développement durable.

a) Une dramatisation du traitement des informations relatives à l’écologieInitialement, les thématiques en lien avec la protection de l’environnement, l’écologie oule développement durable ne sont pas perçues comme des sujets très vendeurs parles rédactions des quotidiens généralistes. D’où des récits abordant des faits relatifs àl’écologie sous un angle spectaculaire et avec des effets de dramatisation afin de les rendremédiatiquement intéressants ou "newsworthy".

Les ouvrages théoriques consultés concordent sur la dramatisation réalisée parles discours de la presse écrite quant au traitement de l’écologie et de la protectionde l’environnement. Selon Marc Abélès61, une succession d’événements majeurs ontbouleversé nos représentations de l’écologie et de la protection de l’environnement. Il citenotamment le naufrage du pétrolier Torrey Canyon, survenu en 1967, comme « la premièred’une série de catastrophes qui ont profondément modifié notre regard ».

A cela s’ajoute la découverte du trou d’ozone en 1985 et l’accident nucléaire deTchernobyl en 1986 qui ont débouché sur un traitement médiatique jouant davantage surle registre anxiogène et une tonalité catastrophiste. Le quotidien Libération de l’époquetitrait alors « La terre perd la boule ». Au début des années 1990, Marc Abélès pointaitégalement les dérives d’une médiatisation des thèmes en lien avec l’environnement : « Dansla conjoncture actuelle le thème environnemental alimente l’imaginaire de l’insécurité :l’angoisse de la catastrophe n’est pas étrangère à tout un univers de peur dans lequel nous

baignons aujourd’hui : peur de l’Autre, de l’étranger, de la maladie... 62 »

Cette assertion est notamment corrélée par le traitement médiatique qui a prévalu endécembre 1999 à la suite du naufrage du pétrolier Erika affrété par la société Total-Elf-Fina.

Alain Girod63 a ainsi analysé le traitement médiatique consécutif à cette catastropherapidement inscrite dans ce qu’il a dénommé « une catégorie émotionnelle bien établie,celle des marées noires ». Selon lui, « il apparaît que l’émotion constitue l’un des ressortsessentiels de la presse écrite comme de la télévision. Cette construction émotionnelle

59 DE CHEVEIGNE S., Opus cité60 LASCOUMES P., Opus cité, p.60

61 ABELES M., Opus cité, p.1162 ABELES M., Opus cité, p.1163 GIROD Alain, « La faute à Voynet », Mots, n°75, juillet 2004, p. 111-120

Page 27: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Partie 1 Ecologie et développement durable : des traitements politiques et médiatiques mouvants

MORI Hélène_2007 27

de la réalité sociale se traduit notamment par un traitement prioritaire d’évènementsdramatiques, tels les catastrophes naturelles ou provoquées, les accidents (...) En règlegénérale, face à de telles situations, les discours politiques et médiatiques convergentdans le registre de la dramatisation, de la compassion, du sentiment, de la colère, de ladénonciation. » D’autre part, les quotidiens généralistes ont tendance à contextualiser un telévénement en rappelant aux lecteurs les catastrophes pétrolières qui ont déjà eu lieu. Dansla même perspective, Dominique Teissier64 a pointé le recours à l’émotion du quotidien LeMonde pour relater les dommages occasionnés par le cyclone Mitch en novembre 1998.L’auteur pointe également la tentative de rationalisation opérée par le quotidien à traversla « contextualisation spatio-temporelle du fait », à savoir une énumération chronologiquedes principaux cyclones.

Actuellement, la dramatisation du traitement des informations relatives à l’écologie et audéveloppement durable se perpétue dans les discours de la presse écrite française. Lorsqueles quotidiens rendent compte des conférences internationales sur le réchauffementclimatique, la tonalité catastrophiste constitue la composante principale de leurs discours.De même, les faits - tels que les OGM, la grippe aviaire, la vache folle - qui ont trait à lanotion de risque sont à la fois rapportés sur un mode didactique et spectaculaire.

La dramatisation est certes souvent à l’honneur dans les quotidiens nationauxgénéralistes, mais d’autres registres sont également employés révélant ainsi l’hétérogénéitédes discours de la presse écrite française en la matière. Concernant le traitement médiatiquede l’environnement dans les discours de la presse écrite française, Pierre Lascoumesestime qu’« il [l’environnement] émerge opportunément lorsqu’il est actualisé par unévénement et notamment dans les situations de crise. Le fractionnement des thématiquesest également renforcé par la pluralité des modes d’argumentation. Un même événementpeut être traduit selon des codes très différents, anecdotique, spectaculaire, technique,politique, etc., qui le recomposent et l’interprètent »65.

b) Une typologie croisée des sujets traités et des acteurs retenusNous pouvons également effectuer une typologie croisée des sujets traités et des acteurshabituellement retenus par les discours de la presse écrite française en matière d’écologieet de développement durable. Selon Pierre Lescoumes, les récits relatifs à la nature, auxpollutions et aux nuisances sont récurrents dans la presse écrite française. Pour autant,il souligne que le traitement médiatique ascendant des questions relatives à la gestionde l’environnement est « symptomatique de la visibilité croissante des actions publiques(décisions politiques nationales et internationales, position des partis), mais aussi desactions accomplies par les différents acteurs de la société civile (campagne d’information,colloque, rôle des associations, recherche technologique) » 66.

D’autre part, les intervenants les plus visibles sont - toujours selon PierreLascoumes - les personnalités politiques, la société civile puis les scientifiques et lesexperts. La visilité dominante des acteurs politiques peut notamment s’expliquer parl’alternance entre des événements institutionnalisés et des faits plus inattendus. Parévénements institutionnalisés, nous entendons des événements annuels ou pluriannuelsqui correspondent à une forte mise sur agenda de la part des acteurs politiques et

64 TEISSIER D., « Le cyclone Mitch et le catastrophisme du Monde », Mots, n°75, juillet 2004.65 LASCOUMES P., Opus cité, p.61

66 Ibid, p.63

Page 28: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

28 MORI Hélène_2007

institutionnels. Des événements tels que la Semaine du Développement durable, la Journéede l’environnement ou la tenue de conférences internationales dédiées au réchauffementclimatique s’inscrivent dans cette catégorie. Concernant les événements inattendus, il s’agitplutôt de catastrophes naturelles ou provoquées qui sont rapidement catégorisés dansles rubriques « Evénement » des quotidiens généralistes et qui font souvent appel auxpositionnements des acteurs politiques pour remédier aux dégâts occasionnés.

Cette première partie a donc permis de dresser un état des lieux, non-exhaustif,des représentations politiques et médiatiques dominantes à l’égard des enjeux en lienavec l’écologie et le développement durable. Dans le contexte spécifique de la campagneprésidentielle 2006-2007, les traitements politiques et médiatiques réservés aux thèmes enlien avec l’écologie et le développement durable ont différé à bien des égards.

Selon Patrick Charaudeau67, la sélection des faits par les médias est liée à deuxparamètres complémentaires : « L’instance d’information se trouve dans une situation oùelle doit résoudre plusieurs problèmes. D’abord, devant la masse de faits qui se produisentquotidiennement, sélectionner ceux qui seront convertis en nouvelles. Ces faits dépendent àla fois des événements imprévus ou prévus qui surgissent dans la vie sociale (catastrophesnaturelles, guerres, conflits, criminalité, etc.) et de l’agenda politique qui est imposé par lesdécisions, déclarations et actions en tout genre dont le monde politique a l’initiative. »

Or, la campagne présidentielle 2006-2007 a semble-t-il débouché sur d’autresparamètres. Le traitement médiatique des faits en lien avec l’écologie et le développementdurable était non seulement déterminé par un agenda politique particulièrement chargé maiségalement par un agenda non politique avec les déclarations d’autres types d’acteurs issusde la société civile.

67 CHARAUDEAU Patrick, Le discours politique, Les masques du pouvoir, édition Vuibert, avril 2005, p.218

Page 29: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Partie 2 : La médiatisation croissante de faits liés à l’écologie et au développement durable : descatégories fluctuantes dans le contexte précis de la campagne présidentielle 2006-2007

MORI Hélène_2007 29

Partie 2 : La médiatisation croissantede faits liés à l’écologie et audéveloppement durable : des catégoriesfluctuantes dans le contexte précis de lacampagne présidentielle 2006-2007

Pierre Lascoumes ne pensait pas si bien dire quant il avertissait sur la complexité d’unemédiatisation ascendante des thématiques environnementales : « La plus grande visibilitémédiatique actuelle des questions environnementales mérite quelques interrogations.Davantage d’information, cela signifie-t-il une meilleure information, plus complète, plusapprofondie, plus continue ? Comment nous apprend-on à penser ces enjeux ? Sousquelle forme ces faits sociaux sont-ils reconstruits par l’activité journalistique, valorisés enproblème ou réduits en anecdotes ? C’est à travers la production de ces scénarios ques’opère le transcodage médiatique, par la sélection de certains traits événementiels, leurpondération et leur mise en relation avec d’autres questions plus ou moins générales » 68.

Pour mieux appréhender les spécificités de la campagne présidentielle 2007, enmatière d’écologie et de développement durable, un rapide retour sur les caractéristiquesde la campagne de 2002 s’avère nécessaire. Lors de la campagne 2002, le thèmede l’insécurité était particulièrement présent dans la plupart des discours politiques etmédiatiques tandis que les thématiques en lien avec l’écologie et le développement durableétaient reléguées au second plan. D’autre part, Nicolas Hulot n’avait, ni la même audience,ni la même visibilité médiatique. Ceci étant, il s’indignait déjà du manque de considérationdes acteurs politiques pour les thématiques en lien avec l’écologie et le développementdurable dans des tribunes offertes par les quotidiens nationaux généralistes. Le futurdéfenseur du Pacte écologique déplorait ainsi le manque de considération des acteurspolitiques en constatant la chose suivante : « Les campagnes se suivent et se ressemblentdésespérément sous le seul angle du vide écologique»69. Mais il visait également aupassage les discours de la presse écrite française qui relataient à peine le peu qui était diten matière d’écologie soit « un murmure dans le concert électoral »70.

La campagne présidentielle 2007 s’inscrit dans un contexte diamétralement opposé. Aufil des articles issus de la presse écrite française, la publication de sondages a tout d’abordcontribué à légitimer le traitement médiatique de l’écologie et du développement durablepar la presse écrite française. Un horizon d’attente a en quelque sorte été tracé par lesdiscours de la presse écrite dès l’été 2006, favorisant ainsi l’émergence des thématiques enlien avec l’écologie et le développement durable. Fin juillet 2006, les quotidiens nationaux

68 LASCOUMES P., Opus cité, p.6769 HULOT N., « La Terre, problème numéro 1 », in Libération rubrique « Rebonds », 31 mai 2002, p.670 HULOT N., « Une campagne sans nature », in Le Monde, 17 avril 2002, page non référencée

Page 30: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

30 MORI Hélène_2007

généralistes ont rapidement relayé la possibilité d’une candidature de Nicolas Hulot àl’élection présidentielle de 2007.

Dans le contexte opportun de la campagne présidentielle, plusieurs articles se sontfait l’écho d’une intégration envisageable des thématiques en lien avec l’écologie etle développement durable. A ce titre, l’extrait d’article du Figaro intitulé « Le prix del’environnement »71 est symptomatique de cette logique d’amorçage : « Si, commel’affirment les sondages, 91% des Français sont préoccupés par la protection del’environnement, l’élection présidentielle tombe à point nommé pour traiter enfin ce sujet(...) ». De même, le rappel effectué par Le Monde n’est pas anodin : « Les préoccupationsécologiques ne sont plus aussi marginales dans les motivations de vote : selon unsondage CSA pour l’émission de France 3 "France Europe Express" du 26 novembre,l’environnement serait "l’enjeu qui compterait le plus au moment de voter" pour 15% desFrançais interrogés »72.

Encore faut-il ensuite que les candidats à l’élection présidentielle soient à la hauteur desenjeux en lien avec l’écologie et au développement durable face à d’autres acteurs issus dela société civile particulièrement vigilants. Dans le contexte de la campagne présidentielle2006-2007, nous avons, en effet, assisté à des logiques croisées entre les médias et lesacteurs politiques au regard des préoccupations des Français et de l’implication d’autresacteurs non institutionnels.

Nous reviendrons donc sur les positionnements médiatiques des principaux candidatsà l’élection présidentielle au regard des enjeux en lien avec l’écologie et le développementdurable. Pour compléter cette analyse, il est intéressant de s’attarder sur l’avènementmédiatique et politique d’une figure non politique, Nicolas Hulot, qui tranche avec la moindrevisibilité accordée à d’autres acteurs issus de la société civile. En sélectionnant les thèmesqu’ils abordent au cours d’une campagne électorale, les médiaspeuvent en effet favorisercertains types d’acteurs.

Par ailleurs, nous évoquerons deux autres faits distincts (portés par le Président dela République sortant et les opposants au décret sur l’EPR) qui s’inscrivent dans unetemporalité distincte. Ces événements, a priori hors campagne, ont été relatés par lesdiscours de la presse écrite dans des articles n’ont pas été systématiquement reliés auxenjeux et acteurs de la campagne présidentielle mais méritent tout de même une attentionparticulière.

A) Les logiques croisées d’acteurs en quête devisibilité médiatique

Au préalable, il est intéressant d’analyser le traitement médiatique des déclarations et desactions réalisées par les candidats en matière d’écologie et de développement durableafin de poser un certain nombre de données utiles pour la compréhension de la suite. Lesdiscours de la presse écrite participent en effet à la reconnaissance des candidats, virtuelsou déclarés, qui multiplient les déclarations et les effets d’annonce. Pour compléter cetteanalyse, nous nous attarderons également sur l’avènement médiatique et politique d’une

71 Le Figaro, « Le prix de l’environnement », 15 novembre 200672 Le Monde, « La galaxie écologiste interrogations et tractations », rubrique Focus, 2 décembre 2006, p.22

Page 31: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Partie 2 : La médiatisation croissante de faits liés à l’écologie et au développement durable : descatégories fluctuantes dans le contexte précis de la campagne présidentielle 2006-2007

MORI Hélène_2007 31

figure non politique, Nicolas Hulot, qui tranche avec la moindre visibilité accordée à d’autresacteurs issus de la société civile.

1. Le positionnement médiatique des acteurs politiques en matière dedéveloppement durable et d’écologie : l’exemple de Ségolène Royal

Notre perspective de travail est d’avancer une typologie du positionnement des principauxcandidats à partir des distinctions opérées et de critères retenus dans les discours de lapresse écrite française en matière d’écologie et de développement durable. Ces grilles delecture spécifiques à la campagne présidentielle 2006-2007 se sont, parfois, superposéesà d’autres grilles de lecture plus classiques en période électorale, à savoir la sempiternelledistinction qui est opérée entre petits et grands candidats, engendrant une moindre visibilitédes discours pour certains. Pour autant, les principaux candidats se sont tous ajustés faceaux questions en lien avec l’écologie et le développement durable. Il est donc intéressantd’envisager la manière dont les discours de la presse écrite ont décrit et analysé unpositionnement spécifique pendant la campagne présidentielle de 2006-2007.

Le 12 décembre 2006, la candidate socialiste Ségolène Royal rencontre NicolasHulot pour formaliser sa signature du Pacte écologique et exposer sa vision des actionsà engager dans ce domaine. Dans leur édition du 13 décembre, les trois quotidiensnationaux étudiés, à savoir Libération, Le Monde et Le Figaro, retracent tous l’entrevueentre les deux personnalités. Cet événement ainsi que les trois articles sélectionnésnous paraissent représentatifs du positionnement des candidats mais également descatégorisations effectuées par les discours de la presse écrite en matière d’écologie et dedéveloppement lors de la campagne présidentielle 2006-2007. Pour enrichir et appuyernotre réflexion, nous nous sommes également basés sur d’autres articles retraçant lesitinéraires des principaux candidats.

a) Le curseur "Hulot" et le prisme du Pacte écologiqueL’une des premières différenciations réalisées par les quotidiens généralistes étudiés ci-dessous résidait dans la signature ou pas du Pacte écologique par les candidats à l’électionprésidentielle. Cette première grille d’analyse a donné lieu à une production médiatiqueparticulièrement abondante qu’il ne s’agit pas de dénombrer de manière exhaustive ici.Notre objectif vise davantage à démontrer dans quelle mesure ce paramètre a influencéla couverture rédactionnelle relative à l’écologie et au développement durable durant lacampagne présidentielle 2006-2007. Plusieurs phases ont été successivement rapportéespar la presse écrite allant du moment où, chaque candidat annonce qu’il a prit connaissancedu Pacte écologique, à sa signature et sa rencontre avec Nicolas Hulot. Premier constat :les candidats non signataires du Pacte écologique ont rapidement été évincés des discoursmédiatiques au profit d’une focalisation sur les signataires, et ce pendant plusieurs mois.Deuxième constat :

le Pacte ayant été signé par les principaux candidats - à savoir Ségolène Royal, NicolasSarkozy et François Bayrou – ceux-ci ont bénéficié d’une couverture médiatique beaucoupplus étoffée que les petits candidats signataires tels que Marie-George Buffet ou DominiqueVoynet. Il s’agissait donc davantage d’une focalisation médiatique sur des prises de positionface à des enjeux que sur les enjeux en eux-mêmes.

Page 32: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

32 MORI Hélène_2007

Dans l’article intitulé « Hulot, en vert et avec tous »73, le quotidien Libération, renouantavec ses jeux de mots habituels, place d’emblée Nicolas Hulot au centre du discours. Parailleurs, le chapô confirme notre première impression. Ségolène Royal est un passage dansl’agenda chargé du défenseur du Pacte écologique et Nicolas Sarkozy lui succédera lelendemain. D’autres candidats suivront dans la mesure où « il [Nicolas Hulot] a décidé desoumettre [le Pacte écologique] à tous les prétendants à la présidence de la République ».D’ailleurs, l’expression « tous azimuts », utilisée dans le surtitre, témoigne de l’amplitudede la démarche conduite par Nicolas Hulot. Il rencontre « dans toutes les directions »si l’on reprend la définition d’un dictionnaire d’usage pour « tous azimuts ». La suite del’article témoigne de la portée du Pacte écologique et de Nicolas Hulot pour appréhender lepositionnement de la candidate socialiste. A ce titre, Nicolas Hulot est caractérisé comme« la personnalité préférée des Français » voire celle des élus locaux - même si cettedésignation positivement connotée est quelque peu contrebalancée par d’autres telles que« le présentateur d’Ushuaia », « le présentateur de télévision » ou « l’animateur » - tandisque Ségolène Royal reste « la candidate », « la présidente de Poitou-Charentes et ancienneministre de l’Environnement ». L’impact de Nicolas Hulot et du Pacte écologique transparaîtégalement dans le premier intertitre « Discrétion », en contradiction avec l’initiative prise parSégolène Royal consistant à convier un « important comité d’accueil médiatique » ; puis ledeuxième intertitre « Sans état d’âme » qui reprend de nouveau les propos tenus par NicolasHulot face au soutien qu’il apporte au Président de la République sortant pour l’organisationd’une conférence internationale sur l’environnement. D’ailleurs, la « discrétion » souhaitéepar Nicolas Hulot a de quoi surprendre étant donné l’importante mobilisation médiatiquequi a entouré et renforcé chacune de ces décisions depuis l’annonce de sa candidature àl’élection présidentielle fin juillet 2006. Par la suite, si la majeure partie des propos rapportéssont ceux de Ségolène Royal, ils concernent surtout l’hommage qu’elle rend à Nicolas Hulotet son positionnement à l’égard du Pacte écologique. Il est intéressant de noter que le Pacteécologique équivaut à un passage obligé pour être « écologiquement correct[e] » et sert enquelque sorte de tremplin pour se différencier et être force de propositions dans la mesuredu possible.

Comme dans le quotidien Libération, l’article du Monde est situé dans la rubrique« Politique »74. Ce trait commun tend à placer l’enjeu écologique dans le champ politiqueétant donné qu’il est au cœur des stratégies électorales des différents candidats. Pourautant, les repères spatio-temporels présents au début de l’article placent de nouveauNicolas Hulot au centre de l’action et « in medias res ». A ce titre, ces marques confirmentque le « récit journalistique se présente comme une simple intervention dans le continuumdes « faits » ; cette intervention en prolonge tel moment, tel ou tel aspect, mais ne l’interromptpas »75. D’autre part, il est intéressant de voir comment l’article est marqué par des aspectsdescriptifs tels que la physionomie de la figure principale du récit : « (...) Nicolas Hulot apris un petit air contrarié devant le nombre de journaliste (...) » tandis qu’il était « assezsurpris » dans Libération.

Par ailleurs, les propos tenus par Nicolas Hulot, en quelque sorte sommé de revoir sacopie, (« Je repars avec un certain nombre de propositions et de points qui méritent d’êtreretravaillés ») montre dans quelle mesure la candidate socialiste vise à reprendre le dessus.Comme l’indique le titre de l’article du quotidien « Ségolène Royal revendique " la crédibilité" sur l’écologie ». De sorte que, la candidate socialiste ne se contente pas de signer le Pacte

73 Annexe n° 674 Annexe n° 775 MOUILLAUD Maurice et TETU Jean-François, Le journal quotidien, Presses Universitaires de Lyon, 1989, p.157

Page 33: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Partie 2 : La médiatisation croissante de faits liés à l’écologie et au développement durable : descatégories fluctuantes dans le contexte précis de la campagne présidentielle 2006-2007

MORI Hélène_2007 33

écologique pour l’intégrer tel quel dans son programme électoral mais vise à lui apporter des« compléments ». D’ailleurs, le quotidien ne manque pas de rappeler que Ségolène Royala déjà opposé un de ses axes programmatiques et ambitieux au Pacte écologique, à savoir« faire de la France le pays de l’"excellence environnementale" ». Pour autant, la rencontreavec Nicolas Hulot conduit la candidate socialiste à prendre un « engagement nouveau »concernant les énergies renouvelables. Cette prise de position opportune confirme ànouveau la valeur tremplin du Pacte écologique, esquissée dans l’article de Libération,et la propension des candidats à s’engager au cours d’une campagne présidentielle touten se défendant de « tomber dans la démagogie ». Le lexique présent au fil de l’article(« candidats », « promis », « si elle était élue », « autre promesse », « chantiers »,« intention », « propositions ») témoigne en arrière-plan du contexte électoral et du caractèrehypothétique des propos tenus par Ségolène Royal. De même, la présence de nombreuxjournalistes atteste d’un aspect qui prévaut durant une campagne électorale, à savoirl’importance pour un candidat d’être visible mais également d’être vu avec...

Le caractère plus incisif de l’article du Figaro est perceptible dès le titre intitulé « Royalse veut plus écolo que Hulot »76. L’article, placé dans la rubrique « France », témoigne quantà lui d’une rencontre circonscrite au contexte très hexagonal de la campagne présidentielle2006-2007. L’article du Figaro rend ainsi compte de deux impairs commis par SégolèneRoyal. Tout d’abord, le début de l’article ne manque pas de rappeler, dans une constructionnarrative semblable à celle du Monde, la « surprise » de Nicolas Hulot face aux journalistesl’attendant. Ensuite, plusieurs marques de jugement transparaissent. Le Figaro pointe ainsil’attitude professorale de la candidate socialiste qui donne « une sorte de leçon d’écologie »à « l’élève Hulot ». Le fait de contester certains points du Pacte écologique et d’ « apporterdes compléments pour aller au-delà » n’est donc pas forcément bien perçu dans tous lesdiscours de la presse écrite française étant donné le fort capital de sympathie dont disposeNicolas Hulot.

b) « Les ethos de la crédibilité 77 » : des ressorts à géométrie variable

Lors de la campagne présidentielle 2006-2007, un ensemble de paramètres - qu’ils soientde l’ordre de l’expérience, de l’entourage, de l’image ou du discours - ont concouru à affermirou desservir la crédibilité des candidats en matière d’écologie et de développement durable.Dans une analyse instructive, Patrick Charaudeau présente la crédibilité comme « le résultatd’une construction, construction opérée par le sujet parlant de son identité discursive detelle sorte que les autres soient conduits à le juger digne de crédit [souligné par l’auteur].Le sujet parlant – et en l’occurrence l’homme politique – doit donc essayer de répondre à laquestion : comment faire pour être cru ? et pour cela doit fabriquer de lui-même une imagequi corresponde à cette qualité. »

D’autre part, notre réflexion sur la crédibilité affichée par les candidats reposeégalement sur la définition suivante : « L’éthos de « compétence » exige de quelqu’unqu’il possède à la fois savoir et savoir-faire : il doit avoir une connaissance approfondiedu domaine particulier dans lequel il exerce son activité, mais il doit également prouverqu’il a les moyens, le pouvoir et l’expérience nécessaires pour réaliser concrètement ses

76 Annexe n° 877 CHARAUDEAU Patrick, Opus cité, p.91 : L’auteur définit l’éthos à partir de la distinction opérée par Aristote visant à

« répartir les moyens discursifs qui servent à influencer son auditoire en trois catégories : le logos d’un côté qui relève de

la raison et permet de convaincre, l’éthos et le pathos de l’autre qui relèvent de l’émotion et permettent d’émouvoir ».

Page 34: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

34 MORI Hélène_2007

objectifs en obtenant des résultats positifs. (...) Il arrive parfois que ce soit l’homme politiquelui-même qui par ses déclarations mette en évidence les caractéristiques de son parcourspour évoquer cet ethos de compétence : un héritage, des études, des fonctions exercées,l’expérience acquise (...) » 78.

Les trois articles, que nous avons choisi d’analyser ici, révèlent dans quelle mesure lacrédibilité revendiquée par Ségolène Royal constitue l’un des fondements de son discourset de ses actions en matière d’écologie. Dans cette perspective, les traits saillants de cettequête de crédibilité écologique peuvent être esquissés.

En premier lieu, le quotidien Libération évoque la crédibilité par rapport à la démarchemenée par Nicolas Hulot qui « Faute de réponses crédibles à ses propositions, surla fiscalité écologique et l’agriculture notamment, le présentateur d’Ushuaia menace dese porter lui-même candidat ».Par la suite, l’article remémore l’expérience acquise parSégolène Royal en matière d’écologie de part ses fonctions de présidente de Poitou-Charentes et d’ancienne ministre de l’Environnement. D’autre part, Libération anticipela rencontre entre Nicolas Hulot et Nicolas Sarkozy en révélant déjà quelques uns desaxes de ce dernier en matière d’écologie. D’ailleurs, il est intéressant de noter que lespropos rapportés par le quotidien ne sont pas ceux du candidat de l’UMP mais ceux dela députée de l’Essonne Nathalie Kosciusko-Morizet présentée comme la « tête pensantede l’UMP sur les questions d’environnement ». D’où une différenciation implicite entreSégolène Royal et Nicolas Sarkozy en la matière. Le quotidien Libération laisse entendreque les candidats à qui le savoir et le savoir-faire font défaut en matière d’écologieauront tendance à s’entourer davantage. Pour autant, ce que nous appellerons ici lescautions écologiques étaient également de mise pour les candidats ayant déjà acquisune compétence en matière d’écologie et de développement durable dans la mesure où ilscontribuent largement à asseoir leur crédibilité. Les candidats à l’élection présidentielle sesont donc progressivement – voire opportunément - entourés de personnalités écologiques.Ces gages de crédibilité ont été esquissés dans les discours de la presse écrite française.A titre d’exemple, Ségolène s’est ainsi adjoint les qualités de Bruno Rebelle, ex directeurde Greenpeace France ou encore de Christophe Girard et Aurélie Filippetti, deux anciensmembres des Verts tandis que Corinne Lepage, transfuge de Cap 21 et ancienne ministrede l’Environnement sous le gouvernement Juppé, a rallié François Bayrou renforçant ainsisa reconnaissance en matière d’écologie. Nicolas Sarkozy a quant à lui misé sur lescompétences de Nathalie Kosciusko-Morizet, responsable de l’écologie à l’UMP.

Le titre du Monde, indique d’emblée la volonté affichée de la candidate socialiste :« Ségolène Royal revendique "la crédibilité" sur l’écologie ». Pour autant, la miseentre guillemets effectuée par le quotidien atteste d’une distanciation à l’égard de cettedéclaration. Par la suite, le quotidien cite les propos tenus par Ségolène Royal en employantune deuxième mise entre guillemets concernant les « décisions prises dans sa région"exemplaire" de Poitou-Charentes » avant de rappeler son « expérience de ministre del’environnement en 1992-1993 ». Le rappel d’un axe du programme présidentiel deSégolène Royal visant à faire de la France, le pays de l’"excellence environnementale"se caractérise par une nouvelle mise entre guillemets marquant de nouveau la réservedu Monde. La volonté farouche de Ségolène Royal de se différencier de « la droite », deJacques Chirac et des Verts est renforcée par les verbes introducteurs, employés par LeMonde, pour insérer ses propos : « a fustigé », « a tranché ». Aussi, Ségolène Royal tendà se distinguer par ses fonctions antérieures mais également par sa capacité à s’inscriredans le réel, dans l’action loin des « beaux discours » prononcés par le président sortant

78 Ibid, p.96

Page 35: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Partie 2 : La médiatisation croissante de faits liés à l’écologie et au développement durable : descatégories fluctuantes dans le contexte précis de la campagne présidentielle 2006-2007

MORI Hélène_2007 35

Jacques Chirac. Cela étant, le discours du Monde n’appuie pas les propos tenus par lacandidate socialiste.

L’article du Figaro vise à révéler sans ambages la stratégie de Ségolène Royal. Entémoigne, la déclaration de Royal à propos de la possible candidature de Nicolas Hulot : « Ilest libre. Le plus important, c’est que les Français choisissent celui qui est le plus crédible.Je revendique cette crédibilité. J’ai mené des combats pour l’environnement et je les aigagnés ». Il est intéressant d’observer les différences de traitement entre les quotidiensgénéralistes retenus. Contrairement au Monde et à Libération, la crédibilité revendiquée parSégolène Royal apparaît en fin d’article dans Le Figaro. De même, le verbe introducteur« assure-t-elle » pour justifier sa crédibilité en matière d’écologie a plutôt tendance àlaisser place au doute. Par ailleurs, la chute de l’article du Figaro aborde également ladistinction opérée par Royal à l’égard des discours de Jacques Chirac et leur manque detraduction concrète. En fait, la crédibilité de Ségolène Royal semble quelque peu écornéepar son positionnement différencié à l’égard de Nicolas Hulot. A titre d’exemple, les mesuressupplémentaires proposées par la candidate socialiste sont énumérées dans l’article sansplus d’explication. En filigrane, une caution écologique à double tranchant se dégage del’article. Les candidats sont certes avides d’engranger des cautions écologiques, et NicolasHulot en est une. Pour ce faire, la candidate socialiste cherche à renforcer sa crédibilitéà grand renfort d’images et de propositions. Or, la distance prise par Nicolas Hulot à sonégard (« annonce-t-il avant de tourner les talons ») est semble-t-il proportionnelle à celleque la candidate prend vis-à-vis de son Pacte écologique. D’où la difficulté de parvenir àun juste équilibre.

Ainsi, les articles des quotidiens analysés ici sont représentatifs de certaines constantesdiscursives propres au contexte précis d’une campagne électorale et plus précisément celuide l’élection présidentielle de 2007.

D’une part, la signature du Pacte écologiqueet la rencontre avec Nicolas Hulot ontfinalement constitué l’une des étapes indispensables du positionnement des principauxcandidats en matière d’écologie et de développement durable. Cette constante attesteen quelque sorte de l’interdépendance des acteurs. Il s’agissait en effet d’une étapeincontournable pour Nicolas Hulot en vue d’inscrire les enjeux écologiques au cœur dela campagne présidentielle. Pour ce faire, la hiérarchisation des enjeux dépend en partiedu positionnement des candidats et de leur retranscription médiatique. Si les candidats àl’élection présidentielle étaient en quête de crédibilité et de cautions écologiques, NicolasHulot était quant à lui en quête de cautions politiques et médiatiques pour garantir l’efficacitéde sa démarche. D’ailleurs, il est intéressant de constater l’inversement progressif des rôles.Un mois après cette rencontre, Ségolène Royal ne sera plus celle qui a donné « une sortede leçon écologique » à l’« élève Hulot » mais présentera comme tous les autres candidatssignataires un « grand oral » devant « maître Hulot »79.

D’autre part, le positionnement de Ségolène Royal, relaté dans les articles ci-dessus,est révélateur de la détermination farouche des candidats quand il s’agit de justifier leurspropos en rappelant sans cesse leurs fonctions antérieures, le caractère novateur et lesaxes principaux de leur programme. Pour autant, les candidats à l’élection présidentiellerestent dans le déclaratif en matière d’écologie et de développement et s’affirment surtoutpar leur capacité à « prendre des positions médiatiques sur ce sujet »80.

79 Libération, « Pacte écologique : le grand oral devant maître Hulot », rubrique « Présidentielle 2007 », 31 janvier 200780 Le Figaro, Charles Jaigu, « L’environnement, un enjeu colossal qui décourage les promesses électorales faciles », rubrique

« Opinions », 7 novembre 2006

Page 36: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

36 MORI Hélène_2007

Pour compléter l’analyse de la construction médiatique des principales figurespolitiques dans les récits de la presse écrite française à propos de l’écologie et dudéveloppement durable, il est intéressant de revenir sur l’avènement médiatique etpolitique d’une figure non politique, Nicolas Hulot, dans le contexte précis de la campagneprésidentielle de 2006-2007.

2. Nicolas Hulot : la présence surdimensionnée d’une figure nonpolitique

Le 22 janvier 2007, Nicolas Hulot annonce son retrait de la campagne présidentielle de2007, quelque mois avant son démarrage officiel. Durant la période de pré-campagne envue de l’élection présidentielle de mai 2007, le parcours médiatique de Nicolas Hulot s’estcaractérisé par une série de pics événementiels. L’animateur cathodique81 a semble-t-il créél’événement ou, du moins, permis la prise en compte de l’écologie et du développementdurable dans les discours politiques, et par ricochet dans les discours de la presse écrite,et vice-versa.

De nombreuses actions portées par Nicolas Hulot ont nourri les récits médiatiques etles programmes politiques. La presse écrite française a largement relaté les tergiversationsde Nicolas Hulot quant à sa candidature à l’élection présidentielle de 2007, le lancementdu Pacte écologique, les mesures phares contenues dans le Pacte, les promesses descandidats signataires face au Pacte, l’impact possible d’une candidature de Nicolas Hulotsur les résultats des partis traditionnels et des partis écologistes à l’élection présidentielle,etc. A ce titre, l’évolution de la couverture médiatique de l’écologie et du développementdurable s’est révélée ascendante dans la mesure où les articles en lien avec les étapescitées précédemment ont fini par placer – provisoirement – l’écologie au cœur de lacampagne.

Dès lors, la focalisation des discours de la presse écrite française sur les déclarationset les actions de Nicolas Hulot désireux de « mettre l’écologie “au sommet” de la campagneprésidentielle »82 nous amène à envisager le rôle qui est implicitement dévolu à une figurenon politique par rapport aux acteurs politiques traditionnels. Car, si les discours de la presseécrite française ont largement souligné l’ascension médiatique et politique de Nicolas Hulot,ils y ont largement contribué... Pour étayer nos propos, il convient donc de s’attarder sur lelexique et les discours proposés par trois quotidiens nationaux.

a) Des différenciations par une typologie d’actions et de fonctionsDans leur édition en date du 23 janvier 2007, les trois quotidiens nationaux étudiés, àsavoir Libération, Le Monde et Le Figaro, font tous état du retrait de Nicolas Hulot dans larubrique « Politique ».

Dans l’article intitulé « La vacance de M. Hulot »83, le quotidien Libération, qui a recours

au même jeu de mots que l’Humanité 84 , vise probablement à établir une connivence

81 Nicolas Hulot est notamment animateur, reporter et producteur pour l’émission télévisée Ushuaïa Nature, diffusée sur TF1 depuis1987

82 Libération, « Hulot veut mettre l’écologie “au sommet” de la campagne présidentielle », rubrique « Présidentielle 2007 »,7 novembre 2006

83 Annexe n° 9

Page 37: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Partie 2 : La médiatisation croissante de faits liés à l’écologie et au développement durable : descatégories fluctuantes dans le contexte précis de la campagne présidentielle 2006-2007

MORI Hélène_2007 37

avec une classe particulière de destinataires85. Par ailleurs le chapô caractérise d’embléeNicolas Hulot à travers les différents types d’actions et de fonctions que celui-ci a menéeset accomplies. Par les termes « intense lobbying », le quotidien rappelle implicitement lesmultiples actions conduites par Nicolas Hulot de l’annonce de sa vraie-fausse candidatureau lancement du Pacte écologique en passant par l’action en aval de sa Fondation. Apremière vue, cette désignation caractérisée et rappelée (« intense ») place Nicolas Hulotau côté d’acteurs associatifs qui ont habituellement recours à ce type d’action. La deuxièmecaractérisation comprise dans le titre, avec l’usage du déterminant, concerne la fonctionde Nicolas Hulot qui reste toujours « l’animateur d’Ushuaia ». Cette fonction l’éloigne denouveau des acteurs politiques traditionnels en le définissant de manière différenciée,puisqu’il est replacé dans le paysage audiovisuel français et non politique. Les deuxcaractérisations de Nicolas Hulot résument bien l’article dans la mesure où elles constituentdes pré-arguments expliquant son retrait de la campagne présidentielle et préfigurent savision des acteurs politiques. Par la suite, l’article de Libération confirme et accentue cettedifférenciation à travers un lexique qui qualifie l’action de Nicolas Hulot.

Dans l’édition du Monde, le retrait de Nicolas Hulot, placé en Une (« Hulot renonceà la candidature présidentielle »), côtoie l’annonce du décès de l’abbé Pierre. Le titre« Nicolas Hulot renonce à se présenter à l’Elysée, après six mois de lobbying écologique »86

du quotidien est certes plus classique mais reprend le terme « lobbying » employé dansle chapô de Libération. Dans l’article, Nicolas Hulot est désigné à plusieurs reprises parl’expression « l’animateur de TF1 », qui peut constituer un nouveau point d’ancrage etde référence pour les destinataires. Nicolas Hulot n’est plus porteur d’une émission maisaffilié à une chaîne privée. L’article s’appuie également sur un rappel de la chronologie quia propulsé Nicolas Hulot sur le devant de la scène politique et médiatique. Sont notammentmentionnés le lancement de son Pacte écologique, les candidats non signataires de sonPacte et les réactions des candidats écologistes vis-à-vis de sa possible candidature.L’article du Monde s’appuie moins sur le discours de Nicolas Hulot mais est davantage axésur les Verts et sur la parution de sondages. L’orientation de l’article est ainsi annoncéedès le chapô : le retrait de Nicolas Hulot laisse plus de marge de manœuvre et offre plusd’opportunités à « Mme Voynet et à la gauche ».

L’article du Figaro, sobrement intitulé « Hulot renonce à l’aventure présidentielle »87,désigne Nicolas Hulot sous le seul vocable « l’animateur écolo ». L’on passe donc à unautre stade de désignation relatif à l’action. A cela s’ajoute l’emploi d’un lexique scolaire,utilisé par Nicolas Hulot et son entourage, repris dans l’article. Concernant la création d’un« observatoire de la campagne », des marques de jugement transparaissent à traversles nuances et incises : « Et même si Nicolas Hulot se défend de vouloir “distribuer lesbons et les mauvais points”, c’est bien de cela qu’il s’agit ». Cette attitude professoraleest confirmée par les dires de Jean-Claude Jancovici88 qui avance l’idée que Nicolas Hulotpourrait « commenter les copies de chaque candidat ». Ces termes sont révélateurs desfonctions diverses qui sont assignées à Nicolas Hulot mais également des représentationsdu politique et de la politique qui ont prévalu pendant la campagne présidentielle de 2007.Le rôle de Nicolas Hulot dans la campagne est de nouveau mis en exergue à travers une

84 l’Humanité, « La vacance de Monsieur Hulot », rubrique « Les enjeux de 2007 », 23 janvier 200785 En référence au film Les vacances de M.Hulot avec Jacques Tati, grand-père de Nicolas Hulot86 Annexe n° 1087 Annexe n° 1188 Jean-Claude Jancovici a participé à la rédaction du Pacte écologique

Page 38: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

38 MORI Hélène_2007

comparaison contradictoire entre les programmes des principaux candidats et les critèresavancés dans le Pacte écologique de Nicolas Hulot. Le néologisme « Hulot-compatible »pour désigner le candidat centriste François Bayrou confirme la prégnance des actionsde Nicolas Hulot dans la pré-campagne présidentielle de 2006-2007. Les déclarationsdes candidats en matière d’écologie et de développement durable n’ont, en effet, pas étéanalysées en tant que telles mais appréhendées à travers le prisme du Pacte écologique.L’on assiste bien là à ce que certains commentateurs et journalistes ont dénommé le« phénomène Hulot », « l’effet Hulot » ou encore la « Hulot-mania ».

A partir de ces remarques préliminaires, nous pouvons constater que le retrait deNicolas Hulot participe à l’élaboration d’un véritable moment discursif, dans la mesure où ila une incidence sur le traitement d’autres événements liés à l’écologie et au développementdurable. Les principales spécificités d’un moment discursif ont été rappelées par SophieMoirand : « On tente de saisir la diversité des productions discursives qui surgissent, parfoisbrutalement, dans les médias, à propos d’un fait du monde réel qui devient par et dansles médias un « événement » : par exemple, la coupe du monde de football de 1998, lestempêtes de décembre 1999 en France, (...), la canicule de l’été 2003, (....) Mais un faitou un événement ne constitue un moment discursif que s’il donne lieu à une abondanteproduction médiatique et qu’il en reste également quelques traces à plus ou moins longterme dans les discours produits ultérieurement à propos d’autres événements » 89.

Si Nicolas Hulot se différencie par une typologie d’actions et de fonctions acquisesavant et durant la campagne présidentielle de 2006-2007, l’on peut également noter queses actions et ses fonctions sont modulables afin de prolonger sa démarche novatrice dansun temps et un espace politique loin d’être figé.

b) Une figure transpolitique mouvante dans un paysage politiquemouvementéDans l’article de Libération, l’utilisation d’un lexique spécifique accentue les différencesentre Nicolas Hulot et les acteurs politiques en soulignant ses spécificités. Le terme« prêche » caractérise de nouveau Nicolas Hulot non plus en le distinguant des acteurspolitiques mais en le plaçant au-delà : « Après trois mois de suspense et plus de vingtminutes de prêche (...) » Cela étant, cette expression, négativement connotée, équivautà démontrer l’aspect moralisateur du discours de Nicolas Hulot qui devient « M.Hulot ».On assiste tout au long de l’article à la construction d’une figure atypique qui reste,malgré tout, en adéquation avec certaines représentations médiatiques concernant l’attitudepublique à adopter face aux enjeux liés à l’écologie et au développement durable. Ainsid’autres termes utilisés concourent à la dramatisation habituelle opérée par la presse écritequand il s’agit d’aborder des problématiques en lien avec le réchauffement climatique, lescrises écologiques, etc. A ce titre, l’îlot textuel « tragédie globale » suivie des adjectifs« environnementalo-climatique » ancre le discours de Nicolas Hulot dans un registreémotionnel et catastrophiste. S’ensuivent des caractérisations physiques et physiologiques« Sa voix se tend, ses yeux brillent. Il inspire : (...) » qui placent davantage le discoursde Nicolas Hulot dans le domaine du ressenti. Le registre émotionnel correspond à l’unedes grilles d’analyse dressées par Alain Girod90 pour dépeindre les attentes des médias àl’égard des acteurs politiques en période de catastrophes naturelles ou provoquées. Dansl’article de Libération, le placement dans le registre émotionnel met en valeur la crédibilité, la

89 MOIRAND S., Les discours de la presse quotidienne : observer, analyser, comprendre, PUF, 2007, p.490 Voir à ce titre la première partie p.32 et GIROD Alain, « La faute à Voynet », Mots, n°75, juillet 2004

Page 39: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Partie 2 : La médiatisation croissante de faits liés à l’écologie et au développement durable : descatégories fluctuantes dans le contexte précis de la campagne présidentielle 2006-2007

MORI Hélène_2007 39

légitimité et la sincérité de Nicolas Hulot, qui font parfois défaut aux acteurs politiques, quandil s’agit d’aborder les enjeux liés à l’écologie et au développement durable. Ce cadrage tendà renforcer la spécificité du défenseur du Pacte écologique par rapport au monde politique.D’ailleurs, cette émotion séduit puisque « Dans l’assistance des journalistes, une femmeapplaudit ».

Par la suite, le discours de Nicolas Hulot rapporté par Libération montre la déterminationfarouche de l’ex-candidat à la présidentielle pour se distinguer des autres candidats et dumonde politique en général lorsqu’il explique pourquoi il « n’a pas franchi la ligne rouge ».Malgré tout, l’énonciateur de Libération pointe les contradictions inhérentes au discours deNicolas Hulot. Les explications fournies par le journaliste laissent transparaître des marquesde modalisation : « Cette profession de foi envers les candidats sonne faux. Car Hulot vientde se livrer à un dézingage en règle des politiques (...) » ainsi que des incises : « En clair,Hulot , qui n’a pas réussi à fédérer l’écologie politique dans son sillage , a eu peur defaire un mauvais score. » Voilà la figure authentique de l’animateur quelque peu écornée.Dans cette phrase de jugement alterne les traces de l’énonciateur et le discours de NicolasHulot à travers de nombreux îlots textuels qui évoque le « monde politique où la consignepréempte souvent la conscience » et où « l’on s’obstine à exalter nos bas instincts ». Unefigure peu reluisante du monde politique est dressée dans le discours de Nicolas Hulotet rapportée dans l’article. Dans la deuxième partie de l’article, la métaphore « bergertranspolitique qui “accompagne les acteurs sur le chemin de la mutation écologique” »soulève l’attention, dans la mesure où elle sert de fil conducteur au récit en tant qu’élémentstructurant la figure de Nicolas Hulot. De même, l’intertitre « Au-dessus de la mêlée »confirme la vocation transpolitique - et non apolitique - de Nicolas Hulot pour légitimer sonaction. Le caractère incantatoire des visées et actions de l’animateur, présenté comme unguide et un rassembleur, est confirmé à la fin de l’article où est mentionnée « une cérémoniede signatures ».

Dans l’article de Libération, le récit est centré sur le retrait de N.Hulot. Cette manière deplacer Hulot au cœur du récit et de l’action tend à marginaliser les autres acteurs politiquesdans le traitement médiatique relatif à l’écologie et au développement durable. Il ne s’agitainsi plus vraiment du retrait politique de Nicolas Hulot mais plutôt d’acteurs politiques enretrait. L’article est effet basé sur une source unique, à savoir le discours de Nicolas Hulot quiassume et revendique ses différences vis-à-vis des acteurs politiques en matière d’écologieet de développement durable.

Dans Le Figaro, le rôle des journaux de la presse écrite comme passeurs de parole estconfirmé par la présence de nombreux interlocuteurs et l’utilisation marquée du discoursrapporté. L’on peut donc noter un élargissement de la focale dans la mesure où le discoursjournalistique n’est plus seulement axé sur celui de Nicolas Hulot mais également sur lesdires de son entourage. Dans le chapô, la mise entre guillemets pour désigner Nicolas Hulotcomme « le nouvelle “icône” de l’écologie » n’est pas anodine. Si le terme d’icône s’estquelque peu banalisé, il est tout de même difficile d’oublier son sens originel, à savoir « une

image du Christ, de la Vierge, des saints, dans l’Eglise de rite chrétien oriental » 91 .La dimension symbolique qu’acquiert Hulot à travers ce terme connoté est accentuée

par une nouvelle métaphore dans la phrase suivante : « Pour ce faire, il veut reprendreson bâton de pèlerin et veut multiplier les réunions publiques, pour doubler le nombre designataires de son pacte. » La métaphore du « pèlerin » prend une nouvelle connotationreligieuse dans la mesure où un pèlerinage est « un voyage fait vers un lieu de dévotion

91 Le Petit Larousse, Grand Format, 1996

Page 40: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

40 MORI Hélène_2007

dans un esprit de piété » 92. Nicolas Hulot revêt ainsi les attributs fonctionnels d’un éclaireurou meneur visionnaire propre à un « pèlerin » et un « berger transpolitique ».

Les propos tenus par Nicolas Hulot et rapportés par Le Figaro démontrent à nouveaucombien les acteurs politiques sont dénoncés, dévalorisés voir déclassés : « Le pacteécologique, c’est la volonté de cesser de réduire la politique à quelque chose de mesquinet de vulgaire, cette logique de partis qui s’affrontent plutôt que de se compléter et quicherchent à s’exclure ». A ce titre, Le Figaro opte pour des sources dont les propos semblentrésumer la position du journal. En guise de conclusion, le Figaro rapporte les propos dePierre-André Taguieff qui distingue « l’homo sapiens » (ici Nicolas Hulot) de « l’homodemens » associé à l’acteur politique. L’on assiste là à une nouvelle catégorisation - nonremise en cause par Le Figaro - des acteurs politiques et non politiques qui supplante ous’ajoute à la catégorie d’ « eunuque audiovisuel » avancée par Alain Girod pour décrire « lafigure de l’homme politique tracée par les médias » dans un contexte de crise écologique93.Selon Alain Girod, « (...) la qualité d’"eunuque", donc d’impuissant perpétuel, tendrait àdevenir l’attribut essentiel des représentants politique » pour jouer « le jeu du sentimentet de la dramatisation ».Dans un contexte électoral où les tensions politiques sont parfoisexacerbées, il semblerait que l’émotionnel côtoie le démentiel au détriment de la sagesseet de la conscience si l’on en croit la catégorisation opérée par Pierre-André Taguieff etrapportée par Le Figaro.

Dans Le Monde, le traitement réservé au retrait de Nicolas Hulot diffère à biens deségards. L’on assiste à un nouvel élargissement de la focale puisque que les sources sontencore plus nombreuses et élargies aux acteurs politiques. De plus, une phrase justifie enpartie les conditions pour traiter du retrait de Nicolas Hulot et de tout sujet en lien avecl’écologie : « L’écologie est devenue un thème récurrent dans les discours politiques etl’une des préoccupations principales des Français ». Autrement dit, la mise à l’agendapolitique et l’intérêt de l’opinion publique pour les questions écologiques conditionnent letraitement médiatique de cette thématique. De sorte que, la substance de l’article du Monderepose davantage sur des aspects analytiques pour appréhender l’origine et l’impact duretrait de Nicolas Hulot, bien que des faits relatés dans l’article virent parfois à l’anecdotique(« Enchaînant les balades en bord de mer avec son chien (...) »). Les différents élémentsdéductifs sont condensés dans l’approbation qui est faite du retrait de Nicolas Hulot « enphase avec plusieurs sondages sortis ces derniers jours ». Dans cette même perspectiveraisonnée, l’article du Monde est davantage axé sur les conséquences94 de ce retrait pourles autres candidats qui « soulage les représentants de l’écologie politique extrêmementinquiets pour leur avenir, ces derniers jours ». D’où l’apparition de figures politiques dansl’article du Monde à travers les propos antérieurs - à connotation négative et belliqueuse -tenus par Corinne Lepage, présidente de Cap 21 qui désignait le travail entrepris par NicolasHulot comme un « combat médiatique » ou une « entreprise de destruction » à l’égard despartis écologiques.

Par ailleurs, d’autres acteurs non institutionnels - « les cadres de l’association Francenature environnement » - sont convoqués dans cet article pour commenter les implications

92 Ibid93 GIROT Alain, « La faute à Voynet », Mots, n°75, p. 111-120, juillet 200494 L’analyse des conséquences politiques du retrait de Nicolas Hulot alimentera nombre de discours et commentaires dans

la presse écrite française, la place dévolue à l’écologie étant souvent négligée. Voir à ce titre les articles des deux éditions duFigaro consécutives au retrait de Nicolas Hulot : « Royal perd un concurrent, mais doit affronter une nouvelle menace sur sa gauche »le 23 janvier et « Royal veut « reprendre le flambeau » de Nicolas Hulot » le 25 janvier

Page 41: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Partie 2 : La médiatisation croissante de faits liés à l’écologie et au développement durable : descatégories fluctuantes dans le contexte précis de la campagne présidentielle 2006-2007

MORI Hélène_2007 41

du retrait de Nicolas Hulot. Dans cet article, l’accent est donc mis sur le prolongementde l’action de Nicolas Hulot dans la campagne électorale et le lien est fait avec d’autresévénements consacrés à l’écologie. Sont évoqués la création d’un « observatoire de la viepolitique », la tenue d’une « cérémonie » de signature du Pacte écologique ou encore laparticipation de l’ex-candidat à une conférence internationale sur l’environnement organiséepar Jacques Chirac. D’où l’idée qu’il n’y aura pas de retrait médiatique de Nicolas Hulot :« Bien qu’il renonce à se présenter, l’animateur de TF1 ne va pas pour autant disparaître dupaysage médiatique. » La non-candidature de Nicolas Hulot n’équivaut donc pas vraimentà un renoncement ou à un retrait politique dans la mesure où le défenseur du Pacteécologique constitue désormais une composante transpolitique qui paraît s’adapter au grédes événements politiques.

Les discours des quotidiens nationaux étudiés ici, plus spécifiquement Libération etLe Figaro, tendent donc à construire voire faire une icône d’une figure non politique età déconstruire les figures politiques traditionnelles concernant les enjeux liés à l’écologieet au développement durable. Il est intéressant de noter qu’aucun des trois articles nerappellent une fonction non négligeable dans le parcours de Nicolas Hulot. L’animateur aen effet était un conseiller de Jacques Chirac en matière d’écologie et de développementdurable, notamment lors de la rédaction du discours débutant par « Notre maison brûle... »et prononcé par le Président de la République sortant au Sommet de Johannesburg enseptembre 200295. Il s’agit donc d’un acteur qui a déjà été pleinement impliqué dans le jeupolitique.

Malgré tout, en détrônant les candidats à l’élection présidentielle de 2007 sur les enjeuxécologiques, Nicolas Hulot se distingue pleinement des acteurs politiques à travers unedifférenciation rapportée et amplifiée par le discours de la presse écrite. Cette hypertrophiedu discours centré sur les déclarations et actions de Nicolas Hulot questionne. Le traitementmédiatique conséquent réservé à Nicolas Hulot dans la presse écrite est probablementun moyen pour les médias d’aborder les questions liées à l’écologie et au développementdurable dans la mesure où l’animateur écologique a pu et su en partie les imposer dans lesdiscours politiques. Cela étant, l’abondante couverture rédactionnelle du retrait de NicolasHulot offre également un autre champ d’analyse étant donné la présence surdimensionnéeoctroyée à une composante de la société civile par rapport à d’autres acteurs non politiqueset non institutionnels qui ont pourtant tenté de peser dans le débat lors de la campagneprésidentielle 2006-2007.

3. La moindre visibilité d’autres acteurs de la société civile pour peserdans le débat et être au cœur de la campagne médiatique

L’une des conséquences de la non-candidature de N. Hulot a été le relâchement médiatiqueet politique des thématiques en lien avec l’écologie et le développement durable dans lecontexte de la campagne présidentielle. Les discours des candidats ont en quelque sortechangé d’orientations devant une moindre pression médiatique.

Après la non-candidature de Nicolas Hulot, plusieurs acteurs issus de la sociétécivile se sont exprimés sur ce sujet, sans pour autant bénéficier de la même couverturemédiatique et de la même attention politique. Parmi ces acteurs, nous nous attarderonsplus spécifiquement sur la démarche conduite par la coalition d’ONG l’Alliance pour la

95 Voir à ce titre le chapitre dans lequel Nicolas Hulot relate les préparatifs du sommet de Johannesburg Nicolas Hulot, Lesyndrome du Titanic, « Le sommet de l’espoir », édition Calmann-Lévy, 2004

Page 42: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

42 MORI Hélène_2007

Planète. Les membres de l’Alliance sont des « associations environnementales, mais aussijuridiques, humanitaires, scientifiques, des associations de consommateurs, d’agriculteurs,des syndicats... »96.

Malgré une moindre visibilité médiatique, ce réseau d’ONG ne s’est jamais départi deson opiniâtreté pour critiquer les actions conduites par les acteurs politiques. Lors de lacampagne présidentielle de 2006-2007, la pression exercée par l’Alliance pour la Planètes’est en effet décomposée en plusieurs étapes97 pour attirer à la fois l’attention de l’opinionpublique, des médias et des acteurs politiques.

Le 26 février 2007, le collectif d’ONG publie une évaluation de dix candidats àl’élection présidentielle en fonction de leur programme et de leur degré d’engagement surles thématiques environnementales et sociétales. Nous analyserons donc le traitementmédiatique consécutif à cette publication à partir d’articles issus cette fois-ci de quatrequotidiens généralistes nationaux à savoir Libération, Le Monde, Le Figaro et l’Humanité.Force est de constater que la série d’actions conduites par cette constellation d’ONG a eubeaucoup moins d’écho médiatique et politique que la démarche initiée par Nicolas Hulot.La plupart du temps, ces membres de la société civile bénéficiaient seulement d’un entrefiletet d’articles beaucoup moins étoffés et beaucoup plus anecdotiques – avec un rappel defaits et des dates - que ceux consacrés aux actions portées par Nicolas Hulot. Par ailleurs,notre analyse portera également sur les différentes sources qui ont été mobilisées par lesquotidiens nationaux retenus, dans la mesure où la parole n’est quasiment pas donnée auxprincipaux acteurs du réseau d’ONG et aux acteurs politiques évalués.

a) La caractérisation altérée du réseau d’ONG Alliance pour la planèteLe prisme du Pacte écologique et la démarche conduite par Nicolas Hulot ont non seulementété prégnants pour la crédibilité des candidats à l’élection présidentielle mais égalementpour les actions conduites par des membres issus de la société civile. A ce titre, l’influencedes actions menées par Nicolas Hulot a en quelque sorte catégorisée et altérée lesreprésentations de la presse quotidienne généraliste à l’égard des opérations impulséespar l’Alliance pour la Planète.

Dans l’Humanité, la publication de la notation effectuée par le réseau d’ONG estrapportée dans la rubrique « Les enjeux de 2007 »98. La démarche conduite par l’Alliancepour la Planète s’inscrit donc la temporalité électorale dans la mesure où elle concerneles candidats à l’élection présidentielle. Pour autant, les résultats et les critères de lanotation sont rapidement restitués dans un entrefilet de deux paragraphes. Dès lors, ladésignation des auteurs de la notation est quelque peu tronquée dans la mesure où elletient en une ligne. L’Alliance pour la planète est donc rapidement présentée comme unregroupement de « moult associations écologistes ». De même, le titre de l’article, « Notesécologiques », est vague quant à la détermination et aux objectifs des auteurs de lanotation. En effet, l’Alliance pour la planète ne constitue pas uniquement un regroupementd’associations écologistes mais rassemble aussi des syndicats et des associations liés àdes domaines plus spécifiques en tels que la santé, la citoyenneté, l’insertion, le logementou la solidarité internationale99. Pour finir, le quotidien ne fait que rappeler brièvement les

96 http://www.lalliance.fr/1-Qu-est-ce-que-l-alliance/ Voir également la liste des membres en annexe n°297 Voire la chronologie indicative en annexe n°198 Annexe n° 1299 Voir la liste des membres en annexe n°2

Page 43: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Partie 2 : La médiatisation croissante de faits liés à l’écologie et au développement durable : descatégories fluctuantes dans le contexte précis de la campagne présidentielle 2006-2007

MORI Hélène_2007 43

critères d’évaluation retenus et la précédente notation effectuée par l’Alliance concernantl’action des parlementaires et des gouvernements durant la période 1997-2006. Nous n’enserons donc pas plus sur les actions antérieures du réseau d’ONG dans la mesure où celles-ci sont a priori censées être déjà connues par les lecteurs du quotidien.

Le traitement médiatique du quotidien Libération diffère à bien des égards dans lamesure où la notation effectuée fait l’objet d’un véritable article placé dans la rubrique« Politiques »100. Ce rubricage peut signifier que la notation effectuée par l’Alliancene constitue pas vraiment un enjeu dans la campagne présidentielle 2006-2007 maisseulement un avertissement destiné aux acteurs politiques. La coalition d’ONG est doncmentionnée en tant que sujet dès le titre de l’article intitulé « Alliance pour la planète faitson choix ». De même, le lecteur apprend progressivement que l’Alliance pour la planèteest un « collectif », « un regroupement de 80 associations défendant l’écologie et lasolidarité » ainsi que sa date de création. La caractérisation du réseau d’ONG est doncmoins restrictive que celle effectuée précédemment par l’Humanité. Le quotidien cite mêmeles noms de quelques ONG phares, a priori identifiable par ses lecteurs, à savoir WWF,Greenpeace, France Nature Environnement et bien entendu la Fondation Nicolas Hulot.D’ailleurs, il est intéressant de noter que les ONG mentionnées sont celles qui ont déjàbénéficié d’un traitement médiatique relativement important avant et pendant la campagneprésidentielle 2006-2007. Depuis sa création dans les années 1970, l’ONG Greenpeace estainsi particulièrement (re)connue pour ses coups d’éclat spectaculaires lui donnant accèsà une couverture médiatique.

Si la caractérisation du réseau d’ONG par le quotidien Libération est plus élargie, ellen’en est pas pour autant altérée. Ainsi le sceau du Pacte écologique et de Nicolas Hulotest manifeste dès l’introduction où le quotidien précise « Depuis que Nicolas Hulot esthors course, "l’urgence écologique" se fait nettement moins pressante. Hier, la "notationenvironnementale" des principaux candidats à l’Elysée a été accueillie dans une relativeindifférence ». Le verdict tombe donc, sans appel. Si le défenseur du Pacte écologiqueest « hors course », le collectif d’ONG n’est pas pour autant dans la course. Par la suite,le quotidien Libération parle de l’action menée par l’Alliance au passé - « cette notationdevait être un deuxième temps fort de la campagne, après la cérémonie du 31 janvier(...) » - signifiant ainsi l’acte manqué. Et pour que le réseau d’ONG ait voix au chapitre,auprès des candidats à l’élection présidentielle, l’intervention providentielle de Nicolas Hulotsemble indispensable : « (...) l’animateur télé avait demandé aux signataires [du Pacteécologique] de recevoir les militants de l’Alliance pour la planète ». D’autre part, plusieursmarques de jugements transparaissent quand il s’agit de qualifier la notation effectuée parle collectif d’ONG qui est ainsi désignée comme un « palmarès sans surprise ». Dans ledernier paragraphe de l’article les propos tenus par le quotidien Libération disqualifie denouveau le collectif d’ONG : « Les militants espèrent maintenir leur pression écologistejusqu’au bout de la campagne pour arracher le plus d’engagements possibles. A en jugerpar le faible retentissement de la notation publiée hier, il n’est pas certain qu’ils en aient lesmoyens ». A la première caractérisation de l’Alliance par des ONG représentatives, l’articlede Libération ajoute donc une autre désignation en parlant de « militants » ce qui achève deles différencier par rapport à la démarche consensuelle adoptée par Nicolas Hulot. Selonun dictionnaire d’usage courant, un militant est en effet une personne « qui lutte, combatpour une idée, une opinion, un parti »101.

100 Annexe n° 13101 Le Petit Larousse, Grand Format, 1996

Page 44: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

44 MORI Hélène_2007

Dans son article, minutieusement intitulé « Une fédération d’associations écologistes,L’Alliance pour la planète, note les programmes »102, le quotidien Le Monde renoue avec lacaractérisation réalisée par l’Humanité. L’Alliance pour la Planète est de nouveau ramenéeà sa seule dimension écologique alors qu’elle rassemble un vaste panel d’ONG. Cettedéfinition restrictive des missions de l’Alliance est confirmée dès le début de l’article parl’appelation « associations de défense de l’environnement ». D’autre part, le quotidiengénéraliste rejoint la caractérisation avancée par Libération en plaçant le réseau d’ONGcomme sujet dans le titre avant de mentionner quelques ONG représentatives (« les plusgrandes ») qui sont les mêmes que celles retenues par son confrère à l’exception de laFondation Nicolas Hulot. Il est également intéressant de noter que les deux quotidiensn’avancent pas les mêmes chiffres quant au nombre d’associations membres de l’Alliance.

Par ailleurs, Le Monde introduit la notation des candidats par un constat similaire à celuiémis par Libération en rappelant le moindre intérêt accordé au « débat sur l’environnement,oublié » depuis le retrait de Nicolas Hulot. La démarche conduite par le défenseur du Pacteécologique sert donc de référence pour comparer l’action menée par l’Alliance pour laplanète. D’ailleurs, un article du Monde,à-juste-titre,intitulé « Les associations s’inspirent dumodèle Hulot pour peser sur la campagne »avait déjà été entièrement construit à partir dela démarche engagée par Nicolas Hulot pour caractériser celle d’autres associations quin’avaient pas forcément de lien avec l’écologie. Cette grille de lecture atteste donc, une foisde plus, de la prégnance du « modèle Hulot ». Pour en revenir à l’action portée par l’Alliancepour la Planète, seul Le Monde expose, en dessous de l’article, une partie des 24 critèresde notations qui ont été retenus.

L’article du Figaro, intitulé « Les candidats plutôt mauvais en écologie » 103 et situédans la rubrique « Présidentielle 2007 », se focalise davantage sur la notation des candidatsen elle-même sans pour autant s’attarder vraiment sur les notations antérieures ou laméthodologie employée par la coalition d’ONG. Par ailleurs, la caractérisation de l’Alliancepour la planète accomplie par Le Figaro rejoint celle du Monde et de l’Humanité. Dans lechapô, l’Alliance pour la planète est évoquée comme une « fédération écologiste » avantd’être plus loin « une fédération qui regroupe des dizaines d’associations écologistes ». Lefait de ne pas donner de chiffre exact quant au nombre d’associations membres de l’Alliancetend ainsi à diminuer son poids et sa portée. D’autre part, il est de nouveau intéressantde noter que les ONG significatives retenues sont de nouveau le WWF, Greenpeace etla Fondation Nicolas Hulot. Pour autant, à la différence des trois autres articles analysésprécédemment, le Figaro est très évasif quant aux mesures retenues par l’Alliance. A cetitre, il est notamment mentionné que la fédération a « testé dix de ses propositions » alorsqu’elle a bien sélectionné 24 critères pour évaluer les programmes des candidats.

b) Acteurs politiques : une crédibilité écologique contestée face à un réseaud’ONG disqualifié ?Les résultats de la notation effectuée par l’Alliance pour la planète à l’égard des acteurspolitiques sont bien entendu moins flatteurs que l’effet escompté par les candidats àl’élection présidentielle en signant le Pacte écologique de Nicolas Hulot.

Dans l’Humanité, le bref compte-rendu de la notation n’est pas pour autant exemptde jugements. Le quotidien insiste ainsi sur le caractère studieux de ce type de notation

102 Annexe n° 14103 Annexe n° 15

Page 45: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Partie 2 : La médiatisation croissante de faits liés à l’écologie et au développement durable : descatégories fluctuantes dans le contexte précis de la campagne présidentielle 2006-2007

MORI Hélène_2007 45

en jouant sur un champ lexical relatif au milieu scolaire. A ce titre, le quotidien distingueironiquement « les bons élèves », Dominique Voynet et Corinne Lepage,« ceux qui peuventmieux faire », sans tous les caractériser de manière nominative (le PS, le PCF, l’UDF,l’UMP et la LCR)et« les cancres » (le MPF, Lutte Ouvrière et le Front national). D’autrepart, l’Humanité revient sur la notation antérieure - concernant l’action menée par lesparlementaires et les gouvernements entre 1997 et 2006 - qui avait débouché sur des« résultats bien médiocres ». Ainsi, la démarche conduite par l’Alliance pour la Planèteest connotée de manière plutôt négative et scolaire tout au long de l’entrefilet proposé parl’Humanité.

Si le quotidien Libération n’a pas recours au champ lexical ayant trait au milieuscolaire, la retranscription des faits disqualifie largement les actions conduites par l’Alliancepour la planète en insistant largement sur son moindre impact politique et son caractèrenégatif. A titre d’exemple, les résultats publiés en décembre dernier concernant l’action desparlementaires et gouvernements entre 1997 et 2006 sont qualifiés de « calamiteux » parle quotidien. La démarche conduite par l’Alliance, visant notamment à « maintenir » unepression écologiste sur les candidats, jette également un discrédit sur les acteurs politiques.L’article de Libération rend donc compte de ce qu’il qualifie de « palmarès sans surprise »dans la mesure où les candidates des partis écologistes arrivent en tête. Le quotidien sous-entend par là que la notation effectuée correspond à une action peu palpitante, ce quiexpliquerait pourquoi elle suscite moins d’intérêt que les actions conduites par Nicolas Hulot.

D’autre part, le choix des sources opéré par le quotidien est significatif dans la mesureoù seule une phrase du président de WWF France, membre de l’Alliance, est intégrée dansle corps de l’article. Par la suite, l’article de Libération ne manque pas de rappeler que lanotation repose sur des « critères contestables » pour introduire le reste des propos deNathalie Kosciusko-Morizet, responsable de l’écologie et du développement durable au seinde l’UMP. La comparaison avec la démarche conduite par Nicolas Hulot est même rappeléepar la députée UMP qui estime que le réseau d’ONG est retombé « sur les écueils politiciensqu’avaient su éviter Nicolas Hulot ». Selon la députée, l’évaluation présente plusieurs biaisdont la suspension du réacteur nucléaire. Cela étant, le mot de la fin lui est donné etéquivaut plutôt à un pic politicien lancé à la candidate socialiste Ségolène Royal. Il est doncintéressant de voir comment l’objectif initial de l’Alliance pour la planète est rapidemententerré par le quotidien Libération. Le quotidien inverse en quelques sorte les tendancespar le choix des sources et par plusieurs modalisations. Dès lors, à la notation, effectuée parle réseau d’ONG, qui disqualifiait les acteurs politiques se substitue une déconsidération durôle de l’Alliance pour la planète qui n’a pas les « moyens » de ses ambitions.

Dans l’article du Monde, les résultats de la notation sont esquissés à grand trait avecune énumération semblable à celle effectuée par ses confrères. Cela étant, le quotidiens’attarde davantage sur la spécificité de l’évaluation réalisée par l’Alliance pour la planèteen définissant ses propositions comme « concrètes et plus polémiques que les cinqpropositions posées dans le Pacte écologique de Nicolas Hulot ». L’une des clefs dumoindre intérêt politique accordé par les candidats à la notation effectuée réside en effetdans le caractère résolument engagé et non consensuel des propositions faites par leréseau d’ONG qui –comme l’indique Le Monde – appellent une « réponse tranchée ».Dans cette perspective, Le Monde a recours au même vocable que Libération en désignantl’un des membres de l’Alliance par le terme « militant ». A titre comparatif, la signaturedu Pacte écologique de Nicolas Hulot permettait aux candidats à l’élection présidentielle2007 de s’offrir une crédibilité écologique voire de se racheter en matière d’écologie etde développement durable tandis que les notations successives effectuées par l’Alliance

Page 46: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

46 MORI Hélène_2007

tendent plutôt à rappeler le manque d’engagements concrets dans ce domaine. Ce typede notation n’est a priori pas dans l’intérêt des candidats qui voient ainsi leur crédibilitéécologique écornée et contestée. Contrairement au Pacte écologique de Nicolas Hulot, ladémarche conduite par l’Alliance ne s’inscrit pas uniquement dans le contexte opportun dela campagne présidentielle mais rappelle le bilan peu reluisant des partis au pouvoir ainsique le décalage entre les discours et les actes.

Par ailleurs, le choix des sources, réalisé par Le Monde,offre davantage d’espacerédactionnel aux propos tenus par deux porte-parole du mouvement pour expliquer certainscritères de l’évaluation, les résultats de leur notation et les principaux enseignements qu’ilsen retirent. A titre d’exemple, le président du WWF Daniel Richard commente donc lepositionnement plus affirmé de Ségolène Royal concernant la mise en place de moratoiressur l’EPR et les OGM. De plus, le quotidien oppose l’attitude de la candidate socialiste à cellede Nicolas Sarkozy, décrit comme « pronucléaire et pro-OGM » par le même interlocuteur.Au regard de ce choix des sources, Le Monde relativise, entre autres, les propos tenus parNathalie Kosciusko-Morizet et rapportés dans Libération. De même, Le Monde tente uneretranscription fidèle de la notation effectuée par le réseau d’ONG l’Alliance pour la planèteen laissant la parole à ceux qui porte cette action.

Dans Le Figaro, l’aspect peu gratifiant de la notation effectuée par l’Alliance par laPlanète est perceptible dès le titre « Les candidats plutôt mauvais en écologie ». Dans lechapô, le quotidien revient également sur l’attitude différenciée des candidats à l’égard duPacte écologique signé « en grande pompe » et du « test » de l’Alliance pour la planète oùseuls trois d’entre eux ont la moyenne. Par la suite, Le Figaro se fend d’un article, reposantsur une dépêche AFP et avoisinant le compte-rendu des faits effectué par l’Humanité. A cetitre, Le Figaro a aussi recours à un champ lexical en lien au milieu scolaire pour évoquerle résultat de la notation effectuée par l’Alliance. Le quotidien rappelle donc le classementdans l’ordre décroissant en distinguant les « élèves appliquées » ayant obtenu la « mentiontrès bien » de la candidate socialiste qui a récolté la « mention assez bien » et des autrescandidats « en dessous de la moyenne », « bons pour les rattrapages », « cancres de lapolitique ». Au-delà du caractère anecdotique de cette retranscription des faits, quelquepeu railleuse, certaines marques de jugement sont visibles.

Concernant le choix des sources, Le Figaro mentionne des propos recueillis sur le sitede l’Alliance pour la Planète sans procéder à aucune citation nominative. Et à la différence duMonde, le quotidien évoque les faiblesses du programme proposé par la candidate socialistesans pour autant présenter les points négatifs d’autres candidats en matière d’écologie etde développement durable. La chute de l’article laisse ainsi place à un horizon d’attenteen rappelant que « rien n’est joué » puisque le réseau d’ONG procédera à une nouvelleévaluation.

Le moindre traitement politique et médiatique réservé à la notation effectuée parl’Alliance pour la Planète questionne à plusieurs niveaux. Il ressort tout d’abord de cetteanalyse d’articles, une certaine distorsion effectuée par la plupart des discours de la presseécrite française quand il s’agit de relater la notation effectuée par l’Alliance pour la planèteen matière d’écologie et de développement durable. Comme nous avons pu le remarquer aufil de notre analyse, cette distorsion est particulièrement palpable avec le moindre espacerédactionnel et le traitement ironique réservé à l’action conduite par le réseau d’ONGrassemblant ainsi Le Figaro et l’Humanité, deux quotidiens a priori opposés du fait de leurssensibilités politiques antinomiques.

D’autre part, sans pour autant se départir du prisme du Pacte écologique, les quotidiensLibération et Le Monde présentent quelques similitudes dans leur traitement plus analytique

Page 47: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Partie 2 : La médiatisation croissante de faits liés à l’écologie et au développement durable : descatégories fluctuantes dans le contexte précis de la campagne présidentielle 2006-2007

MORI Hélène_2007 47

de la place et du rôle de l’Alliance pour la planète dans la campagne présidentielle2006-2007. Néanmoins, l’action menée par l’Alliance pour la planète est totalementrelativisée voire disqualifiée par le quotidien Libération a priori avide de démarchesnovatrices ou avant-gardistes tandis qu’elle est davantage valorisée et appuyée par LeMonde, quotidien habituellement plus institutionnalisé.

Par ailleurs, concernant le choix des sources il est intéressant de noter que seulle quotidien Le Monde laisse explicitement et longuement la parole à des membresde l’Alliance pour la planète. Et, seul Libération propose la réaction - négative - d’unepersonnalité politique - non candidate à l’élection présidentielle - à l’égard de la notationenvironnementale et sociétale effectuée par le collectif d’ONG l’Alliance pour la planète.L’absence d’écho politique dans les discours étudiés interpelle étant donné la propensiondéconcertante des candidats à se positionner vis-à-vis du Pacte écologique de Nicolas Hulotet l’aptitude des quotidiens généralistes à relayer leur propos.

Au vu de ce traitement insolite, nous sommes donc en droit de nous interroger sur lespoints suivants : est-ce la nature de l’action qui est fondamentalement moins mobilisatrice,c’est-à-dire qui n’est pas d’un intérêt suffisant pour rassembler différents acteurs ? Ou bienest-ce le moindre intérêt politique qui lui est porté qui engendre par ricochet une moindremobilisation médiatique, et vice-versa ?

Par ailleurs, notre analyse des discours de la presse écrite française en matièred’écologie et de développement durable repose également sur une actualité événementielleextérieure à la campagne en elle-même. Nous postulons alors qu’il s’agit davantaged’événements hors campagne dans la mesure où ils sont susceptibles de répondre à uneinterprétation médiatique différenciée et s’inscrivent dans une temporalité politique distincte.

B) Le traitement médiatique des actions “horscampagne”

L’idée est d’appréhender dans quelle mesure une actualité événementielle extérieure à lacampagne se différencie des faits portés par la campagne présidentielle et rapportés dansles discours des quotidiens nationaux généralistes étudiés. Pour autant, des actions a prioridistinctes de la campagne peuvent tendre à s’inscrire dans la campagne électorale.

Face à l’émergence d’une actualité événementielle extérieure à la campagne, lescandidats ne sont alors plus les seuls maîtres du jeu politique et médiatique mais sont àla fois confrontés à d’autres acteurs politiques ou issus de la société civile mais égalementà d’autres thématiques exigeant une prise de position. Les événements hors campagnesont parfois l’occasion pour les présidentiables de s’emparer de thématiques pour affermirleur crédibilité politique et écologique, voire infléchir leur programme politique. Dans cetteperspective, la mise sur agenda médiatique peut parfois engendrer une mise sur agendapolitique et vice-versa.

A ce titre, nous avons distingué deux types d’événements extérieurs à la campagneprésidentielle en elle-même qui ont induit des traitements médiatiques et politiquesdifférenciés, sans pour autant dresser une typologie exhaustive.

Nous avons, tout d’abord, choisi plusieurs articles, issus du Figaro, du Monde et deLibération, relatant l’organisation de la « Conférence pour une gouvernance écologique

Page 48: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

48 MORI Hélène_2007

mondiale » par le président de la République sortant Jacques Chirac. Ce type d’événementdiplomatique aurait probablement eu lieu quelque soient les circonstances électorales enFrance. D’autre part, cet évènement a davantage été l’occasion pour la presse quotidiennenationale généraliste d’esquisser une sorte de bilan écologique des actions menées parJacques Chirac au cours de sa carrière politique sans, pour autant, faire le lien avec lecontexte électoral. D’où le traitement d’un événement qui a peu de chance de déboucher surdes réalisations concrètes s’il n’est pas repris par les acteurs politiques, qui sont candidatsà l’élection présidentielle et qui occupent davantage l’espace médiatique.

Par ailleurs, les réactions suscitées par la publication du décret d’autorisation, en datedu 11 avril 2007, permettant à EDF de construire le réacteur EPR (european pressurized

reactor) de 3e génération à Flamanville nous paraissent révélatrices des controversespersistantes liées au nucléaire en France. Il s’agit en effet d’une temporalité longue liéeà la fois à la durée de vie d’un réacteur et au problème récurrent de l’enfouissement desdéchets radioactifs. A ce titre, il s’agit d’une temporalité qui dépasse le temps du mandatpolitique et donc de l’action politique. Mais il s’agit également ici d’une action qui s’inscritdans la fin d’une mandature et constitue l’un des derniers actes politiques marquant dugouvernement De Villepin. Nous verrons donc dans quelle mesure ce type d’événement, apriori hors campagne, s’est inscrit dans le contexte électoral, de part les prises de positiondes candidats. Des manifestations contre le projet de réacteur pressurisé européen àFlamanville avaient déjà eu lieu dans 5 villes de l’hexagone le 17 mars 2007 à l’initiativedu Réseau Sortir du nucléaire. A priori, la trame de cette actualité événementielle aurait purester extérieure à la campagne si justement la question du nucléaire ne constituait pas tantun sujet de controverses. D’où un positionnement de la plupart des candidats à l’électionprésidentielle voire une récupération par les acteurs politiques pour appuyer leurs proposet leur programme électoral.

1. Le “testament” écologique de Jacques Chirac : un acte isolé ?La « Conférence internationale pour une gouvernance écologique mondiale », organiséepar Jacques Chirac, s’est déroulée à Paris les 2 et 3 février 2007. A l’issue de cetteconférence, le président de la République sortant a prononcé un discours intitulé « L’Appelde Paris » dans lequel il réitérait notamment son souhait d’aboutir à une « gouvernancemondiale de l’environnement », autrement dit créer l’Organisation des Nations uniespour l’environnement (ONUE). Dans leur édition du 3 février 2007, les trois quotidiensgénéralistes nationaux, Le Figaro, Le Monde et Libération, ont donc relayé, à leur manière,les différents axes du discours présidentiel.

a) Entre discours révolutionnaire et acte de diplomatieLe Figaro reprend d’emblée l’un des mots clefs du discours présidentiel en intitulant sonarticle « Jacques Chirac appelle à une “révolution écologique” »104. Par sa déclarationen faveur d’une « révolution écologique » Jacques Chirac est même qualifié de« révolutionnaire ! » dès le début de l’article qui prend une tournure résolumentdithyrambique. D’autre part, la teneur des termes employés dans le discours de JacquesChirac, à l’occasion de la Conférence de Paris, le situe « dans le droit fil de son discoursde Johannesburg » qui est devenu une référence en matière d’éloquence écologique. Parla suite, l’article du Figaro abonde en extraits du discours prononcé par le Président de

104 Annexe n° 16

Page 49: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Partie 2 : La médiatisation croissante de faits liés à l’écologie et au développement durable : descatégories fluctuantes dans le contexte précis de la campagne présidentielle 2006-2007

MORI Hélène_2007 49

la République sortant et s’avère même entièrement construit sur le discours présidentiel.Par les sélections opérées, il fait ainsi clairement ressortir la tournure révolutionnaire d’undiscours de révolte. De même, le choix des verbes introducteurs, précédant les multiplesîlots textuels de l’article, tend à créer le portrait d’un homme d’action. Tout au long deson discours, Jacques Chirac a ainsi « appelé », « dénoncé », « plaidé », ce qui tend àjustifier le qualificatif de « révolutionnaire » qui lui est accolé au tout début de l’article. Parailleurs, les axes du discours, qui sont retenus et cités par Le Figaro, font la part belle à unesérie de ruptures lexicales et de bouleversements sémantiques avec des termes fortementconnotés tels que « révolution écologique » ou « guerre écologique ». Cette terminologiede rupture est accentuée par le lexique employé dans l’article qui évoque ainsi un Présidentde la République « prenant la tête d’une croisade pour une “écologie humaniste” ». Nousreviendrons plus tard sur l’utilisation du terme « croisade » également employé par LeMonde pour qualifier l’action engagée par Jacques Chirac.

Pour faire état de la gravité de la situation et de la teneur des enjeux (« défi écologique »,« enjeu vital »), les termes usités par Jacques Chirac et repris dans le quotidien sontsignificatifs. Face au constat, dressé par le président et qualifié d’« alarmiste » par Le Figaro,l’accent est mis sur l’importance de « se prémunir des conséquences catastrophiques d’unréchauffement climatique » et d’engager une « révolution au sens authentique du terme ».Pour autant, le sens du terme révolution n’est ni recontextualisé par Jacques Chirac, nidéfini en complément par Le Figaro. Selon un dictionnaire d’usage courant, une révolutionse définit par un « changement brusque, d’ordre économique, moral, culturel qui se produitdans une société ». Dans cette optique, la triple révolution proposée par Jacques Chiracconcerne les « consciences », « l’économie » et « l’action politique » mais n’est pour autantexplicitée.

D’autre part, les aspects de politique extérieure et de diplomatie sont rapidementesquissés dans l’article, notamment à travers le souhait de Jacques Chirac quant àl’adoption d’une « Déclaration universelle des droits et des devoirs environnementaux »par les Nations unies. A la fin de l’article, Le Figaro cite également la volonté du présidentquant à la création d’une ONUE afin de porter « la conscience écologique mondiale ».L’article conclut donc sur les opposants à la création d’une ONUE en évoquant simplementles « réticences » des Etats-Unis, de la Chine ou de l’Inde ébauchant ainsi le chemin qu’ilreste à parcourir.

Dans son article, intitulé « Jacques Chirac appelle à une triple “révolution” pour sauverla Terre »105, Le Monde reprend également l’un des mots clefs du discours présidentielsans pour autant déterminer davantage la révolution. Il faut attendre l’introduction pourcomprendre de quel type de révolution il s’agit. Même si le quotidien ne s’aventure pasà qualifier Jacques Chirac de « révolutionnaire » ou de « Chi », il a recours au terme de« chevalier vert ». Dans la même optique, il est frappant de voir que le terme « croisade »,employé par Le Figaro, pour désigner l’action initiée par Jacques Chirac (« prenant latête d’une croisade pour une “écologie humaniste” ») est aussi utilisé, dès le début del’article, par le quotidien Le Monde. Car, au-delà d’une « expédition militaire contre leshérétiques », le terme « croisade » désigne, par extension, une « campagne menée pourcréer un mouvement d’opinion ». De sorte qu’à l’instar du Figaro, l’article du Monde présenteégalement le président de la République sortant comme un acteur politique d’action etd’avenir. Comme si Jacques Chirac s’affranchissait du contexte hexagonal de la campagneprésidentielle 2006-2007 pour engager une action d’envergure internationale.

105 Annexe n° 17

Page 50: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

50 MORI Hélène_2007

Par la suite le quotidien fait davantage ressortir les aspects diplomatiques du discoursde Jacques Chirac en évoquant dès le troisième paragraphe la proposition de JacquesChirac concernant l’adoption d’une « Déclaration universelle des droits et des devoirsenvironnementaux » par les Nations unies. De plus, l’accent est principalement mis surles moyens préconisés par Jacques Chirac, à savoir la création d’une ONUE, pour quela « communauté internationale » évite une « guerre écologique ». Pour finir, Le Monderapporte les propos d’Alain Juppé, qui est en quelque sorte l’émissaire du « chevalier vert »,concernant l’attitude de deux « pays émergents », l’Inde et la Chine, vis-à-vis d’une créationde l’ONUE. Si Le Figaro évoque brièvement les réticences de ces pays, Le Monde joue lacarte de l’optimiste à travers les propos rassurants d’Alain Juppé.

A la différence de ses deux homologues, le quotidien Libération évite soigneusementde nommer Jacques Chirac et les aspects volontaristes de son appel en lui préférantle titre détaché et symbolique suivant « L’ONUE, serpent de mer né en 1992 »106. Al’origine, un serpent de mer est un animal mythique se caractérisant par des dimensionsdisproportionnées. Par la suite, ce terme a notamment été repris pour caractériser le« serpent monétaire européen » mis en place de 1972 à 1978. Cette image a été choisie pourdésigner une expérience de change originale dont le principe était, entre autres, de réduireà 2,25% l’écart maximum des cours de change entre deux monnaies communautaires. Enréalité, le système du serpent monétaire n’était pas viable sans une harmonie économiqueet politique entre les neuf pays membres de l’époque107. Et au final, le système de serpentmonétaire a été marqué à plusieurs reprises par le retrait des membres de la Communautéen raison de la faiblesse de leurs monnaies.

Le quotidien Libération insiste donc d’emblée sur les aspects diplomatiques quelquepeu sinueux de la Conférence internationale organisée par le Président français. Le chapôprécise ainsi les dissensions entre les vingt-quatre pays ralliés au projet d’ONUE soutenupar Jacques Chirac et ceux, tels que les Etats-Unis, la Chine, le Brésil ou la Russie qui« traînent les pieds ». Par la suite, le quotidien cite brièvement un passage du discours duPrésident lorsque celui-ci évoque le moindre pouvoir du PNUE (Programme des Nationsunies pour l’environnement). Le moindre espace rédactionnel réservé au discours duPrésident français tranche donc avec la quantité de citations présente dans Le Monde etsurtout dans Le Figaro. Au vu de l’angle choisi par Libération pour traiter cet événement, lediscours de Jacques Chirac ne présente aucun aspect révolutionnaire ou novateur (« Chiraclui [le PNUE] a rendu un hommage tout diplomatique »). De même, le quotidien préciseque l’idée de créer une ONUE « n’est pas neuve » en citant les propos d’Hubert Védrine.Selon le bref historique dressé par le quotidien, Jacques Chirac ne ferait ainsi que recyclerl’idée de créer une ONUE, déjà avancée par le Président socialiste François Mitterrand auSommet de la terre, qui s’est tenu à Rio en 1992.

Si le quotidien montre que plusieurs acteurs sont d’accord avec le constat dressé parJacques Chirac quant à la moindre importance du PNUE et au problème de « la dispersionde l’action internationale », les réticences à la création d’une ONUE sont égalementévoquées. Les intertitres « Opposants » et « Réticences » sont significatifs pour qualifier lesdifficultés inhérentes au projet d’ONUE. De même, l’action entreprise par Jacques Chiracest sans cesse nuancée par les modalisations du quotidien qui rappelle les « opposantsde poids » au projet d’ONUE, l’absence d’« unanimité » et le chemin qu’il reste à parcourirdans une incise significative : « On est donc loin du compte ». Concernant le choix dessources, Libération donne davantage la parole à des intervenants extérieurs alors que

106 Annexe n° 18107 L’Allemagne, le Danemark, les pays du Benelux, la France, l’Italie, la Grande-Bretagne et l’Irlande

Page 51: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Partie 2 : La médiatisation croissante de faits liés à l’écologie et au développement durable : descatégories fluctuantes dans le contexte précis de la campagne présidentielle 2006-2007

MORI Hélène_2007 51

Le Figaro était totalement centré sur les propos de Jacques Chirac et Le Monde avaituniquement élargi à ceux d’Alain Juppé. A la différence de ses deux confrères, Libérationindique les dispositions des ONG à l’égard du projet d’ONUE. Si celles-ci étaient reléguéesau rôle d’auditeurs dans les articles analysés précédemment, Libération leur réserve unepart importante de son espace rédactionnel. Le premier membre de l’UICN qui témoignele fait ainsi au nom de « la plupart des ONG », ce qui tend à renforcer le positionnementdifférencié des ONG à l’égard du projet d’ONUE. Par la suite, les deux derniers paragraphesde l’article constituent même d’un tribune vindicative pour l’un des membres de GreenpeaceFrance avec le verbe introducteur « déplore », connoté de manière négative, pour pointerles difficultés déjà existantes au niveau international dans la lutte contre le réchauffementclimatique : « Aujourd’hui, on n’arrive même pas à faire appliquer le protocole de Kyoto ! »

Dans cet article, le quotidien Libération oscille donc entre aspects diplomatiques pourdéterminer les difficultés inhérentes au projet d’ONUE et aspects offensifs en révélant laposture délicate de la France en matière d’écologie et de développement durable.

b) Itinéraire complexe d’un positionnement écologique évolutifSi l’article du Figaro est truffé de citations extraites du discours prononcé par JacquesChirac, il est également jalonné de références aux actions antérieures du Président de laRépublique. Dès le début, l’article fait implicitement référence à la campagne présidentiellede 1995 durant laquelle Jacques Chirac avait fait campagne sur le thème de la « fracturesociale ». Il semble que le quotidien n’ait pas besoin de préciser le contexte étant donné quecette étape, dans l’itinéraire politique de Jacques Chirac, est censée être connue et partagéepar des lecteurs proches de la ligne éditoriale d’un quotidien de droite et centre-droit. C’estdonc sans hésiter que Le Figaro fait la jonction entre « le Chi », durant la campagne de 1995,et le Président de la République prononçant un discours sur le « thème de l’environnement ».

Un ensemble d’éléments viennent également renforcer ou confirmer la crédibilité duPrésident de la République en matière d’écologie et de développement durable. De sorteque le placement de l’article dans la rubrique « Sciences&Médecines » tend certes àévincer Jacques Chirac de l’actualité politique française et internationale mais le situedans un registre habituellement réservé aux experts et fins connaisseurs des maux dontsouffrent la Terre. Concernant l’actualité politique française, Le Figaro rappelle en effetbrièvement le contexte dans lequel s’inscrit le discours prononcé par Jacques Chirac qui « àl’approche de la fin de son mandat » ne se retire pas, pour autant, de la scène internationaledans la mesure où la Conférence de Paris constitue « l’un des trois grands rendez-vousinternationaux figurant sur l’agenda de Chirac ». D’autre part, nous assistons également àla construction d’une figure de l’acteur politique, plus spécifiquement de ce que doit être unPrésident de la République sortant, selon les critères retenus par Le Figaro, au détour d’unephrase. Ainsi l’organisation de la Conférence pour une gouvernance écologique mondialeest « l’occasion pour lui, en pleine campagne présidentielle, de laisser son empreinte, defixer solennellement les grands enjeux pour la France de demain ».

Par ailleurs, Jacques Chirac présente également les caractéristiques d’un acteurpolitique chevronné en matière d’écologie et de développement durable, ne serait-ce qu’enorganisant la Conférence de Paris, « le jour même où les experts mondiaux du Giecrendaient public un rapport alarmiste ». En outre, le discours prononcé par le Président de laRépublique présente un aspect fédérateur dans la mesure où il est tenu « devant un parterrede scientifiques, militants écologistes et associatifs, chefs d’entreprise et responsablesd’une soixantaine de pays ». Le Figaro ne manque pas non plus de rappeler l’une des

Page 52: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

52 MORI Hélène_2007

marques majeures du cheminement écologique de Jacques Chirac en le présentant commel’« initiateur de la Charte de l’environnement adossée à la Constitution française ».

Pour autant, dans l’article du Figaro, Jacques Chirac tend à se différencier d’unensemble d’acteurs – et plus précisément de « certains intellectuels, militants écologistes etassociatifs, reprenant les vieilles idées du Club de Rome » - par un positionnement affirmévisant à écarter « la “croissance zéro” » au profit d’« une nouvelle révolution industrielle estdevant nous, celle du développement durable ». Autrement dit, Jacques Chirac oppose lesconcepts de développement durable et de croissance soutenable à celui de décroissance.Les propos tenus par Le Figaro tendent donc à invalider les acteurs favorables aux « vieillesidées du Club de Rome » pour positionner Jacques Chirac à la fois comme un hommed’action et d’avenir en matière d’écologie et de développement durable. Par ailleurs, il estintéressant de noter que le concept d’“écologie humaniste” avancé par le Président de laRépublique dans son discours et repris par Le Figaro n’est pas nouveau. Il avait en effetdéjà utilisé cette notion lors de la campagne présidentielle de 2002 pour l’opposer à ce qu’ilappelait l’“écologie sectaire” ; ce qui était alors déjà une manière de regagner du terrain enmatière d’écologie.

Concernant le traitement médiatique que Le Monde réserve à la « Conférenceinternationale de Paris pour une gouvernance écologique mondiale » et plus spécifiquementau Président de la République, il est intéressant de noter que l’article est également placédans la rubrique « Sciences » rejoignant ainsi le choix de rubrique effectué par Le Figaro. Demême, le panel présenté par Le Monde pour caractériser les participants à la Conférencede Paris est aussi fédérateur et flatteur que celui présenté par Le Figaro. Dans Le Monde,le Président de la République sortant a tenu son discours « devant les ministres étrangers,représentants d’organisations internationales, d’ONG, chefs d’entreprise ou scientifiquesde haut niveau, venus de soixante pays pour l’occasion ». Le panel esquissé par LeMonde paraît certes plus restrictif du fait du nombre de participants avancé (« les quelques150 participants ») quoique plus spécialisé (« chefs d’entreprise ou scientifiques de hautniveau »). Le quotidien s’attarde également davantage sur des aspects organisationnelsconcernant la Conférence de Paris et ses suites. A ce titre, Le Monde fait davantage lajonction avec le contexte électoral en inscrivant explicitement l’action portée par JacquesChirac dans la campagne présidentielle. A la différence du Figaro, l’article du Monde nerepose, en effet, pas entièrement sur le discours de Jacques Chirac puisqu’il rapporteégalement les propos d’Alain Juppé, présenté comme le « président du comité d’honneurde la conférence ». Selon Alain Juppé, le « combat » enclenché par Jacques Chirac pourla création d’une nouvelle « gouvernance mondiale écologiste » pourrait s’inscrire dans lacontinuité avec l’élection du candidat de l’UMP Nicolas Sarkozy.

D’autre part, le lexique utilisé pour caractériser Jacques Chirac est fortement connoté.Nous avons vu dans quelle mesure le terme de « croisade » présente également le présidentde la République sortant comme un acteur politique d’action et d’avenir. A cela s’ajoute lequalificatif de « chevalier vert » révélant la puissance de l’action souhaitée par JacquesChirac pour faire face à une possible « guerre écologique ». Dans ce cadre, le chevalier n’estni plus ni moins qu’un guerrier. Le début de l’article amorce véritablement une caractérisationprononcée du Président de la République qui « a sonné le tocsin » de part son discoursmobilisateur. L’expression « sonner le tocsin » est de plus en plus usitée au sens figuré dansla presse écrite française dès qu’un acteur politique lance un cri d’alarme pour désigner ourappeler un danger. A l’origine, le tocsin était le son d’une cloche que l’on frappait à coupspressés et redoublés pour alerter la population, à l’occasion d’un incendie, d’une attaqueou d’une guerre. Nous voilà donc ici en présence d’un Président sortant, plutôt alerte, qui

Page 53: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Partie 2 : La médiatisation croissante de faits liés à l’écologie et au développement durable : descatégories fluctuantes dans le contexte précis de la campagne présidentielle 2006-2007

MORI Hélène_2007 53

avertit son auditoire des risques d’une « guerre écologique » si les préconisations qu’ilavance restent lettre morte. De plus, l’utilisation par Le Monde d’un verbe introducteur tel que« a prédit » donne un aspect visionnaire aux propos tenus par Jacques Chirac et renforcesa stature internationale. Pour autant, le quotidien ne succombe pas à la personnificationopérée par Le Figaro pour caractériser le président français. Dans Le Monde, JacquesChirac n’est pas l’« initiateur de la Charte de l’environnement adossée à la Constitutionfrançaise » (Le Figaro) dans la mesure où le quotidien évoque « la France » qui « a adosséune charte de l’environnement à sa Constitution ».

Le quotidien Libération se distingue de ses deux confrères à bien des égards. Toutd’abord, l’article intitulé « L’ONUE, serpent de mer né en 1992 » se situe dans la rubrique« Evénement ». Les différents articles, parus dans l’édition du 3 février 2007 et présents danscette rubrique, analysent en effet la dimension événementielle de la conférence organiséepar Jacques Chirac tout en la confrontant avec les difficultés pour mettre en place uneONUE. D’autre part, à la différence de ses deux confrères, Libération ne caractérise pasles dispositions évolutives de Jacques Chirac en matière d’écologie et de développementdurable. En réalité, le positionnement habile de Jacques Chirac est pointé implicitementavec sa récupération du projet d’ONUE (« Dès 1998, Jacques Chirac l’a reprise ») sansfaire part d’un charisme quelconque le concernant. Par ailleurs, Libération ne manque pasde montrer les contradictions et le côté donneur de leçon de la « France championne desdiscours sur l’écologie sur la scène internationale » à travers les propos révoltés de YannickJadot, membre de Greenpeace France. Cet aspect contradictoire est également souligné àla fin de l’article par le quotidien qui signale que la France reste « le pays le plus épinglé parBruxelles pour son non-respect des directives environnementales », ce qui anéantit toutesles velléités écologiques du Président de la République sortant.

Pour étayer nos propos sur le positionnement évolutif de Jacques Chirac enmatière d’écologie, nous nous sommes également rapportés à l’éditorial de Jean-MichelThénard, malicieusement intitulé « Carillonneur », paru le 3 février 2007 dans la rubrique« Evénement ». Le terme de carillonneur pour désigner Jacques Chirac semble aller de pairavec l’expression « sonner le tocsin » utilisée précédemment par Le Monde et réemployéepar Libération. Pourtant, la tournure choisie dans l’éditorial de Libération est résolumentsarcastique à l’égard du Président français (« Il reste à souhaiter à Chirac qu’on ne leconfonde pas alors avec Al Gore… »). Dans cet énoncé à caractère éminemment subjectif,l’auteur révèle donc à quel point il n’est pas dupe de la mutation de Jacques Chirac en« Pancho Villa de l’écologie ». Le quotidien oppose donc son point de vue à la caractérisationrévolutionnaire du Président sortant émise par Le Figaro. Ainsi, dans l’éditorial de Libération,Jacques Chirac n’est plus présenté comme un homme d’action et d’avenir mais plutôtcomme un inactif affilié aux « gouvernants en retraite » ainsi qu’un homme du passé etun fin stratège : « En réclamant une “révolution écologique”, Chirac pose sa marque dansl’histoire du siècle à venir ». De même, l’éditorial met déjà Jacques Chirac en retrait(e) parl’injonction qu’il adresse aux candidats à l’élection présidentielle 2007 : « Aux politiquesdésormais d’agir et de ne plus se contenter de belles paroles ».

Au vu du traitement, réservé par trois quotidiens nationaux à l’organisation d’une ultimeconférence internationale par Jacques Chirac et à son projet d’ONUE, plusieurs tendancesdiscursives se dégagent.

Alors que le discours du Président de la République sortant nous est, tour à tour,présenté comme un discours d’autorité et de conviction, empreint d’accents révolutionnaireset humanistes, par Le Figaro et d’une tournure volontariste par Le Monde ; les effortsde Jacques Chirac pour s’assurer une stature écologique sont battus en brèche dans

Page 54: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

54 MORI Hélène_2007

Libération. Hormis le projet d’ONUE, aucun autre point de l’Appel de Paris n’est mentionnépar le quotidien Libération qui se distingue fortement de ses deux confrères tant au niveaudu lexique que des rubriques, des titres, des sources.

Tandis que Jacques Chirac est tour à tour le « Chi », un « révolutionnaire » dansLe Figaro, un « chevalier vert » dans Le Monde ; il est réduit au rôle peu flatteur de« carillonneur » dans Libération. Pour autant, Le Monde ne présente pas le caractèrelaudatif du Figaro pour caractériser le discours et le parcours de Jacques Chirac en matièred’écologie et de développement durable.

Finalement, l’action de Jacques Chirac reste un acte isolé, majoritairement à l’écartdu contexte électoral si ce n’est l’injonction écologique que Libération lance aux candidatsdans son éditorial ou l’appel du pied adressé par Alain Juppé dans Le Monde au candidatde l’UMP pour succéder à Jacques Chirac.

Pourtant, il est intéressant de noter que d’autres acteurs politiques, plus spécifiquementdes candidats à l’élection présidentielle de 2007, ont employé une terminologie analogue àcelle de Jacques Chirac en parlant de « révolution écologique ». Les ruptures lexicales et lesbouleversements sémantiques ont ainsi été à l’honneur dans les discours de la candidatedes Verts, Dominique Voynet. La « révolution écologique » constituait en effet l’une despierres angulaires de son programme électoral dit « contrat écologique ». Un article duMonde faisait état de cette terminologie utilisée par la candidate des Verts pour « relancer sacampagne »108. Par ailleurs, le candidat de l’UMP Nicolas Sarkozy a également eu recoursà cette expression pour renforcer sa crédibilité écologique109 en appelant à une révolutionécologique en compagnie du désormais incontournable Al Gore.

A cette actualité événementielle, extérieure à la campagne en elle-même et quelquepeu délaissée par les candidats à l’élection présidentielle 2007, s’ajoute un autre événementqui a suscité davantage de réactions de la part des candidats.

2. Les réactions au projet EPR : quelle catégorisation politique ?Différentes tendances discursives étaient déjà perceptibles lors de la couverturerédactionnelle accordée aux manifestations contre le projet de réacteur nucléaire EPRen mars 2007 par Libération, Le Monde et Le Figaro. A titre comparatif, Le Figaro avaitseulement réservé un entrefilet et un traitement factuel aux manifestations organisées dans

cinq villes de l’hexagone. Libération 110 choisissait pour titre l’un des jeux de mots utilisé

par les manifestants avant de réaliser un zoom sur les manifestions organisées dans cinqvilles et de donner la parole aux opposants. Dans un entrefilet, datant du 20 mars 2007, LeMonde ne manquait pas de rappeler le « réel succès » des manifestations organisées par leréseau Sortir du nucléaire tout en notifiant déjà la présence des candidats à la présidentielleaux manifestations et leur positionnement tranché sur l’EPR111.

108 Le Monde, « Les Verts ; Dominique Voynet appelle une coalition de la gauche et des écologistes », 28 janvier 2007, rubrique« Politiques », p.8

109 Le Monde, « Nicolas Sarkozy veut être un candidat écologiste », 7 décembre 2006, rubrique « France »110 Libération, « “L’EPR Noël est une ordure” », 19 mars 2007, rubrique « Terre », p.8111 Le Monde, « Nucléaire : des dizaines de milliers de manifestants contre le réacteur de troisième génération », 20 mars 2007,rubrique « Politique », p.13

Page 55: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Partie 2 : La médiatisation croissante de faits liés à l’écologie et au développement durable : descatégories fluctuantes dans le contexte précis de la campagne présidentielle 2006-2007

MORI Hélène_2007 55

Le 11 avril 2007 est publié le décret d’autorisation permettant à EDF de construire

le réacteur de 3e génération EPR à Flamanville dans La Manche. S’ensuit une sériede réactions, rapportées de manière différenciée par les quotidiens nationaux, qui nousparaît révélatrice des antagonismes persistants liés au nucléaire en France. Afin de mieuxappréhender les caractéristiques d’un thème de controverse, nous reviendrons sur lesmanières dont sont qualifiés les différents acteurs s’étant déclarés après la publication dudécret sur la construction de l’EPR.

1) Place et caractérisation différenciées des acteurs en prise avec l’EPR

Dans Libération 112 , l’accent est mis d’emblée sur la réaction des opposants à laconstruction du réacteur EPR. Dès le titre « Explosion de colère contre le décret surl’EPR », les opposants à la publication du décret sur l’EPR sont caractérisés de manièreprononcée. Leur détermination est confirmée dans le chapô par le groupe nominal « vivesprotestations » qui ancre le récit dans une atmosphère de lutte et de désapprobation.L’indignation des opposants est perceptible tout au long de l’article à travers différentsconstats dressés par Libération(« la colère est vive ») et le choix de verbes introducteurs(« s’est insurgée », « juge », « dénonce », « s’élève contre »). Plusieurs indices témoignentainsi du parti pris du quotidien.

D’une part, un espace rédactionnel restreint est réservé aux partisans du décretd’application. Le quotidien cite ainsi les propos favorables à l’EPR tenus par le ministrede l’Economie, Thierry Breton, dans le quotidien Les Echos. Le fait de restituer despropos énoncés dans un autre journal peut constituer un élément de distanciation dansla mesure où le quotidien Libération montre ainsi qu’il n’a pas directement rencontré l’undes protagonistes gouvernemental. De même, Libération relie les propos de Thierry Bretonainsi que la prise de décision gouvernementale à la déclaration d’EDF par la conjonction« Et » en début de paragraphe et l’incise démonstrative - « Et pour EDF, qui s’est félicitédu décret, (…) » - révélant la réaction positive d’EDF. L’incise présente dans l’article deLibération est parlante dans la mesure où elle insinue la connivence existant entre EDFet l’action gouvernementale puisqu’EDF a en quelque sorte obtenu gain de cause. A celas’ajoute une absence de caractérisation du « gouvernement » dans la mesure où celui-cin’est jamais clairement nommé.

D’autre part, le reste de l’article, à savoir cinq paragraphes, est entièrement consacréaux « sceptiques » ou « opposants ». Chaque intertitre est l’occasion de mettre en exerguel’un des mots clefs avancés par les adversaires à la publication du décret sur l’EPR : deDominique Voynet à José Bové en passant par l’association France nature environnement.Le choix des intertitres est en quelque sorte une manière de montrer que Libérations’approprie le langage des adversaires de l’EPR. Le rappel d’un événement antérieur daté -les manifestations du 17 mars - inscrit l’opposition à la décision gouvernementale dans unelutte ininterrompue. De même, Libération ne manque pas de signaler le poids des acteursassociatifs se prononçant contre le décret dans des incises, signifiant ainsi le décalage entreune décision prise par un petit groupe d’acteurs politiques et l’opposition résolue d’un vasteensemble d’acteurs113.

112 Annexe n°19113 « France nature environnement, qui fédère quelque mille associations, (…) » ou encore « Le réseau Sortir du nucléaire,

qui revendique plus de 700 associations, (…) »

Page 56: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

56 MORI Hélène_2007

Au final les propos tenus par Libération se confondent avec ceux des opposants àl’EPR. Ainsi le quotidien débute son article par « Les fins de règne n’inclinent pas à laréflexion » et conclut en citant les propos du réseau Sortir du nucléaire dénonçant un « acteantidémocratique d’un gouvernement en fin de règne (…) ».

Au lendemain de la publication du décret, Le Monde a tout d’abord relaté l’informationdans deux entrefilets respectivement situés dans les rubriques « Sciences » et « Economie-entreprises » le 12 avril 2007. Par la suite, le quotidien s’est fendu d’un article plus étoffé,situé dans la rubrique « Politique », pour rendre compte des controverses suscitées par ladécision gouvernementale.

A l’instar de Libération, Le Monde se focalise davantage sur le positionnement desopposants au projet validé par le décret. Le parti pris du Monde est ainsi perceptible de partl’intitulé de l’article « Protestations après le feu vert discret à la construction de l’EPR »114. Letitre valide ainsi l’intertitre présent dans l’article qui reprend les propos tenus par FrançoisBayrou pour qualifier une décision gouvernementale prise « en catimini ». Le Monde segarde ainsi de caractériser le gouvernement et de relater les propos tenus par EDF. Le seulacteur favorable au décret sur l’EPR mentionné, dans un paragraphe, est le ministère del’économie pour justifier les modalités d’un débat transparent sur l’EPR.

L’article du Monde s’ouvre avec une succession d’îlots textuels citant les proposdes différents opposants déjà identifiés dans Libération à savoir Greenpeace, Sortir dunucléaire, les Verts, le Parti socialiste, François Bayrou et José Bové. A la différence deLibération, Le Monde donne d’emblée la parole aux acteurs associatifs pour caractériserla décision hâtive et opaque prise par le gouvernement avec les propos virulents desopposants (« Déni de démocratie », « acte antidémocratique », « mépris pour la démarchede débat public »). D’ailleurs, l’article du Monde se termine également avec les argumentsdes opposants au décret concernant entre autres les impacts négatifs de l’EPR sur la miseen place d’énergies renouvelables.

Contrairement à Libération et au Monde, Le Figaro concentre son attention – et celledu lecteur – sur EDF qui est d’ailleurs le sujet du titre choisi par le quotidien, à savoir « EDFreçoit le feu vert pour le réacteur EPR »115. De même, la décision gouvernementale n’est pasexplicitement citée dans le titre, ce qui renforce la posture d’EDF, qui est mise en exerguetout au long de l’article du Figaro.

Le Figaro se différencie de ses deux confrères par une moindre caractérisation desopposants au décret sur l’EPR. Le quotidien réduit ainsi les réactions des adversaires à« des vagues ». On est donc loin de l’ « explosion de colère » avancé par Libération.Pour autant, Le Figaroutilise un vocabulaire davantage connoté quand il s’agit de désignercertains opposants « virulents » et d’introduire brièvement leurs propos (« a aussitôtstigmatisé »). Le quotidien rappelle également les manifestations qui ont eu lieu contrele lancement de l’EPR sans insister davantage sur le nombre de manifestants ou lesorganisateurs. A l’inverse de Libération, les propos des opposants tiennent donc enquelques lignes tandis que la majeure partie de l’espace rédactionnel est accordé auxprojets d’EDF.

Dès le début de l’article, le quotidien se focalise ainsi sur la réaction positive (« lasatisfaction ») d’EDF à l’égard de la décision favorable prise par le gouvernement. Par lasuite, le quotidien tend à valoriser EDF en rappelant tout d’abord son rôle de premier plan

114 Annexe n° 20115 Annexe n° 21

Page 57: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Partie 2 : La médiatisation croissante de faits liés à l’écologie et au développement durable : descatégories fluctuantes dans le contexte précis de la campagne présidentielle 2006-2007

MORI Hélène_2007 57

du fait de sa qualité de « premier électricien mondial ». De même, le quotidien opte pour unecitation nominative des propos tenus par le président d’EDF pour rappeler l’impact positif dunucléaire sur la « facture énergétique » de la France. L’argument émis par le président d’EDF

est ensuite clairement renforcé par Le Figaro 116 qui justifie l’importance du nucléaire pour

que la France reste indépendante au niveau énergétique. La partie consacrée à EDF reposedonc sur un intertitre tel que « Remplacer dix-neuf centrales » et une chronologie longuecorrespondant aux travaux nécessaires pour relancer le programme nucléaire. L’article duFigaro fait donc rapidement fi des oppositions au décret autorisant la construction de l’EPRpour relater les faits sous un angle économique.

Au-delà de ce premier niveau d’analyse, le choix des sources et la caractérisation desacteurs révèlent également la complexité des enjeux et les nombreuses lignes de clivagesliés à un thème de controverse.

2) Les caractéristiques d’un thème de controverse : entre décision politiquediscutée et action politique en devenir

Dans le contexte d’une campagne présidentielle, Jean-Louis Missika et Dorine Bregman117

proposait une « distinction importante entre thèmes de préoccupation et thèmes decontroverse. Les premiers sont les problèmes jugés les plus importants par l’opinionpublique, les seconds sont les problèmes qui font l’objet d’une opposition significative entreles partis politiques en compétition. » Dans la lignée de leur réflexion, nous tâcheronsde montrer en quoi le traitement politique et médiatique des enjeux en lien avec lenucléaire peut rapidement virer à l’affrontement autour d’un thème de controverse. Il s’agitici davantage d’un clivage significatif au niveau des acteurs politiques que de l’opinion, etd’un thème de controverse à la jonction de deux types d’action politique : une action politiqueréalisée et une autre en devenir. Les discours de la presse écrite que nous nous proposonsd’étudiées ici tablent donc sur ce double niveau.

Dans Libération, le thème de controverse, ravivé par la publication du décret sur l’EPR,est abordé de manière frontale. Par le choix de ses sources, le quotidien révèle à plusieursreprises dans quelle mesure la décision gouvernementale atteste d’un manque de débat.Les symptômes révélateurs de l’absence de « réflexion » sont pointés par les différentsprotagonistes cités dans l’article qui qualifient tour à tour la décision gouvernementaled’« antidémocratique », d’« autoritaire » avec un débat « tronqué ». Les adjectifs utilisésrenvoient en substance aux premiers mouvements antinucléaires quand les manifestantsscandaient « Etat Nucléaire = Etat Totalitaire ! » dans les années 1970 et notamment lorsde la manifestation contre la construction du surgénérateur Superphénix en 1977. A cetitre, le terme « nucléocrates » employé par le candidat altermondialiste pour désignerles instigateurs de la décision gouvernementale est significatif. Par ce terme générique,José Bové procède en quelque sorte à une nouvelle catégorisation des acteurs politiquesopposant les « nucléocrates » à la gauche écologiste, antinucléaire et citoyenne. A celas’ajoute le terme de « diktat », employé par José Bové et repris par Libération, qui estfortement dépréciatif et connoté. En politique internationale, le mot “diktat” désigne eneffet une disposition imposée, qui est généralement perçue comme une offense pourles personnes qui la subissent. Difficile également d’oublier l’utilisation de ce terme par

116 « Autrement dit, alors que le baril de pétrole semble devoir s’inscrire durablement à des niveaux très élevés, la relancedu programme nucléaire fait figure de nécessité ».117 BREGMAN D. et MISSIKA J.-L. « La campagne : la sélection des controverses politiques », chapitre 5, p.104-105, in DUPOIRIERE., GRUNBERG G. et alii. La drôle de défaire de la gauche, Paris, PUF, 1986

Page 58: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

58 MORI Hélène_2007

les Allemands pour qualifier le traité de Versailles en 1919 dans la mesure où celui-ci était considéré comme humiliant et injuste. De même, Libération replace la décisiongouvernementale dans un contexte houleux en rappelant les deux décrets déjà publiéspour permettre « les cultures OGM en plein champ ». Cette remarque préliminaire montredonc que le gouvernement n’en est pas à son premier coup d’essai en matière de décisionprécipitée.

L’article de Libération est en effet l’occasion de procéder à un ultime positionnementdes candidats par rapport au gouvernement sortant et sur un thème spécifique « à onzejours du premier tour de l’élection présidentielle ». D’où le placement de l’article dans larubrique « Politiques » révélant ainsi les impairs commis par le gouvernement sortant etles postures des candidats. D’ailleurs, il est intéressant de noter que seuls les candidatss’opposant, de manière plus ou moins marquée, à l’EPR ont droit de citer dans l’article. Seulle PS présente un positionnement plus incertain qui est rappelé par une incise – « Au PS,très partagé sur la question, (…) » - et le pronom impersonnel « on » pour introduire lespropos. En filigrane transparaissent également d’ultimes tractations politiques propres à unecampagne présidentielle. Par sa prise de position à l’égard de la décision gouvernementaleet « d’une conception de la politique qui fait fi du débat transparent et ouvert en matièreénergétique », le PS adresse en passant un message à ses électeurs potentiels. Le partid’opposition rappelle ainsi que la publication du décret sur l’EPR est une « caractéristique dela méthode de la droite sur tous les sujets depuis cinq ans ». Ce type de généralisation n’estdonc pas anodin dans un contexte électoral, d’autant plus que le PS montre son oppositionrésolue à une telle conduite118. Les propos de François Bayrou et surtout du PS constituenten quelque sorte une réponse à l’interpellation de Dominique Voynet concernant son soutienà un parti prêt à annuler le décret sur l’EPR. A cela s’ajoute l’appel fédérateur lancé parJosé Bové aux candidats pour « demander un moratoire sur l’EPR et la construction denouvelles centrales ».

Il est donc intéressant de remarquer que les opposants à la publication du décretsur l’EPR, qui sont cités, ne sont pas seulement les acteurs associatifs et politiqueshabituellement sollicités en ce genre de circonstances. Pour autant, même si lepositionnement anti-EPR de certains candidats est mentionné dans l’article de Libération,l’action ultérieure est du ressort des acteurs associatifs119, ce qui est une manière de sedéfier de l’action politique.

Dans l’article du Monde, la controverse suscitée par le décret d’autorisation estégalement mise en exergue. A l’instar de Libération, le quotidien place l’article dans larubrique « Politique » et évoque également le positionnement de candidats en opposition àla décision du gouvernement sortant. De même, seuls les candidats s’opposant à l’EPR ontdroit de citer dans l’article du Monde. De plus, il s’agit des mêmes interlocuteurs politiquesque ceux sollicités par Libération.

Cela étant, Le Monde insiste davantage sur les modalités de la décisiongouvernementale qui constituent en effet l’un des éléments déclencheurs de la controverse.Ainsi, l’adjectif « discret », compris dans le titre, pour qualifier le « feu vert » donné par legouvernement sortant à EDF laisse sous entendre une sorte de connivence tacite entre cesdeux protagonistes. En outre, Le Monde peut également signifier qu’il s’agit d’une stratégiede dissimulation ratée puisque les opposants au décret sur l’EPR se sont promptement

118 « Le PS “s’engage à ouvrir un débat transparent et approfondi sur l’avenir de l’EPR au lendemain de l’électionprésidentielle” »

119 « L’ONG envisage un recours en annulation devant le Conseil d’Etat ».

Page 59: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Partie 2 : La médiatisation croissante de faits liés à l’écologie et au développement durable : descatégories fluctuantes dans le contexte précis de la campagne présidentielle 2006-2007

MORI Hélène_2007 59

emparés du thème de controverse et ont rapidement été relayés par la presse. Ainsi, lecontexte électoral – et donc la fin d’une mandature - peut également être propice pour ungouvernement prenant des décisions sur des thématiques sensibles en profitant en quelquesorte de la focalisation des regards et des discours sur d’autres acteurs politiques.

Par ailleurs, Le Monde oppose deux perceptions du débat public mais également dela démocratie à travers les discours cités. Le ministère de l’économie tend de justifier,voire légitimer, la prise de décision gouvernementale en se fondant sur les modalités deconsultations publiques mises en place. A cet égard, la phrase suivant les propos duministère dénote du peu de cas qui est fait du débat public concernant l’EPR. Ainsi LeMonde constate ou plutôt précise que « Les travaux de terrassement sont déjà largemententamés à Flamanville ». Cette phrase révèle en quelque sorte pourquoi Le Monde rapporteles contestations d’acteurs politiques et associatifs signalant que le gouvernement sortantn’a pas appliqué certains principes démocratiques dans son fonctionnement. En réalité,les propos virulents des opposants, rapportés par Le Monde, dessine également uneconception participative de la démocratie où les citoyens sont clairement associés, enamont, aux décisions prises par leurs représentants.

Dans Le Figaro, les caractéristiques d’un thème de controverse persistant sontrapidement évoquées au détour d’une phrase120. Cela étant, le quotidien laisse sousentendre que les réactions ulcérées des opposants tiennent surtout au contexte électoralen rappelant que « le calendrier arrêté par cet événement, moins de quinze jours avant lepremier tour de l’élection présidentielle, devait forcément provoquer des vagues ». De cefait, Le Figaro a tendance à minimiser la solidité et la stabilité des oppositions aux différentsprojets sur l’EPR en France.

Par la suite, le thème de controverse est rapidement contourné au profit du traitementde l’EPR sous un angle exclusivement technico-économique. D’ailleurs, le placement del’article dans la rubrique « Sociétés françaises » montre qu’il ne s’agit pas réellementd’un enjeu politique ou du moins d’un enjeu qui n’est pas vraiment du ressort des acteurspolitiques pour Le Figaro. Le quotidien estime ainsi que les propositions et décisionspolitiques sont rapidement dépassées voire surpassées par les capacités d’EDF. A ce titre,Le Figaro met en contradiction les propos des acteurs politiques, ici le PS qui souhaite« définir les orientations de la politique énergétique du pays », et la vitesse de décisiondu groupe EDF – « Chez EDF, il y a belle lurette que les orientations énergétiques sontdéfinies ». Autrement dit, la décision politique ne peut venir qu’en aval des orientations déjàprises par EDF, à l’instar du décret sur l’EPR, dans la mesure où le processus est déjàenclenché. Par ailleurs, si les acteurs politiques ont encore un pouvoir de décision, celui-ciest exprimé au conditionnel à la fin de l’article - « EDF s’est engagé dans une course contrela montre que seuls les politiques pourraient encore arrêter » -, ce qui est révélateur desdifférences de temporalité propre à chaque acteur sur le nucléaire.

Finalement, la quasi absence de vulgarisation face à un sujet très technique, trèspointu et surtout très polémique a de quoi interpeller. A cet égard, les détails fournis par lequotidien Le Figaro prennent une tournure trop laudative à l’égard de l’EPR pour permettreau lecteur de prendre suffisamment de recul sur les enjeux d’un projet aussi pharaonique.Concernant Libération, l’article propose un positionnement d’acteurs triés sur le voletsans réellement expliquer leurs propos. Seul, Le Monde fournit quelques complémentsd’information concernant le rôle d’un réacteur nucléaire de type EPR et la part d’énergienucléaire dans la production d’électricité à la fin de son article.

120 « Autant dire que la polémique bat son plein, à la mesure d’un dossier, le nucléaire, qui n’a jamais cessé d’être sensible. »

Page 60: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

60 MORI Hélène_2007

Au vu des stratégies discursives propres à chaque quotidien, aucun ne proposede contenu exact ou détaillé, face à la teneur des enjeux, mais plutôt des contenuséminemment subjectifs. Il semble que les quotidiens renouent avec des lignes éditorialestrès prononcées et très tranchées, révélatrices des clivages propres à un thème decontroverse. Ainsi le rôle de passeur de paroles militant est pleinement assumé parLibération et colle à sa ligne éditoriale anti-nucléaire de longue date. Ce qui peut paraîtreplus surprenant est le fait que Le Monde rejoigne la posture offensive de Libération en optantla plupart du temps pour les propos des opposants à la construction de l’EPR. Le Figaro,fournit, quant à lui un contenu digne d’un "lobbyiste".

Le traitement médiatique réservé à cet événement interpelle aussi par la quasi-absencede catégorisation politique des enjeux liés au nucléaire. Dans Libération et Le Monde, mêmesi les articles sont situés dans la rubrique « Politique », l’enjeu est surtout resserré autourde la campagne présidentielle, avant de revenir entre les mains des acteurs associatifs.Le Figaro tend à montrer combien les acteurs politiques sont rattrapés par la vitesse dedécision d’EDF et des acteurs économiques. Face à un enjeu tel que le nucléaire et doncà un thème de controverse, nous ne sommes ainsi plus seulement dans le registre de lacrédibilité écologique mais dans la prise de position politique. Il ne s’agit pas en effet dumême temps politique entre le temps des propositions et temps de la décision, si décision ily a. La prise en charge d’un problème public tel que le nucléaire tend donc à être fluctuante àla mesure de son manque de catégorisation et de prise en main politique. Cette suppositiontend à être confirmer par ce que Yannick Barthe désignait comme « le pouvoir d’indécision »dans un ouvrage portant sur le traitement politique du problème des déchets nucléaires121.

121 BARTHE Yannick, Le pouvoir d’indécision : La mise en politique des déchets nucléaires, Paris, Economica, 2006

Page 61: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Conclusion

MORI Hélène_2007 61

Conclusion

Tout au long de notre réflexion, nous avons donc cheminé au gré des traitements politiqueset médiatiques réservés à l’écologie et au développement durable.

Pour ce faire, nous avons tout d’abord revisité les traitements politiques et médiatiqueshabituellement réservés à ces thématiques. Cette première grille d’analyse nous aainsi permis de pointer les contraintes inhérentes aux notions mêmes d’écologie et dedéveloppement durable qui ne sont pas aisément saisissables par l’ensemble des acteurs.La moindre visibilité des événements en lien avec l’écologie et le développement durable,dans les discours de la presse écrite française, s’explique entre autres par la difficulté de lesrendre palpables. D’où la tendance des quotidiens nationaux généralistes à tomber dansun traitement événementiel des thématiques relatives à l’écologie et au développementdurable.

Plusieurs paramètres dénotent également d’une gestion paradoxale des thématiquesen lien avec l’écologie et le développement durable à différents niveaux. Ainsi, les sondages,souvent avancés par la presse écrite, indiquent que la population française interrogéeest sensible aux questions environnementales. Pour autant, peu d’indicateurs existentpour montrer, par exemple, ce que les personnes interrogées sont prêtes à faire pourêtre davantage en phase avec les objectifs du développement durable. D’où une certainedistorsion entre les représentations sociales des enjeux et des impératifs envisagés. Un

article de La Revue Durable 122 pointait ainsi les connaissances très lacunaires et une

moindre préoccupation des Français en matière de protection de l’environnement : « Pourqu’une personne au courant d’un problème ait envie d’agir, elle doit se sentir concernée.Or, d’une manière générale, l’être humain ne se sent pas concerné par les problèmes quine le menacent pas directement. Selon l’institut de sondage Sofres, le chômage, le pouvoird’achat, la santé et les retraites sont les principaux sujets d’inquiétude des Français. »

Ce qui nous semble également significatif concerne les modalités des prises dedécision politiques, marquées par le temps du mandat politique, à l’égard d’enjeux sommetoutes vitaux et déterminants pour les générations futures. A ce titre, Philippe Breton résumebien l’imbrication entre les enjeux liés à l’écologie et au développement durable et lesenjeux relatifs au mode de fonctionnement politique : « Le pouvoir concentré entre les mainsd’une classe politique professionnelle est inadaptée pour aborder les crises à venir. Lesenjeux environnementaux impliquent qu’on mette en place des processus novateurs deprises de décision, de formation de l’opinion. Si la classe politique ne peut pas accepter laquestion écologique, c’est précisément parce que ça la remet en cause dans son mode defonctionnement. Il va vraiment falloir plus de démocratie si l’on veut s’en sortir 123».

A cela s’ajoute des remarques complémentaires quant aux différents niveauxd’interdépendance entre les discours de la presse écrite française. Au-delà de leursdivergences éditoriales et discursives, les quotidiens nationaux retenus ont souvent fait

122 La Revue Durable, « De la psychologie du comportement écologique », n°23, p.16-18123 BRETON P., L’Incompétence démocratique : La Crise de la parole aux sources du malaise (dans la) politique, éd. La

Découverte, 2006 : cité par Vincent REMY, « Le baromètre de l’opinion peut-il mener la politique ? » in Télérama, n°2967, 22 novembre2006

Page 62: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

62 MORI Hélène_2007

preuve d’une interdépendance plus ou moins marquée, ne serait-ce qu’en choisissant derelater un même événement pour ne pas se faire distancer dans la campagne présidentielle.D’où la couverture d’événements qu’il est légitime de relater parce que d’autres quotidiensen traitent, et ceci au détriment d’articles plus pédagogiques minorés en période électorale.

Concernant la couverture rédactionnelle des thématiques en lien avec l’écologie et ledéveloppement durable, quelques constantes ont prévalu durant et à l’issue de la campagneprésidentielle 2007. Les quotidiens nationaux généralistes sélectionnés - à savoir Libération,Le Monde, Le Figaro et en complément l’Humanité - se sont parfois inscrits dans lalignée d’un traitement axé sur la dramatisation, la mise en scène, l’émotion ou encore laconfrontation entre les acteurs. A ce titre, la plupart des discours de la presse écrite ontainsi joué la carte de l’émotion pour relayer le retrait de Nicolas Hulot avant de s’attardersur les conséquences de ce départ.

Autre constante : la disparition des Verts et des partis écologistes qui a étéannoncée à plusieurs reprises par les quotidiens nationaux généralistes sélectionnés. Cepositionnement rappelle ainsi un constat émis par Guillaume Sainteny selon lequel « lapresse se fait très vite le faux prophète d’un faux déclin de l’écologisme 124 ». En août1978, Libération annonçait ainsi « l’enterrement des écologistes »125 tandis que Le NouvelObservateur rangeait l’écologie « au grenier avec les disques de Bob Dylan et les nippesindiennes »126 dans les années 1980. En 2007, la plupart des discours de la presse écritefrançaise se faisaient de nouveau l’écho d’une disparition des Verts face à l’emprise d’unacteur non politique aussi fédérateur que Nicolas Hulot.

Au cours de notre réflexion, nous avons également convoqué quelques idées reçuesconcernant les lignes éditoriales et les tendances discursives propres à chaque quotidiennational pour mieux les nuancer et les recontextualiser. Au vu des pics événementielsretenus pour analyser les discours de la presse écrite, lors de la campagne présidentielle2006-2007, nous avons en effet constaté combien les lignes éditoriales se sont avéréesfluctuantes. A ce titre, le traitement sans concession que Libération a réservé à la notationeffectuée par le réseau d’ONG a de quoi surprendre étant donné sa propension initialeà relater des initiatives innovantes menées par des acteurs associatifs. Par ailleurs, lessimilitudes discursives entre les quotidiens nous paraissaient quelque peu conditionnéespar les faits relatés. Ainsi Le Figaro et Le Monde ont accordé un traitement respectivementflatteur et bienveillant à l’un des derniers actes représentatifs de Jacques Chirac avant dese particulariser pour relater les réactions à la publication du décret sur l’EPR quelquesmois plus tard.

A l’instar des lignes éditoriales parfois fluctuantes, les rubriques retenues par lesquotidiens nationaux pour catégoriser les événements se sont révélées relativementaléatoires. Les pics événementiels retenus ont ainsi été majoritairement traités dans lesrubriques « Politiques ». A première vue, le choix de relater les événements relatifs àl’écologie et au développement durable dans des rubriques politiques ou d’autres rubriquesspécifiques (« Présidentielle 2007 », etc.) a apporté une visibilité nouvelle à ces enjeux. Deplus, ce choix de rubrique atteste de la portée de l’écologie et du développement durabledans la campagne en tant qu’enjeu électoral au même titre que d’autres questions de sociétéou problèmes publics. Le déplacement des thématiques en lien avec l’écologie dans lesrubriques « Politique » des différents journaux étudiés était temporaire, dans la mesure où

124 SAINTENY G., « Les médias français face à l’écologisme », Réseaux, n°65, 1996, p.95125 Ibid126 Ibid

Page 63: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Conclusion

MORI Hélène_2007 63

il s’agissait d’un sujet de campagne, à savoir d’un sujet à durée déterminée étudié dansune perspective électorale.

Cela étant, les rubriques, où les termes du sujet ont été abordés, dénotent aussid’une restriction forte en termes de cadrage dans la mesure où ces enjeux pouvaientêtre rapidement déclassés au profit d’autres thématiques traitées par les candidats àl’élection présidentielle 2007. Ce choix de rubriques, explicitement lié au contexte électoral,nous amène donc à relativiser les modèles d’agenda-setting selon lesquels les journauxdéterminent les sujets débattus dans l’espace public. Au vu des rubriques spécifiquementcréées à l’occasion de la campagne présidentielle, les quotidiens nationaux ont étélargement tributaires des agendas politiques respectifs des candidats et de l’interpellationmédiatique d’un acteur transpolitique tel que Nicolas Hulot. La moindre fixité des rubriquesnous incite ainsi à envisager l’écologie et le développement durable comme des enjeuxélectoraux passagers. Reste à savoir si les quotidiens nationaux généralistes maintiendrontles faits en lien avec l’écologie et le développement durable dans les rubriques « Politiques »ou reviendront aux rubriques habituellement dévolues à ces thématiques. Pour le moment,nous pouvons constater que les différents journaux étudiés ne procèdent pas vraiment àla construction d’une thématique structurante d’un point de vue social ou économique. Cesdifférents aspects questionnent sur la visibilité et la lisibilité des enjeux en lien avec l’écologieet le développement durable, à long terme.

A l’issue de l’élection présidentielle, le Président de la République Nicolas Sarkozy et leMinistère de l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement Durables ont rapidementannoncé la tenue d’un « Grenelle de l’Environnement » en octobre 2007. Eût égard aux picsévénementiels que nous avons retenu, les préparatifs du Grenelle reflètent relativementbien la place dévolue à de nouveaux acteurs et à des thématiques dûment abordéeslors de la campagne présidentielle 2007. A ce titre, l’organisation en vue du « Grenellede l’Environnement » s’est notamment caractérisée par la présence de Nicolas Hulot,l’un des acteurs phares de la campagne. A cela s’ajoute la présence de représentantsd’ONG environnementales127 principalement issus du réseau L’Alliance pour la planète. Ilest d’ailleurs intéressant de noter que les acteurs associatifs retenus correspondent peu ouprou aux acteurs déjà estimés comme les plus représentatifs dans les discours de la presseécrite française étudiés lors du traitement consécutif à la notation effectuée par l’Alliancepour la Planète. Des acteurs - tels que le Réseau Sortir du nucléaire - et des dossiers jugésgênants ou sensibles ont été promptement évincés des préparatifs. La tenue du « Grenellede l’environnement » ouvre donc de nouvelles perspectives pour attester de la persistancedes enjeux en lien avec l’écologie et le développement durable.

A un mois du « Grenelle de l’Environnement », il est certes difficile de se prononcer surla persistance des enjeux en lien avec le développement durable. Pour autant, les acteurs dece rassemblement seront probablement confrontés à certains écueils inhérents à la gestioncollective d’enjeux complexes. A ce titre, Pierre Lascoumes récapitulait sans ambagesles difficultés inhérentes à l’action collective : « Bien des conflits reposent plus sur desappréhensions radicalement différentes des situations en jeu que sur le choix de solutions.(...) Sans le partage d’un minimum de référents entre intervenants, l’action collective ne peutse structurer, elle en reste aux effets d’annonce ou se défait au moindre obstacle » 128.

127 WWF, Greenpeace, Les Amis de la Terre, Fondation Nicolas Hulot, la LPO, Réseau action climat, la Ligue Roc, FNE,Ecologie sans frontière

128 LASCOUMES P., Opus cité, p.56

Page 64: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

64 MORI Hélène_2007

De même, les discours de la presse écrite française auront un rôle importantselon le traitement qui sera accordé aux préparatifs et aux résultats du « Grenelle del’Environnement ». A ce titre, plusieurs questions sont encore en suspens : ainsi, est-ce queles discours prendront des contours pédagogiques donnant ainsi un rôle citoyen à la presseécrite pour informer ses lecteurs et effectuer une analyse du traitement politique réservéaux sujets abordés avant et durant le Grenelle de l’Environnement ? Ou bien la pressese cantonnera-t-elle davantage au rôle de relais politique et institutionnel en s’en tenantaux aspects événementiels et à la cristallisation immédiate du débat public sans réellementprendre en compte les véritables enjeux d’aujourd’hui et de demain ?

Nous pouvons donc simplement espérer que ce rassemblement inédit d’acteursconfirmera la maturation politique et médiatique à l’égard des enjeux en lien avec l’écologieet le développement durable et ne constituera pas un ultime rendez-vous manqué étantdonné l’urgence écologique.

Page 65: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Bibliographie

MORI Hélène_2007 65

Bibliographie

OuvragesBEAUD Stéphane, CONFAVREUX Joseph et LINDGAARD Jade (sous la direction de),

La France invisible, Paris, Fayard, 2003.CHARAUDEAU Patrick, Le discours politique. Les masques du pouvoir, Paris, Librairie

Vuibert, 2005.DE CHEVEIGNE Suzanne, L’environnement dans les journaux télévisés. Médiateurs et

visions du monde, Paris, CNRS Editions, 2000. DELANNOY Isabelle, Environnement. Les candidats au banc d’essai, Paris, La

Martinière, mars 2007.GARCIN-MARROU Isabelle, Terrorisme, médias et démocratie, Lyon, Presses

Universitaires de Lyon, 2001.GERSTLE Jacques (sous la direction de), Les effets d’information en politique, Paris,

L’Harmattan, 2001.LESCOUMES Pierre, L’éco-pouvoir : environnements et politiques, Paris, La

Découverte, 1994.MOIRAND Sophie, Les discours de la presse quotidienne : observer, analyser,

comprendre, Paris, PUF, 2007MOUILLAUD Maurice et TÉTU Jean-François, Le Journal quotidien, Lyon, Presses

Universitaires de Lyon, 1989.SMOUTS Marie-Claude (sous la direction de), Le développement durable. Les termes

du débat, Paris, Armand Colin, collection « Compact civis », 2005.

Articles de revuesGIROT Alain, « La faute à Voynet », Mots. Les Langages du politique, 75, « Émotion

dans les médias », Lyon, ENS Éditions, juillet 2004, p. 111-120KELLER Fabienne, « Les enjeux budgétaires liés au droit communautaire de

l’environnement », rapport d’information n°342 (2005-2006), fait au nom de laCommission des finances, déposé le 10 mai 2006

KELLER Fabienne, « Changer de méthode ou payer : un an après, la France face audroit communautaire de l’environnement », rapport d’information n°332 (2006-2007),fait au nom de la Commission des finances, déposé le 13 juin 2007

Page 66: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

66 MORI Hélène_2007

NEVEU, Erik, « L’approche constructiviste des "problèmes publics". Un aperçu destravaux anglo-saxons », Études de Communication, 22, « La médiatisation desproblèmes publics », Lille, Université Charles-de-Gaulle – Lille 3, décembre 1999, p.41-57.

PASCAL-MOUSSELLARD Olivier, « Au-delà des mots que veulent-ils dire ? »,Télérama, n°2979, 14 février 2007

SAINTENY Guillaume, « Les Médias français face à l’écologisme », Réseaux, n°65,1994, p. 87-103

TEISSIER Dominique, « Le cyclon Mitch et le catastrophisme du Monde », Mots. LesLangages du politique, 75, « Émotion dans les médias », Lyon, ENS Éditions, juillet2004, p.101-110

VINCENT Arnold, « L’écologie au cœur de la campagne électorale, le point sur lespromesses », Idéo mag, n°3, avril 2007, p. 44-49

Articles de presse

La Revue Durable, « Le pacte écologique de Nicolas Hulot révèle les failles des Vertsfrançais », n°24, avril-mai 2007, p.58-61

La Revue Durable, « Le défi de Nicolas Hulot », n°23, décembre 2006-janvier/février2007, p.55

La Revue Durable, « « Sur les solutions à apporter à la crise écologique, les médiaspréfèrent le passé et l’avenir au présent », n°23, décembre 2006-janvier/février 2007,p.24-25

Sites internet

# www.pacte-ecologique-2007.org

# www.lalliance2007.org

# www.fne.asso.fr/elctions2007

Emissions télévisées et radiodiffusées

Arrêt sur images, « La planète meurt, au secours les médias ! », France 5, dimanche19/11/06

Page 67: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Bibliographie

MORI Hélène_2007 67

A vous de juger, Hulot face à Sarkozy et Royal, F2, 8/03/07 et 15/03/07

Enjeux de campagne : « L’environnement », présenté par Perrine Tarneaud, LCP-Public Sénat, jeudi 4/01/07

Feu vert ! « Les Français et l’environnement : Histoire des débats sur l’énergienucléaire », présenté par Caroline Broué, France Culture, lundi 6/08/07

Feu vert ! « Les français et l’environnement : L’écologie politique », présenté parCaroline Broué, France Culture, vendredi 10/08/07

France-Europe Express : « L’environnement au cœur de la campagne ? », présentépar Christine Ockrent, Jean-Marie Blier et Serge July, France 3, dimanche 26/11/06

L’opinion en question : « Les français et l’environnement », émission présentéepar Richard Miniel, avec le concours de l’IFOP, Acteurs publics, Métro, LCP-PublicSénat, lundi 20/11/06

Mots croisés : « Présidentielle : à quoi servent les écolos ? (sans Nicolas Hulot) »,émission présentée par Yves Calvi, France 2, lundi 22/01/07

Page 68: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

68 MORI Hélène_2007

Annexes

ANNEXE 1Chronologie indicative

11/10/06 : Sortie du film documentaire Une vérité qui dérange, réalisé par DavidGuggenheim, relayant le combat engagé par l’ancien Vice-président des Etats-Unis Al Gorepour sensibiliser aux conséquences du réchauffement climatique

30/10/06 : Publication du rapport sur le réchauffement climatique rédigé par sirNicholas Stern pour le gouvernement britannique. Dans ce rapport, l’ancien économistede la Banque mondiale appelle à prendre des mesures immédiates pour prévenir lesdommages du réchauffement climatique qui pourraient coûter jusqu’à 7 trillions de dollarsen l’absence de mesures réglementaires d’ici 2010.

06/11/06-17/11/06 : 12 e conférence des Nations unies sur le changementclimatique à Nairobi pour envisager les modalités de prolongation du Protocole de Kyotoaprès 2012. Dans le cadre du Protocole de Kyoto, 35 pays industrialisés et la Communautéeuropéenne se sont engagés à réduire, d’ici à 2012, les émissions de dioxyde de carboneet d’autres gaz à effet de serre de 5% par rapport aux niveaux de 1990

7/11/06 : Parution de l’ouvrage Pour un pacte écologique de Nicolas Hulot aux éditionsCalmann-Lévy. Les 5 propostions du Pacte écologique visaient à :

- Mettre l’environnement au cœur de l’Etat avec la création d’un vice Premier Ministrechargé du développement durable

- Instaurer une taxe carbone- Offrir un marché de l’agriculture de qualité- Soumettre les orientations du développement durable au débat public- Promouvoir une politique d’éducation à l’écologie et au développement durableParmi les dix objectifs du Pacte écologique figuraient également l’économie, l’énergie,

l’agriculture, le territoire, le transpot, la fiscalité, la biodiversité, la santé, la recherche, lapolitique internationale.

13/11/06 : Le Premier ministre Dominique de Villepin annonce des mesures en faveurde l’environnement129 à l’issue d’un Comité interministériel pour le développement durable.Ces mesures visent à actualiser la Stratégie nationale de développement durable (SNDD)et le Plan climat 2006.

129 Parmi ces mesures figurent la création d’une taxe sur le charbon, une augmentation de la fiscalité sur la pollution industrielle,des crédits d’impôts pour développer l’efficacité énergétique des bâtiments

Page 69: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Annexes

MORI Hélène_2007 69

12/12/06 : Publication de la première phase de notation des partis politiques parla coalition d’ONG l’Alliance pour la Planète . Le réseau d’ONG a analysé l’actiondes parlementaires et des gouvernements durant la période 1997-2006 sur les questionsenvironnementales au regard de 24 critères répartis en 4 priorités « Climat : urgence »,« Stopper les destructions », « Produite sans nuire », « Solidaire, responsable et citoyen ».

22/01/07 : Nicolas Hulot renonce à se présenter à l’élection présidentielle.31/01/07 : Dix candidats aux élections présidentielles signent officiellement le Pacte

écologique de Nicolas Hulot et officialisent leurs engagements devant un parterre d’ONG,de journalistes et de personnalités réunis au Musée des Arts premiers.

1/02/07 : Opération « 5 minutes de répit pour la planète » organisée par le réseaud’ONG l’Alliance pour la Planète visant à faire éteindre veille et lumière pendant 5 minutesavant la publication du rapport du GIEC sur le réchauffement climatique.

2/02/07 : Publication du 4 e rapport sur les changements climatiques par lesexperts scientifiques du GIEC . Le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolutiondu climat a été créé en 1998 par le Programme des Nations Unies pour l’environnement etl’Organisation météorologique mondiale.

2/02/07 : Publication du classement des pays en fonction de leurs politiques dedéveloppement durable effectué par l’agence de notation munichoise Oekom research

2-3/02/07 : Organisation de la « Conférence pour une gouvernance écologiquemondiale » à Paris. Jacques Chirac prononce un discours intitulé « L’Appel de Paris »

26/02/07 : Publication de l’évaluation de dix candidats à l’élection présidentiellepar l’Alliance pour la planète en fonction de leurs programmes et leur degréd’engagement sur les questions environnementales et sociétales.

12/02/07 : Lancement de la campagne « Etat d’urgence planétaire : votonspour une France solidaire » par un collectif de 23 ONG à l’initiative du CRID (Centrede recherche et d’informations pour le développement). Menée en coopération avecCoordination Sud et l’Alliance pour la Planète, cette opération vise à placer la solidaritéinternationale au cœur de la campagne présidentielle de 2007.

16/03/07 : Greenpeace déverse 8 tonnes de maïs OGM devant le QG de campagne deNicolas Sarkozy, seul candidat à ne pas s’être prononcé sur les OGM

17/03/07 : Manifestations contre l’EPR dans 5 villes de France20/03/07 : Publication de la liste officielle des candidats1/04/07 : Organisation du meeting « Votons pour la planète » par Nicolas Hulot

au Zénith suivi par une manifestation au Trocadéro avec le réseau d’ONG l’Alliance pour laPlanète afin de maintenir la pression sur les candidats à l’élection présidentielle de 2007.

1/04/07 au 7/04/07 : 4e édition de la Semaine du développement durable9/04/07 : Ouverture de la campagne officielle pour l’élection présidentielle11/04/07 : Publication par le Journal Officiel du décret d’autorisation permettant

à EDF de construire le réacteur EPR de 3e génération à Flamanville dans La Manche20/04/07 : Fin de la campagne officielle à minuit21-22/04/07 : Premier tour

Page 70: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

70 MORI Hélène_2007

2/05/07 : Débat de l’entre deux tours5-6/05/07 : Second tour et élection de Nicolas Sarkozy17/05/07 : Fin du second mandat de Jacques Chirac18/05/07 : Annonce de la composition du gouvernement Fillon comprenant un

Ministère de l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement durables (Medad)octroyé à Alain Juppé. Ce Ministère d’Etat comporte un secrétaire d’Etat aux Transports etaux Déplacements et plusieurs pôles : « habitat », « aménagement urbain et aménagementdu territoire » ; « politiques énergétiques » ; « pôle écologique et ressources naturelles »

21/05/07 : Réunions préparatoires du « Grenelle de l’environnemen t »,prévu en octobre 2007, au Palais de l’Elysée. Alain Juppé et Nicolas Sarkozy ontrencontré les représentants de neuf organisations et fédérations écologistes130. Constitutionde six groupes de travail pour préparer le Grenelle de l’environnement respectivementnommés « climat », « biodiversité et ressources naturelles », « santé et environnement »,« aménagement rural », « compétitivité durable de l’économie et des territoires »,« gouvernance écologique »

5/06/07 : Journée mondiale de l’environnement. Le thème retenu pour 2007 était « Lafonte des glaces : une question brûlante ? »

10/06/07 : Premier tour des élections législatives13/06/07 : Publication du rapport de Fabienne Keller, sénatrice du Bas-Rhin, sur le

non-respect des directives européennes par la France en matière d’environnement et lessanctions financières qui en découlent

17/06/07 : Second tour des élections législatives19/06/07 : Remaniement ministériel à l’issue des élections législatives.Jean-Louis Borloo est nommé ministre d’Etat, ministre de l’Ecologie, du Développement

et de l’Aménagement durablesNathalie Kosciusko-Morizet est nommée secrétaire d’Etat à l’EcologieDominique Bussereau est nommé secrétaire d’Etat aux Transports6/07/07 : Présentation des grandes orientations du Grenelle de l’Environnement par

Jean-Louis Borloo.7/07/07 : « Live Earth » initiative impulsée par Al Gore. Des concerts ont eu lieu pendant

24h pour lutter contre le réchauffement climatique.16/07/07-25/09/07 : Réunions des groupes de travail constitués dans le cadre du

Grenelle de l’Environnement

ANNEXE 2Associations membres de l'Alliance pour la planète

130 WWF, Greenpeace, Les Amis de la Terre, Fondation Nicolas Hulot, la LPO, Réseau action climat, la Ligue Roc, FNE,Ecologie sans frontière

Page 71: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Annexes

MORI Hélène_2007 71

Mains d'Œuvres Max Havelaar MDRGF (Mouvementpour les Droits et leRespect desGénérationsFutures)

Mountain Riders

Negawatt Noé Conservation Nord Ecologie Conseil(N.E.C)

Objectif 21

Objectif Bio Paroles de Nature Peuples du Vent Planète Eolienne

Planète Urgence Plate-forme CommerceEquitable

PROLOGUE R.A.P – Résistance àl'Agression Publicitaire

RAC - Réseau ActionClimat

Réseau Cheminements RESPECT Science Frontières

SERE (SociétéEuropéenne desRéalisateursd'Environnement)

SEVE en MORVAN Sibylline Simples

Souffleurs d'Ecume Tchendukua Terre et Humanisme Terre sacrée

The EarthOrganization

Université Rimay-Nalanda

WWF

ANNEXE 3Membres du comité de pilotage de la campagne

« Etat d’urgence planétaire : votons pour une France solidaire »

CCFD Crid Fédération Artisans dumonde

Greenpeace

Page 72: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

72 MORI Hélène_2007

Ipam Les Amis de la terre Ligue des droits del’Homme

Oxfam France - Agirici

Secours catholique Survie

Autres membres du collectif 2007 : Urgence planétaire !

4D Accueil paysan Attac Cimade

Defap Fasti FFMJC MRAP

Peuples solidaires Plate-forme pour lecommerce équitable

RAC France Réseau Sortir dunucléaire

Ritimo

ANNEXE 4

Page 73: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Annexes

MORI Hélène_2007 73

Isabelle Delannoy, Environnement. Les candidats au banc d’essai, Paris, La Martinière,2007, p.193

ANNEXE 5Critères de notation de l’Alliance pour la planète

Page 75: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Annexes

MORI Hélène_2007 75

Ségolène Royal hier, Nicolas Sarkozy demain. Pour Nicolas Hulot, l'agitateurécologiste, c'est une consécration. On se bouscule pour paraître à ses côtés, pour signerdes deux mains le «pacte écologique» qu'il a décidé de soumettre à tous les prétendantsà la présidence de la République.

Faute de réponses crédibles à ses propositions, sur la fiscalité écologique etl'agriculture notamment, le présentateur d'Ushuaia menace de se porter lui-même candidat.Venant de la personnalité préférée des Français il vient de faire une entrée fracassantedans le baromètre Ifop- Paris Match avec 87 % de bonnes opinions -, la menace estprise très au sérieux. «Des centaines de maires de petites communes nous adressent despromesses de parrainages», témoignait hier Gérard Feldzer, président de l'associationde soutien à sa candidature.

«Discrétion». Le présentateur de télévision s'est dit hier «assez surpris» parl'important comité d'accueil médiatique qui l'attendait à l'Assemblée nationale pour sarencontre avec Ségolène Royal. «C'est une séance de travail qui avait vocation à sefaire dans la discrétion», a-t-il lâché. L'animateur et la candidate ont examiné, «unepar une», les cinq propositions figurant dans le pacte. Royal n'a pas manqué de saluer«une personnalité exceptionnelle qui, par son engagement, sa connaissance des sujets, sapopularité , a permis aux thèmes de l'environnement et de l'écologie de venir aupremier plan des préoccupations politiques». D'où une certitude : «Le pacte de NicolasHulot, je le signerai.»

Mais elle prétend «aller au-delà». Car, sur l'écologie, la présidente de Poitou-Charentes et ancienne ministre de l'Environnement «revendique la crédibilité». Elleveut «construire une communauté européenne de l'énergie et des énergiesrenouvelables», promouvoir une «fiscalité incitative pour que la France se retrouve aupremier rang des technologies liées à l'environnement», imposer un «plan national degrands travaux sur l'isolation des bâtiments anciens». Et exiger l'intégration des «normesenvironnementales» aux permis de construire. Sur la menace de candidature de Hulot,Royal se contente d'affirmer : «Je ne lui ai pas posé la question du soutien, je suis dansune relation de respect.»

Demain, Nicolas Sarkozy s'efforcera sans doute de n'être pas moins écologiquementcorrecte que sa rivale socialiste. Le «pacte écologique» ? : «Ce texte ne pose aucunproblème à Nicolas Sarkozy et rien ne s'oppose à ce qu'il le signe», assure la députéeNathalie Kosciusko-Morizet, tête pensante de l'UMP sur les questions d'environnement.Cependant, sur la fiscalité environnementale préconisée par Hulot, le candidat de l'UMP,qui ne souhaite pas de taxes supplémentaires, préconise un transfert d'une partie de lafiscalité sur le travail au profit de l'environnement. Il veut également s'entretenir avec Hulotdu poste qu'il entend créer de vice-Premier ministre chargé du développement durable.Pour Sarkozy, la fonction n'aurait rien d'honorifique : elle chapeauterait les transports,l'équipement, l'énergie et l'environnement. Autre nouveauté, un «Conseil du développementdurable», rattaché au président de la République, serait mis en place sur le modèle duConseil de la défense.

«Sans état d'âme». En attendant, Hulot posait hier matin, sur le perron de l'Elysée,au côté du chef de l'Etat, de l'ex-Premier ministre Alain Juppé, du socialiste Hubert Védrineet du philosophe Edgar Morin. Ils étaient invités à préparer une conférence internationale sur

Page 76: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

76 MORI Hélène_2007

l'environnement prévue en février à Paris. Nicolas Hulot soutient «sans état d'âme» cetteinitiative de Chirac. A ses côtés, Védrine ajoutait que le projet d'organisation internationalepour l'environnement, défendue par Chirac était «une bonne idée française» égalementdéfendue par la gauche. «Ces questions sont d'une telle gravité qu'on doit pouvoir lesaborder sur une base non-partisane», a ajouté l'ex-ministre des Affaires étrangères. DuHulot dans le texte.

ANNEXE 7

Le Monde14 décembre 2006 jeudiSégolène Royal revendique " la crédibilité " sur l'écologieAUTEUR: Isabelle MandraudRUBRIQUE: POLITIQUE; Pg. 9LONGUEUR: 595 motsARRIVÉ devant le bureau de Ségolène Royal à l'Assemblée nationale, mardi 12

décembre, Nicolas Hulot a pris un petit air contrarié devant le nombre de journalistesqui l'attendaient au bas de l'immeuble. " C'est une séance de travail qui avait vocationà se faire dans la discrétion. C'est un peu raté... Je suis surpris de vous voir... ", a-t-ildéclaré. A la sortie, après un entretien d'une heure avec la candidate socialiste à l'électionprésidentielle, l'animateur de télévision ne s'est pas montré plus bavard : " Je repars avecun certain nombre de propositions et de points qui méritent d'être retravaillés. " Mme Royals'est engagée à signer le Pacte écologique que M. Hulot présente à tous les candidatset prochainement à Nicolas Sarkozy. Mais, se présentant seule devant la presse, elle asouhaité aller plus loin en apportant des " compléments ".

DIVERGENCE" Je revendique la crédibilité en matière d'environnement ", a souligné d'emblée la

candidate en excipant de son expérience de ministre de l'environnement en 1992-1993 etdes décisions prises dans sa région, " exemplaire ", de Poitou-Charentes. " Pas hostile "à la création d'un poste de vice-premier ministre chargé du développement durable, quifigure en tête des priorités du pacte de M. Hulot, Mme Royal estime cependant qu'" ilne faut pas tomber dans la démagogie ". " S'il y en a un pour l'environnement, alors il yaura un vice-premier ministre chargé de l'emploi et du social ", a-t-elle affirmé. La créationd'une taxe sur les émissions de dioxyde de carbone est apparue en revanche comme unesource de divergence avec l'animateur. Sur ce point, Mme Royal prône plutôt une fiscalitéincitative, " encourageante " et non " punitive ". " Je ne suis pas d'accord pour augmentersystématiquement les impôts sur les énergies fossiles parce que les gens souvent n'ontpas le choix, a-t-elle expliqué. Je pense qu'au contraire on peut baisser les impôts, baisserpar exemple la TVA sur toutes les énergies renouvelables, l'énergie solaire, les matériauxéconomes en énergie, les voitures propres, le transport collectif, les travaux d'isolation. "

Page 77: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Annexes

MORI Hélène_2007 77

La candidate socialiste, qui a déjà promis de faire de la France le pays de l'" excellenceenvironnementale ", a pris l'engagement nouveau, si elle était élue, d'imposer, pour tousles permis de construire, l'obligation d'intégrer des installations d'énergies renouvelables(énergie solaire, filière bois, eco-matériaux...). " Je le dis maintenant au secteur du BTPpour qu'il anticipe, a-t-elle souligné. Ce n'est pas possible qu'il n'y ait aucune entreprise defabrication de panneaux solaires en France. Nous importons tout, y compris les éoliennes !" Autre promesse, celle de créer un plan national de grands travaux sur l'isolation desbâtiments anciens, source de " 40 % d'énergie gaspillée ". Ces deux chantiers permettraient,selon Mme Royal, de créer chacun 450 000 emplois. Au plan européen, après avoir redit sonintention de réorienter la politique agricole commune, notamment en faveur de l'agriculturebiologique, Mme Royal s'est prononcée pour la création d'une " communauté européennedes énergies et des énergies renouvelables ", sur le modèle de l'ex-CECA consacrée aucharbon.

En avançant ces propositions, Mme Royal compte bien ne pas laisser ce terrain à ladroite et à Jacques Chirac, qui a reçu la veille M. Hulot, et dont elle a fustigé la " contradictionchoquante " entre les " beaux discours et la réalité ". Les Verts ne sont pas mieux lotis : " Ilsne m'ont pas demandé mon avis sur l'environnement ", a tranché Mme Royal.

DATE-CHARGEMENT: 13 décembre 2006LANGUE: FRENCH; FRANÇAISTYPE-PUBLICATION: Lettre d'informationCopyright 2006 Le Monde InteractifTous Droits Réservés

ANNEXE 8

Le Figaro13 décembre 2006Royal se veut plus écolo que HulotAUTEUR: MYRIAM LEVYRUBRIQUE: FranceLONGUEUR: 506 motsÀ SON arrivée rue Aristide-Briand, au bureau de Ségolène Royal, Nicolas Hulot ne

cache pas sa surprise en découvrant qu'il est attendu par les journalistes. « C'est une séancede travail qui avait vocation à se faire dans la discrétion. C'est un peu raté. » À sa sortie,plus d'une heure plus tard, Hulot, qui fait le tour des candidats à la présidentielle pour leurdemander de signer son « pacte écologique », affirme que, entre Royal et lui, il y a « desconvergences, mais pas sur tout » . « Nous allons évaluer les propositions qui nous ontété faites.

Page 78: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

78 MORI Hélène_2007

On s'appelle bientôt » , annonce-t-il, avant de tourner des talons. Méfiance face aux «propositions démagogiques » Il n'entendra donc pas Royal lui donner, quelques minutesplus tard, une sorte de leçon d'écologie. Certes, elle rend hommage à cette « personnalitéexceptionnelle », à « son engagement, sa connaissance des sujets ». Son pacte, « je lesignerai, mais je souhaite aussi lui apporter des compléments pour aller au-delà » . EtRoyalde faire la liste de ce qu'elle veut y rajouter : la question des transports publics, ladimension européenne et notamment l'aide à la filière d'excellence environnementale, unefiscalité incitative pour la recherche en matière d'économies d'énergie ou l'interdiction detoutes les substances dangereuses pour la santé publique. Manière de dire à l'élève Hulotqu'il peut mieux faire. Royal ne croit pas beaucoup à l'exigence de Hulot de créer un postede vice-premier ministre chargé du développement durable, se méfiant « des propositionsdémagogiques » et des « ministères sans pouvoir » . Mais si jamais elle s'y pliait, ellecréerait dans le même temps un deuxième poste de vice-premier ministre chargé, lui, dusocial et de l'emploi. «L'environnement ne doit pas être punitif» Elle n'est pas très chaudenon plus pour créer la taxe carbone. « L'environnement ne doit pas être punitif » , dit-elle,préférant « baisser les taxes » sur tous les équipements qui préservent l'environnement etdiminuent la consommation d'énergie. Surtout, elle prend un engagement : « J e le dis auxprofessionnels du bâtiment. Si je suis élue, tous les permis de construire devront intégrerdes installations en énergies renouvelables. Ils doivent anticiper ces nouvelles normes etles voir non pas comme une contrainte mais comme une chance de conquérir des marchésextérieurs. » Et si Hulot décide de se présenter, malgré tous ces engagements ? « Il est libre.Le plus important, c'est que les Français choisissent celui qui est crédible. Je revendiquecette crédibilité. J'ai mené des combats pour l'environnement et je les ai gagnés » , assure-t-elle, citant son action de ministre de l'Environnement ou sa lutte pour empêcher qu'uneautoroute ne traverse le Marais poitevin. Quant à Jacques Chirac et sa conférence surl'écologie de février, « il a fait de très beaux discours sur l'environnement, mais l'actiongouvernementale ne suit pas » , constate-t-elle, citant en exemple le camouflet enregistrépar la France sur les OGM.

DATE-CHARGEMENT: 12 décembre 2006LANGUE: FRENCH; FRANÇAISTYPE-PUBLICATION: Publication internetCopyright 2006 Le FigaroAll rights reserved

ANNEXE 9

Libération23 janvier 2007

Page 79: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Annexes

MORI Hélène_2007 79

La vacance de M. HulotAUTEUR: ECOIFFIER MatthieuRUBRIQUE: POLITIQUES; Pg. 13LONGUEUR: 516 motsENCART: Après un intense lobbying, l'animateur d'"Ushuaïa" renonce à concourir pour

la présidentielle.Après trois mois de suspense et plus de vingt minutes de prêche sur la "tragédie

globale" environnementalo-climatique, Nicolas Hulot marque un temps d'arrêt dans le halldu Palais de la découverte. Sa voix se tend, ses yeux brillent. Il inspire : "Pour trois raisons,j'ai décidé de ne pas être candidat à l'élection présidentielle et de suspendre mon ingérencepolitique", lâche-t-il. Dans l'assistance de journalistes, une femme applaudit.

Confirmant les informations de Libération, l'animateur d'Ushuaïa explique pourquoiil "n'a pas franchi la ligne rouge". D'abord parce qu'il a "choisi de faire confiance à laparole et à l'engagement des candidats". Et donc de respecter sa parole "implicite" delever sa menace de candidature dès lors qu'ils répondaient "sérieusement" à son Pacteécologique, qui propose notamment la création d'un poste de vice-Premier ministre chargédu développement durable et l'instauration d'une "taxe carbone" pour limiter les rejets degaz à effet de serre. Cette profession de foi envers les candidats sonne faux. Car Hulot vientde se livrer à un dézingage en règle des politiques, en prêtant à une "majorité silencieuse"son propre sentiment de "lassitude" envers un "monde politique où la consigne préemptesouvent la conscience" et où "l'on s'obstine à exalter nos bas instincts". Autant dire queHulot n'a pas caché ses doutes et ses craintes pour l'avenir de sa démarche .

Berger transpolitique.La deuxième raison invoquée paraît plus crédible. En se présentant, il aurait "entraîné

à leur corps défendant tous ceux qui se battent pour la cause". En clair, Hulot, qui n'a pasréussi à fédérer l'écologie politique dans son sillage, a eu peur de faire un mauvais score.Et un "faible score réduirait vulgairement à un simple chiffre un enjeu aussi magnifique".

Enfin, Hulot a renoncé pour ne pas perdre son "rôle essentiel de médiateur entre lasociété civile et politique, la communauté scientifique et l'opinion". Pas question donc deraccrocher ses habits de berger transpolitique qui "accompagne les acteurs sur le cheminde la mutation écologique". "Je suis convaincu qu'en restant à l'écart des jeux du pouvoir,l'élan du pacte va se transformer en véritable lobby des consciences", a-t-il expliqué. Avantde "supplier" les candidats de ne pas laisser "s'étioler" leurs engagements.

"Au-dessus de la mêlée".En attendant, conscient que son retrait le prive d'un formidable levier, il a invité tous

les candidats signataires du pacte à une cérémonie de signatures, le 31 janvier au muséedes Arts premiers, quai Branly. Il a prévenu qu'il refuserait de dire, parmi les réponses deVoynet, Royal et Sarkozy, lesquelles sont les plus adaptées selon lui au défi écologique. "Jene soutiendrai personne dans cette campagne présidentielle", a-t-il lâché.

Pour rester "au-dessus de la mêlée" et continuer de peser, il va envoyer une nouvelle"formule" du Pacte écologique aux candidats aux législatives. Pour évaluer et veiller aurespect de ses propositions, il a aussi indiqué qu'il créerait, au sein de la Fondation NicolasHulot, un "observatoire permanent".

DATE-CHARGEMENT: 23 janvier 2007

Page 80: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

80 MORI Hélène_2007

LANGUE: FRENCH; FRANÇAISTYPE-PUBLICATION: JournalCopyright 2007 LibérationAll rights reserved

ANNEXE 10

Le Monde23 janvier 2007 mardiHulot renonce à la candidature présidentielleRUBRIQUE: UNE; Pg. 1LONGUEUR: 103 motsAprès six mois de tergiversations, Nicolas Hulot a renoncé à se porter candidat à

l'élection présidentielle. Lundi 22 janvier, au Palais de la découverte, à Paris, il a expliquéqu'il avait pris cette décision par fidélité à sa démarche et à son engagement, le Pacteécologique qu'il promeut ayant été accepté par les principaux candidats. L'animateur deTF1 veut éviter, en outre, le contrecoup d'un échec éventuel pour la cause qu'il défend etpour les militants qui la partagent. M. Hulot a annoncé qu'il continuera sa campagne pourle Pacte écologique en vue des élections législatives de juin et au niveau européen.

DATE-CHARGEMENT: 22 janvier 2007LANGUE: FRENCH; FRANÇAISTYPE-PUBLICATION: Lettre d'informationCopyright 2007 Le Monde InteractifTous Droits RéservésLe Monde23 janvier 2007 mardiNicolas Hulot renonce à se présenter à l'Elysée, après six mois de lobbying écologiqueRUBRIQUE: POLITIQUE; Pg. 13LONGUEUR: 838 motsENCART: La décision de l'animateur, soucieux de protéger sa vie privée, donne une

bouffée d'air à Mme Voynet et à la gauche, qui auraient perdu le plus de voix en cas decandidature

Il s'est enfin décidé. Lundi 22 janvier, au Palais de la découverte, à Paris, devantun parterre de journalistes, Nicolas Hulot a annoncé, sous la forme d'une déclarationsolennelle, qu'il renonçait à se présenter à l'élection présidentielle. Après six mois de

Page 81: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Annexes

MORI Hélène_2007 81

tergiversations, l'animateur de TF1 a finalement considéré qu'il avait en partie atteint sonobjectif.

Depuis qu'il a lancé son Pacte écologique, le 7 novembre, quelque 500 000 personnesl'ont signé. A l'exception d'Arlette Laguiller, Olivier Besancenot, Philippe de Villiers etJean-Marie Le Pen, la plupart des principaux candidats à l'élection présidentielle se sontégalement engagés en apportant des réponses relativement détaillées (Le Monde du 21 et22 janvier). L'écologie est devenue un thème récurrent dans les discours politiques et l'unedes préoccupations principales des Français.

En décidant de " suspendre " son action politique, Nicolas Hulot est en phase avecplusieurs sondages sortis ces derniers jours. Le dernier en date, une enquête de l'IFOP pourle Journal du dimanche du 21 janvier, réalisée le 18 et 19 janvier (auprès d'un échantillonreprésentatif de 961 personnes choisies selon la méthode des quotas), indiquait que 58 %des personnes interrogées n'étaient pas favorables à sa candidature.

Sa décision, Nicolas Hulot a eu beaucoup de difficultés à la prendre. Depuis unesemaine, il s'était retranché dans son fief, près de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) pour réfléchir,au calme, en famille. Enchaînant les balades en bord de mer avec son chien, pesant, chaquejour, le pour et le contre, il n'a définitivement tranché qu'il y a deux ou trois jours.

Jusqu'à la fin, l'animateur de TF1 a donc demandé à son entourage de se prépareraux deux hypothèses. D'un côté, sa fondation, sur laquelle il s'est appuyé jusqu'à présent,a dû envisager le cas où il continuerait son lobbying à ses côtés. De l'autre, une équipeindépendante, dirigée par Gérard Feldzer, directeur du Musée de l'air et de l'espace, atravaillé d'arrache-pied pendant trois mois pour préparer tous les aspects pratiques d'unecandidature, au cas où.

En se retirant de la course à l'élection présidentielle, Nicolas Hulot soulage lesreprésentants de l'écologie politique extrêmement inquiets pour leur avenir, ces derniersjours. " Le combat médiatique de Nicolas Hulot pourrait rapidement se transformer enune entreprise de destruction du travail militant de trente ans ", avait considéré, le 12janvier, Corinne Lepage, présidente de Cap 21. Seul Antoine Waechter, le candidat à laprésidentielle du Mouvement écologiste indépendant (MEI), s'était déclaré, le 16 janvier "tout à fait " prêt à s'effacer si l'animateur de TF1 décidait d'entrer en lice.

Dominique Voynet, qui a toujours déconseillé à Nicolas Hulot de se présenter, respiredonc. Jusqu'à présent, les sondages ne lui ont pas accordé plus de 2 % d'intention devote. Or selon l'enquête IFOP du 21 janvier, la candidate des Verts a été considérée,en prenant l'hypothèse d'un retrait de Nicolas Hulot, comme la plus apte " à faire despropositions pour protéger l'environnement ", par 18 % des personnes interrogées. Celapourrait-il être le début d'un appel d'air en sa faveur ? Les cadres de l'association Francenature environnement, réunis ce week-end, ont en tout cas fait savoir à Nicolas Hulot qu'iln'aurait pas leur soutien, leur préférence allant aux Verts, " qui ont porté et fait avancer lesvaleurs écolos depuis des années ", selon les termes de Sébastien Genest, président del'association.

Le retrait de Nicolas Hulot devrait aider les Verts à calmer leurs dissensions internes.Alors que les sondages prêtaient à l'animateur de TF1 plus de 10 % d'intention de vote,plusieurs députés européens Verts, dont Jean-Luc Bennahmias, avaient plaidé en faveurde sa candidature.

Dans une moindre mesure, la décision de Nicolas Hulot soulage Nicolas Sarkozy etSégolène Royal, inquiets d'un éparpillement des voix face à la montée du Front national. En

Page 82: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

82 MORI Hélène_2007

fin de semaine, le candidat UMP a téléphoné à l'animateur de TF1, tandis que la candidatesocialiste lui a directement demandé un entretien, dimanche 21 janvier au soir.

Bien qu'il renonce à se présenter, l'animateur de TF1, ne va pas pour autant disparaîtredu paysage médiatique. " Jusqu'au-boutiste " mais pas naïf, il entend continuer son lobbying.Notamment via la création d'un observatoire de la vie politique, sous tutelle de sa fondation.

Le 31 janvier, une cérémonie au Musée des arts premiers, à Paris, est prévue avecles candidats signataires du Pacte écologique et des personnes tirées au sort parmi les500 000 signataires anonymes. Les candidats sont invités à présenter les mesures qu'ilscomptent prendre en cas d'élection.

Les 2 et 3 février, Nicolas Hulot doit aussi participer, aux côtés d'Hubert Védrine (PS) etd'Alain Juppé (UMP), à une grande conférence internationale sur l'environnement organisé,à Paris, par Jacques Chirac.

wwwNicolas Hulot explique les raisons de sa décision et répond aux questions desinternautes du Monde.fr.

DATE-CHARGEMENT: 22 janvier 2007LANGUE: FRENCH; FRANÇAISTYPE-PUBLICATION: Lettre d'informationCopyright 2007 Le Monde InteractifTous Droits Réservés

ANNEXE 11

Le Figaro23 janvier 2007Hulot renonce à l'aventure présidentielleAUTEUR: CHARLES JAIGURUBRIQUE: FranceLONGUEUR: 629 motsNICOLAS HULOT avait, hier, la solennité qu'un candidat sur le point de se déclarer. Il a

pourtant annoncé son retrait de la course. « J'ai décidé de ne pas être candidat à l'électionprésidentielle », a-t-il déclaré, devant les journalistes conviés au Palais de la Découverte, àParis. Aucune vedette de la chanson ou du cinéma n'était venue, cette fois-ci, pour électriserl'événement, comme cela avait été le cas le jour du lancement du «Pacte écologique».Sobre, le nouvelle «icône» de l'écologie a expliqué qu'il voulait « faire confiance à la paroledes candidats et respecter la parole que je leur avais donnée de lever l'hypothèque dema candidature dès lors qu'ils répondaient avec sérieux à nos propositions ». Il n'a pasvoulu, non plus, prendre le risque d'un «faible score électoral» au premier tour, qui aurait

Page 83: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Annexes

MORI Hélène_2007 83

compromis le succès de son Pacte. « L'inestimable potentiel » de cette démarche aurait ainsiété «v ulgairement» réduit à « un simple chiffre ». Pour Hulot, mieux vaut donc se mettre àl'écart du « jeu des pouvoirs », et transformer le Pacte écologique en « véritable lobby desconsciences ». «Pas de consigne de vote» Pour ce faire, il reprendre son bâton de pèlerin etveut multiplier les réunions publiques, pour doubler le nombre de signataires de son pacte.L'objectif est d'atteindre, « avant la fin des élections législatives », le million de signatures. Ilcompte également créer un « observatoir e» de la campagne. Et même si Nicolas Hulot sedéfend de vouloir « distribuer les bons et les mauvais points », c'est bien de cela qu'il s'agit.« Il veut dire qu'il ne fera aucun classement, et qu'il ne donnera pas de consigne de vote »,explique Jean-Claude Jancovici, l'un des rédacteurs du «Pacte écologique». Mais cela ne ledispensera pas de « commenter les copies de chaque candidat, et de dire lequel est au plusprès des objectifs de la Fondation », continue Jancovici. « Nous allons montrer qu'il peut yavoir des contradictions entre ce qu'ils promettent sur l'écologie et d'autres parties de leursprojets », confirme un autre proche de Hulot. Exemple de contradiction: Ségolène Royalprône la réduction du nucléaire, tout en pêchant la lutte contre le réchauffement. NicolasSarkozy parle de fiscalité écologique, mais il se fait aussi l'avocat d'une « augmentation dupouvoir d'achat »: les proches d'Hulot s'en inquiètent. Parmi les candidats, le plus «Hulot-compatible» serait François Bayrou. Le leader centriste, qui a vu tout l'intérêt qu'il y avait àse mobiliser sur ce sujet auprès de son électorat, est celui qui a le plus franchement acceptéla création d'une taxe sur les hydrocarbures. Pour ne pas relâcher la pression, Nicolas Hulota donné rendez-vous aux signataires du Pacte le 31 janvier, au musée des Arts Premiers. Ilprévoit également de soumettre les candidats aux élections législatives au même exercice.Hier, l'animateur écolo n'a pas ménagé la classe politique dans son ensemble: « Le pacteécologique, c'est la volonté de cesser de réduire la politique à quelque chose de mesquinet de vulgaire, cette logique de partis qui s'affrontent plutôt que de se compléter et quicherchent à s'exclure ». Tel est, selon lui, « l'esprit du pacte ». De nombreux écologistes,de Jean-Luc Benhammias à Antoine Waechter, ont regretté la décision d'Hulot. Mais lesamis de Nicolas Hulot assurent que le fait de ne pas s'engager en politique n'est pas unrenoncement: «O n a bien fait l'économie d'un parti féministe, et cela n'a pas empêché lesconquêtes du droit des femmes ». En fait, Hulot a préféré ne pas jouer les apprentis sorcier.Son ami Pierre-André Taguieff résume ainsi les choses: il a hésité entre « l'homo demenset l'homo sapiens, finalement, il a choisi l'homo sapiens ». La voix de la sagesse, selon lui.

DATE-CHARGEMENT: 22 janvier 2007LANGUE: FRENCH; FRANÇAISTYPE-PUBLICATION: Publication internetCopyright 2007 Le FigaroAll rights reserved

ANNEXE 12

Page 84: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

84 MORI Hélène_2007

L'Humanité28 février 2007Notes écologiquesAUTEUR: Vincent DefaitRUBRIQUE: LES ENJEUX DE 2007; Pg. 4LONGUEUR: 200 motsIl y a les bons élèves, ceux qui peuvent mieux faire et les cancres. L'Alliance pour la

planète, qui regroupe moult associations écologistes, a noté la fibre écolo des candidats àl'élection présidentielle. Dominique Voynet (Verts) et Corinne Lepage (CAP 21) devancenttout le monde avec 16,5 sur 20. Suivis du PS (13), du PCF et de l'UDF (9), de l'UMP (8,5) etla LCR d'Olivier Bensancenot (8). Parmi les cancres, figurent le MPF de Philippe de Villiers(7,5), Lutte ouvrière (5) et le Front national (5).

Pour sa notation, l'Alliance a comparé ses 24 propositions, déclinées autour de quatrethèmes (« climat, l'urgence » ; « stopper les destructions » ; « produire sans nuire » ; «solidaire, responsable et citoyen ») aux programmes des candidats. Se prononcer pourle nucléaire civil, pour les produits transgéniques, omettre un moratoire sur les autoroutesou négliger l'aide au développement des pays du Sud fait plonger vers les bas fonds duclassement.

Une précédente notation, à partir de l'action gouvernementale de chaque parti entre1997 et 2006, donnait des résultats bien médiocres. Les Verts arrivaient en tête avec 11/20,suivis du PS (6,5), du PCF (5,5), de l'UDF (5) et de l'UMP (4,5).

DATE-CHARGEMENT: 27 février 2007LANGUE: FRENCH; FRANÇAISTYPE-PUBLICATION: JournalCopyright 2007 L'HumanitéAll rights reserved

ANNEXE 13

Libération27 février 2007 mardiAlliance pour la planète a fait son choixAUTEUR: AUFFRAY AlainRUBRIQUE: POLITIQUES; Pg. 13

Page 85: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Annexes

MORI Hélène_2007 85

LONGUEUR: 493 motsENCART: Voynet et Lepage sortent en tête de la "notation environnementale" du

collectif.Depuis que Nicolas Hulot est hors course, "l'urgence écologique" se fait nettement

moins pressante. Hier, la "notation environnementale" des principaux candidats à l'Elyséea été accueillie dans une relative indifférence.

Dans l'esprit de son initiatrice, Alliance pour la planète un regroupement de 80associations défendant l' écologie et la solidarité (dont le WWF, Greenpeace, FranceNature Environnement, la Fondation Nicolas Hulot) constitué le 22 mars 2006 -, cettenotation devait être un deuxième moment fort de la campagne, après la cérémonie du31 janvier au cours de laquelle Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy et huit autres candidatsétaient venus signer solennellement le "pacte écologique" de Nicolas Hulot au musée desArts premiers, à Paris. Pour bien montrer qu'il n'était pas homme à se contenter de vaguespromesses, l'animateur télé avait demandé aux signataires de recevoir les militants del'Alliance pour la planète.

Ce regroupement de 80 associations a soumis aux candidats vingt-quatre mesuresjugées prioritaires. L'évaluation des réponses a permis la réalisation d'un palmarès sanssurprise. Les meilleures notes vont aux soeurs ennemies Voynet et Lepage, premières ex-aequo (avec 16,5/20), tandis que Le Pen et Laguiller se partagent la dernière place (5/20).Royal, troisième avec 13/20, domine assez nettement Bayrou (9/20) et Sarkozy (8,5/20).

Ce palmarès repose essentiellement sur les réponses très contrastées à quelquesquestions emblématiques : moratoire sur la construction d'autoroutes, moratoire sur laconstruction de nouveaux incinérateurs ménagers, suspension du projet de réacteur EPRà Flamanville (Manche), etc.

L'Alliance avait publié le 12 décembre une première notation des principaux partispolitiques à partir d'une évaluation des décisions prises au Parlement et au gouvernemententre 1997 et 2006. Les résultats étaient calamiteux : 4,5/20 pour l'UMP, 6,5 pour le PSet seulement 11 pour les Verts. "Les candidats et leurs équipes ont incontestablementtravaillé", soulignait hier Daniel Richard, président du WWF France.

Les militants espèrent maintenir leur pression écologiste jusqu'au bout de la campagnepour arracher le plus d'engagements possibles. A en juger par le faible retentissement de lanotation publiée hier, il n'est pas certain qu'ils en aient les moyens. Pour la députée NathalieKosciusko-Morizet (UMP), l'Alliance retombe, avec cette notation fondée sur des critèrescontestables, "sur les écueils politiciens qu'avait su éviter Nicolas Hulot". Elle pointe lefait que l'Alliance est principalement animée par Greenpeace, association dont "l'ex-patronBruno Rebelle est aujourd'hui chez Ségolène Royal". L'UMP conteste notamment la prioritédonnée à la suspension du réacteur EPR pour lutter contre le réchauffement climatique. Etsouligne par ailleurs que, sur ce point, la candidate socialiste, favorable à cette suspension,n'a "manifestement pas fait l'unanimité dans son propre camp".

DATE-CHARGEMENT: 25 mai 2007LANGUE: FRENCH; FRANÇAISTYPE-PUBLICATION: JournalCopyright 2007 LibérationTous droits réservés

Page 86: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

86 MORI Hélène_2007

ANNEXE 14

Le Monde27 février 2007 mardiENVIRONNEMENT UN CALENDRIER EXIGÉ POUR CHAQUE MESURE;Une fédération d'associations écologistes, L'Alliance pour la planète, note les

programmesAUTEUR: Gaëlle DupontRUBRIQUE: POLITIQUE; Pg. 11LONGUEUR: 583 motsL'ALLIANCE pour la planète, qui rassemble 71 associations de défense de

l'environnement, dont les plus grandes (France Nature Environnement, Greenpeace, leWWF-Fonds mondial pour la nature) veut relancer le débat sur l'environnement, oubliédepuis l'annonce de non-candidature de Nicolas Hulot le 22 janvier, en publiant, lundi 26février, son appréciation des programmes des candidats à l'élection présidentielle.

Après avoir examiné à la loupe leurs programmes et leurs prises de position, l'Alliancea établi pour chaque candidat une note sur 20, comme elle l'avait fait pour l'action aupouvoir des partis politiques (Le Monde du 13 décembre 2006). Résultat : les écologistesDominique Voynet et Corinne Lepage arrivent premières ex aequo, avec 16,5/20. SégolèneRoyal obtient un honorable 13/20. Suivent Marie-George Buffet (9/20), et François Bayrou(9/20). Nicolas Sarkozy n'obtient que 8,5/20. Derrière viennent Olivier Besancenot (8/20),et Philippe de Villiers (7/20). Jean-Marie Le Pen et Arlette Laguiller terminent tous deuxderniers, avec la note de 5/20.

Les programmes ont été évalués en fonction d'une série de 24 propositions concrèteset plus polémiques que les cinq questions posées dans le Pacte écologique de NicolasHulot. Des points ont été attribués si les propositions du candidat vont dans le " bon sens ",selon les associations, ou retranchés si elles vont dans le sens contraire. Les positions descandidats sur les divers moratoires proposés par les associations, qui exigent une réponsetranchée, jouent beaucoup dans leur note finale.

PRESSION" Globalement, ce n'est pas une surprise, les notes des programmes sont bien

meilleures que celles des bilans - entre 4,5 pour l'UMP et 11 pour les Verts - , constate Jean-Philippe Teboul, l'un des porte-parole de l'Alliance. On y trouve de véritables engagements.L'impact du Pacte est important. " L'appréciation de Daniel Richard, président du WWF etporte-parole de l'Alliance, est moins positive.

" Les candidats ne s'améliorent pas beaucoup, regrette ce militant. Ils restent flous oune se prononcent pas sur de très nombreuses questions. "

Dans le détail, les programmes des candidates Voynet et Lepage, sont jugés " fortset courageux " par M. Richard. Au bas du classement au contraire, " on voit bien quel'environnement ne fait pas partie des préoccupations à l'extrême gauche et l'extrême droite

Page 87: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Annexes

MORI Hélène_2007 87

". Les positions anti-OGM d'Olivier Besancenot ou de Marie-George Buffet font cependantgrimper leurs scores.

Parmi les principaux candidats, Ségolène Royal est jugée " assez carrée sur lesmoratoires les plus urgents, notamment sur l'EPR et les OGM ", même si sa position surle nucléaire est débattue au PS. Le relatif bon score de la candidate tient aussi à sespropositions sur le développement des énergies renouvelables ou sur les transports encommun.

François Bayrou se voit reprocher le flou de ses propositions. Seul son projet deprogramme de recherche épidémiologique sur l'exposition aux risques environnementauxest bien noté. Les propositions fiscales de Nicolas Sarkozy, ainsi que son souhait de rendrel'Etat exemplaire dans la gestion de ses achats, ne suffisent pas à lui assurer un bon score.Le candidat est jugé " pronucléaire et pro-OGM " et se voit, par exemple, reprocher sonsoutien aux aides actuelles à la pêche.

L'Alliance veut désormais faire pression auprès des candidats pour tenter d'obtenirun calendrier pour chaque mesure. Les notes sont donc susceptibles d'évoluer d'ici auxélections.

DATE-CHARGEMENT: 26 février 2007LANGUE: FRENCH; FRANÇAISTYPE-PUBLICATION: Lettre d'informationCopyright 2007 Le Monde InteractifTous Droits Réservés

ANNEXE 15

Présidentielle 2007 | L'actuLes candidats plutôt mauvais en écologielefigaro.fr (avec AFP).Publié le 26 février 2007Alors que tous les candidats ont signé en grande pompe le pacte écologique de

Nicolas Hulot, seuls les programmes de trois d’entre eux obtiennent la moyenne autest de la fédération écologiste Alliance pour la planète.

Trois bons élèves sur onze, c’est peu. Alliance pour la planète, une fédération quiregroupe des dizaines d’associations écologistes, dont le WWF, Greenpeace ou encore laFondation Nicolas Hulot, a été sévère dans ses notations des candidats .

Page 88: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

88 MORI Hélène_2007

La fédération a testé dix de ses propositions, qu’elle a confronté aux différentsprogrammes présentés par les principaux partis. Parmi les mesures d’Alliance pour laplanète, les transports en commun, les énergies renouvelables, l’écotaxe ou encore lesOGM.

Comme le note la fédération sur son site, seuls deux candidats «sortent du lot» :les écologistes Dominique Voynet et Corinne Lepage. Elles «confirment leur véritableconnaissance et leur maîtrise de l’écologie, qui constitue la colonne vertébrale de leursprojets». Elèves appliquées, et mention très bien : 16,5 sur 20.

Royal 13/20, Sarkozy 8,5/20

En troisième position, Ségolène Royal. Mention assez bien pour la candidate socialiste,qui obtient 13 sur 20. En cause, le fait qu’elle n’évoque aucun moratoire sur la constructionde nouveaux incinérateurs d’ordures, mais aussi la faiblesse de ses propositions en matièred’agriculture biologique.

Tous les autres candidats ont en dessous de la moyenne. Avec 9 sur 20, FrançoisBayrou et Marie-George Buffet sont bons pour les rattrapages. Idem pour Nicolas Sarkzoyà 8,5 sur 20. Et les cancres de la classe politique sont sans conteste Arlette Laguiller etJean-Marie Le Pen, qui ne récoltent que 5 sur 20. Très insuffisant.

Mais comme le note l’Alliance, rien n’est joué : «les partis politiques et les candidatsont jusqu’au 26 avril pour améliorer leurs scores». Alliance sur la planète fera un nouveau test avant le premier tour.

ANNEXE 16

Le Figaro03 février 2007Jacques Chirac appelle à « une révolution écologique »AUTEUR: PHILIPPE GOULLIAUDRUBRIQUE: Sciences & MédecineRÉVOLUTIONNAIRE ! Jacques Chirac a bien mérité le surnom « le Chi » qui lui a été

accolé jadis, quand il sonnait la mobilisation contre la fracture sociale. Désormais, c'est surle thème de l'environnement qu'il monte au créneau. Organisateur de « la Conférence pour

Page 89: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Annexes

MORI Hélène_2007 89

une gouvernance écologique mondiale » , à Paris, le président de la République a appelé,hier à l'Élysée, à une « révolution » écologique pour sauver la planète en danger.

Le jour même où les experts mondiaux du Giec rendaient public un rapport alarmiste.« La planète souffre », « la nature souffre », « le jour approche où l'emballement climatiqueéchappera à tout contrôle : nous sommes au seuil de l'irréversible » , a-t-il prévenu, dansle droit fil de son discours de Johannesbourg, où, en septembre 2002, il avait lancé : «Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » « En quelques siècles, nous avons brûlédes ressources accumulées durant des centaines de millions d'années. Nous détruisonsdes écosystèmes qui abritaient une biodiversité perdue à jamais, nous privant ainsi de clésindispensables pour le futur » , a-t-il dit, hier, devant un parterre de scientifiques, militantsécologistes et associatifs, chefs d'entreprise et responsables politiques d'une soixantaine depays . Et il a dénoncé « un égoïsme coupable » qui empêche de « tirer les conséquences »de ce constat désormais largement partagé. « Nous sommes incapables de nous affranchirde schémas de pensée obsolètes, d'une structure économique héritée du XIX e siècle» , a-t-il dit. « Notre organisation politique internationale est inadaptée à l'enjeu vital duXXI e siècle, qui est l'enjeu écologique. » Ce constat alarmiste impose donc une réactionrapide et déterminée. « Face à l'urgence, le temps n'est plus aux demi-mesures : letemps est à la révolution au sens authentique du terme. La révolution des consciences. Larévolution de l'économie. La révolution de l'action politique. » Révolution, le mot est lâché.Après la conférence sur le Liban, la semaine dernière, avant le sommet France-Afrique,à la mi-février, cette Conférence sur l'environnement est l'un des trois grands rendez-vous internationaux figurant sur l'agenda de Chirac, à l'approche de la fin de son mandat.L'occasion pour lui, en pleine campagne présidentielle, de laisser son empreinte, de fixersolennellement les grands enjeux pour la France de demain. Prenant la tête d'une croisadepour une « écologie humaniste » , le président de la République a souhaité que les Nationsunies adoptent « une Déclaration universelle des droits et des devoirs environnementaux». Initiateur de la Charte de l'environnement adossée à la Constitution française, il a plaidépour que « chaque État inscrive la préoccupation écologique dans ses textes fondamentaux» . Pour répondre au « défi écologique » , Jacques Chirac a écarté « la croissance zéro » ,prônée par certains intellectuels, militants écologistes et associatifs, reprenant les vieillesidées du Club de Rome. « L'aspiration des peuples à une vie meilleure est une aspirationlégitime » mais « la planète ne pourra supporter longtemps le mode de croissance qui est lenôtre. Pour sortir de ce dilemme, nous devons inventer une autre croissance » . Lutte contrela pauvreté Le chef de l'État s'est dit convaincu qu' « une nouvelle révolution industrielle estdevant nous, celle du développement durable ». Il s'est montré optimiste : « Les économiesles plus innovantes et les plus respectueuses de l'environnement seront demain les pluspuissantes. » À condition de se doter « de règles de concurrence claires et loyales » pouréviter « la guerre écologique » . Jacques Chirac a souhaité que l'effort soit « équitablementréparti » entre pays du Nord, pays émergents qui doivent « prendre la mesure de leursresponsabilités nouvelles » , et pays pauvres qu'il faut « aider à se développer dans le -respect de l'environnement et à se prémunir contre les conséquences catastrophiques d'unréchauffement climatique pour lesquels ils ne sont pour rien » . Pour « allier lutte contrela pauvreté et révolution écologique » , il a plaidé pour « une gouvernance mondiale del'environnement » , dénonçant, une fois de plus, l'unilatéralisme qui, « dans ce domaineaussi, mène à une impasse » . La réponse, à ses yeux, passe par le multilatéralisme, parla création d'une Organisation des Nations unies pour l'environnement. Sur le modèle del'Organisation mondiale de la santé (OMS), cette ONU porterait « la conscience écologiquemondiale » . Dotée de pouvoirs institutionnels que n'a pas aujourd'hui le Programme desNations unies pour l'environnement (PNUE), elle procéderait à l'évaluation scientifique des

Page 90: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

90 MORI Hélène_2007

menaces et mettrait en oeuvre les actions décidées par la communauté internationale. Ilreste à vaincre les réticences des États-Unis, comme de la Chine ou de l'Inde. Ce ne serapas le plus facile.

Copyright 2007 Le FigaroAll rights reserved

ANNEXE 17

Le Monde3 février 2007 samediJacques Chirac appelle à une triple " révolution " pour sauver la TerreAUTEUR: Béatrice GurreyRUBRIQUE: SCIENCES; Pg. 8C'EST une croisade, et son chevalier vert s'appelle Jacques Chirac. En ouvrant,

vendredi 2 février, à l'Elysée, la " conférence internationale de Paris pour une gouvernanceécologique mondiale ", le président français a sonné le tocsin. " Le temps est à larévolution. La révolution des consciences. La révolution de l'économie. La révolution del'action politique ", a-t-il dit devant les ministres étrangers, représentants d'organisationsinternationales, d'ONG, chefs d'entreprise ou scientifiques de haut niveau, venus desoixante pays pour l'occasion.

Auparavant, les quelque 150 participants ont visionné un court métrage sur les enjeuxde l'écologie, s'ouvrant sur un appel à adopter de nouveaux modes de production et deconsommation. " La planète souffre. (...) La nature souffre. (...) Nous sommes au seuil del'irréversible ", a enchaîné M. Chirac. Depuis des années, a-t-il souligné, " je me bats pourfaire entendre l'urgence gouvernementale ".

Pour réussir la " révolution culturelle " de l'écologie, le chef de l'Etat propose notammentque l'ONU adopte une " déclaration universelle des droits et des devoirs environnementaux", comme la France a adossé une charte de l'environnement à sa Constitution. Cetterévolution des consciences doit " rendre possible la révolution de l'économie ", juge M.Chirac, estimant qu'on ne saurait répondre au défi écologique par la " croissance zéro ".A condition d'aller vers " une transformation radicale de nos modes de production et deconsommation ", où, par exemple, la qualité environnementale serait intégrée dans le calculde la richesse.

" GUERRE ÉCOLOGIQUE "" Soit la communauté internationale s'y emploie, soit ce sera la "guerre écologique"

", a prédit le président. Les pays du Nord ont une responsabilité particulière et doiventinciter ceux du Sud à prendre le virage d'une croissance écologique, a-t-il souligné. " Il fautconstruire une gouvernance mondiale de l'environnement ", a-t-il insisté, en transformantle programme des Nations unies pour l'environnement en organisation à part entière, une

Page 91: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Annexes

MORI Hélène_2007 91

" ONUE " à même d'évaluer les menaces et de mettre en oeuvre les actions décidées encommun. Quelques personnalités politiques ou scientifiques ont pris le relais de M. Chiracavant que l'ensemble de la conférence n'aille travailler en ateliers. La conclusion doit avoirlieu, samedi 3 février, à l'Elysée.

Président du comité d'honneur de la conférence, Alain Juppé revenait d'une tournéedans les pays émergents. En Inde, s'il a constaté " des préjugés extraordinairementfavorables " à la nouvelle ONUE auprès des scientifiques et des ONG, il n'a recueilli dela part des autorités politiques qu'" une attention polie ". Les dirigeants chinois lui ontparu mieux disposés vis-à-vis de l'urgence environnementale, tout en admettant que leursobjectifs nationaux ne sont " pas suivis au niveau local ". A quand la nouvelle gouvernancemondiale écologiste ? D'ici un ou deux ans, espère M. Juppé. Un combat, précise-t-il, qui " sepoursuivra avec le candidat que je soutiens " - Nicolas Sarkozy - au-delà de la présidentielle.

ANNEXE 18

Libération3 février 2007Carillonneur; Environnement. EditorialAUTEUR: THENARD Jean-MichelRUBRIQUE: EVENEMENT; Pg. 2A l'issue de quarante ans de vie politique, Chirac sort de scène en Pancho Villa

de l'écologie. Quand tant d'autres vont de la révolution au conformisme, le chemin vautd'être salué, même s'il commence à être très emprunté par les gouvernants en retraite. Enréclamant une "révolution écologique",

Chirac pose sa marque dans l'histoire du siècle à venir. Quand les glaces aurontfondu, la mer monté et que les canicules successives auront frappé, il restera toujoursquelqu'un pour rappeler qu'au début du XXIe siècle un Président avait sonné le tocsin faceau réchauffement climatique. Il reste à souhaiter à Chirac qu'on ne le confonde pas alorsavec Al Gore... Les carillonneurs politiques sont d'autant plus entendus aujourd'hui qu'ilsrelaient les scientifiques. Lesquels, n'en déplaise à Claude Allègre, viennent une fois deplus de confirmer la responsabilité humaine dans l'accélération du changement climatique.Aux politiques désormais d'agir et de ne plus se contenter de belles paroles. Puisque lacommunauté internationale doit décider bientôt de l'avenir du protocole de Kyoto, on vavite voir qui est capable d'aller au-delà des proclamations de bonnes intentions dont abusemême George Bush. La France de Chirac n'est pas la mieux placée pour donner desleçons, qui est régulièrement épinglée par Bruxelles pour son non-respect des directivesenvironnementales. Mais la campagne présidentielle laisse augurer d'autres lendemains,puisque tous les prétendants d'importance à l'Elysée ont paraphé le pacte écologique de

Page 92: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

92 MORI Hélène_2007

Hulot. C'est bien le signe que les consciences ont changé, et qu'aucun élu ne pourras'affranchir de ses engagements. Comme quoi la campagne présidentielle n'est pas si nulle,qui, d'entrée, a su se saisir de l'un des vrais enjeux.

Libération3 février 2007L'ONUE, serpent de mer né en 1992;EnvironnementAUTEUR: PATRIARCA ElianeRUBRIQUE: EVENEMENT; Pg. 4LONGUEUR: 615 motsENCART: Chirac a rallié vingt-quatre pays à l'idée de créer cette organisation. Les

Etats-Unis, la Chine, le Brésil ou la Russie traînent des pieds.L'idée n'est pas neuve. Selon l'ex-ministre socialiste Hubert Védrine, "François

Mitterrand en avait parlé dès 1992" au Sommet de la terre de Rio. Dès 1998, Jacques Chiracl'a reprise. Depuis, c'est lui qui incarne ce projet de gouvernance écologique mondiale d'uneOrganisation des Nations unies pour l'environnement (ONUE).

Dispersion.Comparable à l'Organisation mondiale de la santé (OMS), cette structure s'attaquerait

aux problématiques du climat, de la pénurie d'eau, de la biodiversité ou de l'impact despesticides sur l'environnement et la santé... Il s'agit notamment de mettre fin à la dispersionde l'action internationale : on compte dans le domaine de l'environnement quelque500 accords multilatéraux, 18 organisations et institutions financières internationalescompétentes. Une prolifération qui nuit à l'efficacité et à la cohérence.

Il existe pourtant un outil international : le Programme des Nations unies pourl'environnement (PNUE), créé en 1978, et dont le budget est alimenté par des contributionsvolontaires des Etats. Chirac lui a rendu un hommage tout diplomatique vendredi, mais, a-t-il ajouté, le "PNUE ne dispose pas d'un pouvoir et d'un poids institutionnel suffisant". En clair,une "agence" des Nations unies aurait un budget ad hoc et des prérogatives supérieuresà celles d'un "programme".

Le constat fait consensus. Interrogé par Libération, Achim Steiner, directeur exécutifdu PNUE, confirme : "Il est clair que les structures de la gouvernance environnementalesont trop faibles, manquent de fonds et sont insuffisamment coordonnées. L'architectureinternationale de la politique environnementale, conçue et créée au XXe siècle, ne répondplus aux défis de notre temps." Mais, dit-il, c'est aux Etats membres d'élaborer la solution,et, là, il n'y a pas unanimité : vaut-il mieux renforcer le PNUE ou le transformer en une autreorganisation ?

Opposants.Si Jacques Chirac a réussi à rallier à sa cause vingt-quatre pays, il fait face à des

opposants de poids, dont les Etats-Unis, la Chine, le Brésil, la Russie... et même la Grande-Bretagne au sein de l'Union européenne. L'Allemagne se veut neutre. On est donc loin ducompte, et c'est pour cela que le président français entend mettre sur pied, à Paris, ungroupe de pays pionniers chargés de "convaincre ceux qui hésitent encore".

Page 93: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Annexes

MORI Hélène_2007 93

Du côté des ONG, l'ONUE ne fait pas non plus l'unanimité, même si toutes déplorent lepeu de moyens du PNUE et la non-application des accords internationaux. Selon SébastienMoncorps, du comité français de l'Union internationale de conservation de la nature (UICN),la "plupart des ONG estiment qu'une ONUE permettrait d'avoir plus de moyens et uneautorité reconnue au service de l'environnement. Mais elles craignent l'inefficacité desNations unies. S'il y a une nouvelle structure, elles la souhaitent plus offensive, notammentpour faire contrepoids à l'Organisation mondiale du commerce".

Réticences.Pour Arnaud Gossement, de France nature environnement, le "vrai problème, c'est

l'absence d'une police internationale de l'environnement pour faire appliquer le droit". Enoutre, note-t-il, la création d'une ONUE suscite beaucoup de réticences, car elle supposerait,pour les Etats membres, l'abolition de la souveraineté nationale.

"Aujourd'hui, on n'arrive même pas à faire appliquer le protocole de Kyoto ! déploreYannick Jadot, de Greenpeace France. Alors, est-ce l'urgence de gaspiller autant d'énergiepour aboutir un jour à une ONUE ?" Greenpeace a du mal à croire à la "France championnedes discours sur l'écologie sur la scène internationale", alors qu'elle est le pays le plusépinglé par Bruxelles pour son non-respect des directives environnementales.

Copyright 2007 LibérationTous droits réservés

ANNEXE 19

Libération12 avril 2007 jeudiExplosion de colère contre le décret sur l'EPRAUTEUR: PATRIARCA ElianeRUBRIQUE: POLITIQUES; Pg. 12LONGUEUR: 554 motsENCART: Vives protestations après la décision du gouvernement de construire le

réacteur.Les fins de règne n'inclinent pas à la réflexion : à onze jours du premier tour de l'élection

présidentielle, et juste après avoir adopté deux décrets sur les cultures OGM en pleinchamp, le gouvernement a autorisé par décret la construction du réacteur nucléaire EPRde troisième génération de Flamanville, dans la Manche, dont la mise en service est prévuepour 2012.

Page 94: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

94 MORI Hélène_2007

Selon Thierry Breton, le ministre de l'Economie, qui s'exprimait hier dans les Echos,l'EPR est aujourd'hui la technologie la plus moderne et la plus adaptée pour faire face auremplacement de certaines centrales nucléaires de deuxième génération.

Et pour EDF, qui s'est félicité du décret, ce réacteur "contribuera de manière décisiveau maintien de l'indépendance énergétique de la France et de l'Europe en fournissant uneélectricité sûre, compétitive et non émettrice de gaz à effet de serre".

"Mépris". En revanche, du côté des sceptiques ou des opposants, la colère est vive.Cette décision est qualifiée de "provocation", ou jugée "antidémocratique" et "autoritaire". Le17 mars, plusieurs dizaines de milliers de manifestants, dans cinq villes de France, avaientencore réclamé l'abandon de ce projet.

Dominique Voynet, candidate des Verts à la présidentielle, s'est insurgée contre undécret qui traduit le "mépris" pour la mobilisation des populations et la démarche de débatpublic. Les Verts ont toujours considéré que le débat mené par le gouvernement sur l'EPRavait été tronqué. Dominique Voynet a précisé qu'elle excluait d'apporter son soutien ausecond tour à un candidat qui "n'aurait pas pris l'engagement de revenir sur cette décision".Les Verts soulignent en outre le coût "faramineux" 3,4 milliards d'euros de l'EPR, pourune efficacité "médiocre" et une construction "inutile", la France étant "en situation desurcapacité énergétique".

"Diktat". Au PS, très partagé sur la question, on juge le décret révélateur "d'uneconception de la politique qui fait fi du débat transparent et ouvert en matière énergétique,et illustre le passage en force qui a été la caractéristique de la méthode de la droite sur tousles sujets depuis cinq ans". Le PS "s'engage à ouvrir un débat transparent et approfondi surl'avenir de l'EPR au lendemain de l'élection présidentielle".

François Bayrou a qualifié ce décret de "totalement antidémocratique" et s'est déclaréfavorable à sa suspension pour "avoir un vrai débat". José Bové a appelé "toute lagauche, tous les écologistes, tous ceux qui refusent que leurs enfants soient soumisau diktat des nucléocrates à s'opposer à cette construction inutile et dangereuse". Lecandidat altermondialiste incite "tous les candidats à demander un moratoire sur l'EPR etla construction de nouvelles centrales".

"Dans l'urgence". France nature environnement, qui fédère quelque mille associations,dénonce "une décision prise dans l'urgence, sous l'influence du lobby nucléaire, alors quela production d'électricité nucléaire satisfait largement aux besoins actuels". Le réseauSortir du nucléaire, qui revendique plus de 700 associations, s'élève contre cet "acteantidémocratique d'un gouvernement en fin de règne et décrédibilisé qui tente de court-circuiter le débat". Pour Greenpeace, c'est un "déni de démocratie". L'ONG envisage unrecours en annulation devant le Conseil d'Etat.

(avec AFP, Reuters)DATE-CHARGEMENT: 25 mai 2007LANGUE: FRENCH; FRANÇAISTYPE-PUBLICATION: JournalCopyright 2007 LibérationTous droits réservés

Page 95: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Annexes

MORI Hélène_2007 95

ANNEXE 20

Le Figaro12 avril 2007EDF reçoit le feu vert pour le réacteur EPRAUTEUR: F. M.RUBRIQUE: Sociétés FrançaisesLONGUEUR: 659 motsCHEZ EDF, la satisfaction est à la mesure de l'attente. Voilà déjà plusieurs jours, pour

ne pas dire plusieurs semaines, qu'on se préparait à la publication par le gouvernement dudécret autorisant la construction du réacteur nucléaire de troisième génération EPR. C'estchose faite depuis hier. Pour sa part, le conseil d'administration d'EDF avait déjà décidévoilà presque un an, en mai 2006, d'engager la construction de ce prototype.

Mais si les travaux d'aménagement du site (à Flamanville, dans la Manche) ont déjàdémarré, rien concernant l'EPR proprement dit ne pouvait être engagé sans la publicationde ce fameux décret. Le calendrier arrêté pour cet événement, moins de quinze jours avantle premier tour de l'élection présidentielle, devait forcément provoquer des vagues. Ellesn'ont pas tardé. Parmi les plus virulents, Greenpeace a aussitôt stigmatisé un « déni dedémocratie » . De leur côté, les Verts ont parlé de « mépris pour la démarche de débatpublic » . Pour sa part, François Bayrou a jugé ce décret « totalement antidémocratique» , réclamant une suspension de la décision préalable à « un vrai débat » . Quant au Partisocialiste, il a fait part de son étonnement, réaffirmant son engagement « à ouvrir un débattransparent et approfondi sur l'avenir de l'EPR au lendemain de l'élection présidentielle, pourdéfinir les orientations de la politique énergétique du pays » . Autant dire que la polémiquebat son plein, à la mesure d'un dossier, le nucléaire, qui n'a jamais cessé d'être sensible.Voilà encore quelques jours, plusieurs manifestations s'étaient tenues en France contre lelancement de l'EPR. Chez EDF, il y a belle lurette que les orientations énergétiques sontdéfinies. Aux yeux du premier électricien mondial, la défense de l'indépendance énergétiquedu pays implique le choix de l'EPR. « Imaginons un seul instant que la France n'ait pasfait ce choix au début des années 1970 : notre facture énergétique serait grevée deplusieurs dizaines de milliards d'euros » , déclarait Pierre Gadonneix, le président d'EDFau Figaro (lire nos éditions du 5 mai 2006) . Autrement dit, alors que le baril de pétrolesemble devoir s'inscrire durablement à des niveaux très élevés, la relance du programmenucléaire fait figure de nécessité. Remplacer dix-neuf centrales Or, si l'expérimentation duprototype se révèle positive (l'EPR est prévu pour être opérationnel en 2012), la constructiond'une dizaine de réacteurs en France pourrait être lancée vers 2015, dans le but d'êtreopérationnels à l'horizon de 2020. Cette échéance correspond à la vague de remplacementdes centrales actuelles, 19 en tout, soit 58 réacteurs. La première centrale, celle deFessenheim, en Alsace, aura précisément 40 ans en 2017. Même si la durée de vie desréacteurs peut être prolongée au-delà. À titre d'exemple, aux États-Unis, le cap des 60 ansa été officialisé. S'agissant de l'EPR, à Flamanville, là ou sera exploitée la nouvelle centrale(Flamanville 3), les travaux de terrassement ont déjà démarré. Les trois principaux marchés

Page 96: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

L'écologie et développement durable en campagne : des catégories fluctuantes dans le discoursde la presse écrite française en période électorale

96 MORI Hélène_2007

du chantier ont déjà été attribués : il s'agit de Bouygues pour les travaux de génie civil,Alstom pour la fourniture de la salle de machine et Areva, le leader mondial de l'atome civil,pour la fourniture de la chaudière nucléaire. Au total, plus de 150 contrats de sous-traitanceseront passés. EDF, qui prévoit une intense mobilisation en interne autour de l'EPR, saitque ce chantier sera très suivi. Il suffit pour s'en convaincre de regarder ce qui se passeen Finlande pour Areva. Son EPR ayant pris du retard, le groupe a subi une volée decritiques. Nul ne sait encore ce qui attend l'EPR du groupe énergétique français en termesde délais, « mais tout le monde sait que ce type de chantier, extrêmement complexe, tendquasi automatiquement à s'allonger » , souligne un spécialiste du secteur. EDF s'est engagédans une course contre la montre que seuls les politiques pourraient encore arrêter.

DATE-CHARGEMENT: 11 avril 2007LANGUE: FRENCH; FRANÇAISTYPE-PUBLICATION: Publication internetCopyright 2007 Le FigaroAll rights reserved

ANNEXE 21

Le Monde13 avril 2007 vendrediProtestations après le feu vert discret à la construction de l'EPRAUTEUR: Christophe JakubyszynRUBRIQUE: POLITIQUE; Pg. 12LONGUEUR: 410 mots" DÉNI de démocratie " pour Greenpeace, " acte antidémocratique d'un gouvernement

en fin de règne " pour Sortir du nucléaire, " mépris pour la démarche de débat public "pour les Verts, " étonnement " du Parti socialiste : les réactions ont été vives après lapublication au Journal officiel, mercredi 11 avril, du décret autorisant EDF à construire leréacteur nucléaire de troisième génération (EPR) de Flamanville (Manche).

Greenpeace a annoncé son intention de déposer immédiatement " un recours enannulation devant le Conseil d'Etat ". La candidate des Verts Dominique Voynet a préciséqu'elle excluait d'apporter son soutien au deuxième tour à un candidat qui " n'aurait paspris l'engagement de revenir sur cette décision ". Le PS a réaffirmé son engagement " àouvrir un débat transparent et approfondi sur l'avenir de l'EPR au lendemain de l'électionprésidentielle, pour définir les orientations de la politique énergétique du pays ".

" EN CATIMINI "François Bayrou, candidat de l'UDF, juge " antidémocratique " de prendre une décision

" en catimini " juste avant l'élection et s'engage à " suspendre la décision " s'il est élu. José

Page 97: L'écologie et développement durable en campagne : …doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/...L'écologie et développement durable en campagne : des catégories

Annexes

MORI Hélène_2007 97

Bové, qui a annoncé, jeudi dans le quotidien gratuit 20 Minutes, qu'il proposerait à NicolasHulot d'être premier ministre s'il était élu, y voit " une provocation ".

Le ministère de l'économie a indiqué pour sa part que " cette autorisation estl'aboutissement d'un processus de consultation du public très complet ". La Commissionnationale du débat public (CNDP) a organisé un débat public sur l'EPR entre octobre2005 et février 2006. Une enquête publique locale s'est ensuite déroulée en juin et juillet2006, " qui s'est conclue par un avis favorable ", a rappelé le ministère. Les travaux deterrassement sont déjà largement entamés à Flamanville. La publication du décret, le 11avril, doit permettre une mise en service du réacteur en 2012.

Le réacteur européen à eau sous pression (European Pressurised Water Reactor ouEPR) est destiné à prendre le relais d'une partie des 58 réacteurs français actuels. EnFrance, l'énergie nucléaire assure 78 % de la production d'électricité, contre 16 % dans lemonde et 32 % en Europe. Ses opposants dénoncent le coût élevé de sa construction (3,4milliards d'euros), sa technologie " obsolète " et son utilité discutable, la France étant " ensituation de surcapacité énergétique ". Selon eux, le coût de l'EPR va limiter l'investissementdans les énergies renouvelables.

DATE-CHARGEMENT: 12 avril 2007LANGUE: FRENCH; FRANÇAISTYPE-PUBLICATION: Lettre d'informationCopyright 2007 Le Monde InteractifTous Droits Réservés